Le nantissement de créances notifié : une sûreté toujours aussi efficace !!

La guerre entre deux créanciers, dont la banque, bénéficiaire d’un nantissement sur créances vient d’être gagnée par celle-ci et ce, à l’encontre d’un créancier, par nature privilégié : l’administration fiscale.

Ainsi, à l’aune d’une décision du 2 juillet 2020 – pourvois n°19-11417/ 19-13636 – , la Cour de cassation affirme avec force que le créancier bénéficiaire d’un nantissement sur un contrat d’assurance vie “dispose d’un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés”.

Dès lors, l’avis à tiers détenteur, émis par l’administration fiscale, sur les créances, est voué à l’échec : elles ne peuvent être ainsi appréhendées.

La faculté de rachat est transférée du souscripteur à la banque, créancière nantie. Celle-ci est la seule à pouvoir disposer de cette créance.

Le principe est posé par l’article 2363 du Code civil : le créancier nanti, après notification, reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement.  

Clairement, cette sûreté est un gage de sécurité juridique pour son bénéficiaire.

A l’analyse, ce droit exclusif au paiement du créancier nanti, institué par l’article 2363 du Code civil, a les effets d’un droit de rétention.

Dès la notification, la créance appartient temporairement au créancier nanti  : cette propriété “fiduciaire” se transforme alors en pleine propriété en cas de défaillance du débiteur cédé.

C’est par la notification et, non par l’acte de nantissement, que le constituant se dépossède de sa créance et qu’ainsi,  le débiteur change de créancier, dans l’attente du remboursement de la dette nantie.

A notre sens, si le droit positif confère au créancier nanti un tel droit,  l’efficacité du nantissement de créances notifié est inaltérable.

Dans une décision déjà ancienne, la Chambre Commerciale juge le le 26 mai 2010 – n° 09-13388 -, le nantissement de créances de loyers efficient; alors même que le constituant est en procédure collective.

Les loyers sont, pendant la procédure de redressement, entre les mains du prêteur, créancier nanti et non entre les mains des organes de la procédure.  

Et, seul le prêteur, créancier nanti, peut prétendre au paiement de sa créance sur les loyers. Ils pourront ainsi lui être versés jusqu’à complet remboursement de celle-ci.

La Cour de cassation applique en réalité, à la lettre, l’article 2363 du Code civil : « après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu’en intérêts ».

Les incidences de la notification sont donc considérables : le nantissement de créances devient, par cette modalité, une véritable propriété-sûreté.

La décision de la deuxième Chambre Civile du 2 juillet 2020 se fait l’écho de la voie ainsi tracée il y a dix ans, par cette décision du 26 mai en 2010.

Le message est limpide : la notification emporte transfert de la créance du patrimoine du constituant vers celui du créancier nanti, rétenteur de la créance.

Celui-ci est  alors « rempli dans ses droits » et en reçoit, seul, valablement le paiement.

Et, si le débiteur cédé paie le constituant, malgré la notification, il aura mal payé. Il sera alors tenu de payer à nouveau et, cette fois, le créancier nanti : son paiement au constituant n’aura pas été libératoire.

Le nantissement notifié trouve alors, en ce droit exclusif au paiement, qui permet de retenir la créance, toute sa force.

Les incidences de la notification, par le jeu de l’article 2363 du Code civil, sont donc considérables : le nantissement de créances devient, par cette modalité, une véritable propriété-sûreté.

Pourtant, à la simple lecture de l’article 2362 du Code civil, les effets de la notification ne sont pas si clairs.

Cet article indique : « pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le nantissement de créance doit lui être notifié ou ce dernier doit intervenir à l’acte. À défaut, seul le constituant reçoit valablement paiement de la créance ».

La notification ou l’intervention à l’acte sont les formes possibles d’opposabilité de la créance au débiteur nanti : chacune d’elle réalise l’équivalent d’une mise en possession.

La notification aurait donc, pour seul effet, de rendre le nantissement opposable au débiteur de la créance nantie : à compter de sa date, le débiteur cédé sera valablement libéré de sa dette, au titre des créances concernées, entre les mains du créancier nanti ou, le cas échéant, entre celles de l’agent des sûretés

Mais, la lecture combinée de l’article 2362 et 2363 du Code civil entend ne pas limiter les effets de la notification à la seule opposabilité aux tiers.

La notification d’un nantissement valablement constitué donne à son bénéficiaire un droit exclusif : celui d’être payé de sa créance sur les sommes grevées, sans craindre le concours d’autres créanciers poursuivants.

Le créancier nanti est alors hors concours.

D’ailleurs le droit des assurances en son article L.132-10 du Code des assurances ouvre expressément le rachat des créances au créancier nanti et ce, nonobstant l’acceptation du bénéficiaire.

Les lendemains du nantissement de créances notifié sont donc toujours prometteurs – dans l’attente de la nouvelle réforme des sûretés initiée par la loi PACTE- pour le créancier nanti, quelle que soit la nature de la créance ainsi grevée.

Gageons que la pratique notariale s’en saisisse…

Le nantissement de créances authentique peut être utilisé comme une alternative peu couteuse pour le débiteur et efficiente pour son bénéficiaire.

L’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation : la seule notification de l’acte à l’acquéreur, sans lettre explicative, est régulière.

L’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation propose au contractant non professionnel, indépendamment de la qualité du vendeur, de revenir sur son engagement en présence d’un avant contrat, par le biais d’un délai de rétractation ou, en l’absence d’avant-contrat, par la voie du délai de réflexion.

Bien des questions se posent et se sont posées sur cette disposition légale à propos de son champ d’application, de la forme de la notification, de la qualité professionnel de l’acquéreur ou des modalités d’exercice de ce droit…

La dernière décision rendue à son propos est celle de la troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation du 9 juillet 2020 : elle se penche sur le contenu de la lettre de notification.

Suivant les termes mêmes de l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation, l’acte objet du droit de rétractation doit être “notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise (…)”.

La loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 précise simplement que dans les actes ou projet d’actes notifiés, seront rédigées de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions et aux modalités d’exercice du droit de rétractation ou de réflexion.

Le législateur appelle à une rédaction plus claire et plus pédagogique des clauses des actes relatives à l’exercice de ces droits.

En réalité, ce qui doit être notifié, lors de l’exercice du délai de rétractation, c’est l’acte signé par les parties.

S’agissant du délai de réflexion, c’est le projet d’acte qui est notifié : c’est un préalable indispensable à l’engagement éclairé des acquéreurs. Sa parfaite connaissance leur permet, de prendre ou non, la décision définitive d’acquérir.

La notification de l’acte a une finalité : porter à la connaissance des intéressés l’acte signé et ses annexes qui, par nature, font parties intégrantes de celui-ci.

En effet, l’acquéreur est censé réfléchir non seulement à son acquisition et aux conséquences de son financement mais aussi aux risques de cet achat en fonction de l’état de l’immeuble; risques qui lui sont communiqués par le biais des diagnostics techniques annexés à l’acte.

Mais en elle même, la notification de l’acte doit elle être accompagnée d’une lettre attirant l’attention de l’acquéreur sur sa faculté de rétractation dans le délai de dix jours?

Rien n’est moins sur.

La Haute juridiction estime que la simple notification de l’acte sans lettre d’accompagnement est suffisante.

Une lecture exégétique de l’article L.271-1 du Code de construction et de l’Habitation montre qu’il n’est pas exigé une lettre de notification accompagnant la copie de l’avant-contrat signé.

Il suffit alors que soit explicité, dans le compromis de vente notifié à l’acquéreur, le droit de rétractation reconnu à tout acquéreur non-professionnel.

Si l’acte adressé à l’acheteur précise les modalités d’exercice du droit de rétractation de l’acquéreur, aucune autre information n’est nécessaire dans la notification.

La Cour d’Appel ne l’entend pas ainsi : la notification s’accompagne d’une lettre explicative.

En son absence, elle en déduit l’irrégularité de la notification. Le délai n’a ainsi pas commencé à courir et l’acquéreur peut encore se rétracter.

Mais ce raisonnement ne convainc pas les juges de droit: il suffit, que soit explicité, dans l’acte, notifié à l’acquéreur, le droit de rétractation pour que la notification soit régulière.

Fait donc courir le délai de rétractation, la notification de la promesse synallagmatique de vente ouvrant droit à rétractation contenant une copie de l’acte sous seing privé de vente indiquant, dans une clause intitulée « droit de rétractation », les modalités d’exercice de ce droit.

Il est alors inutile de compléter cet envoi, par une lettre de notification, attirant l’attention de l’acquéreur sur sa faculté de rétractation dans un délai déterminé.

En effet, la lettre accompagnant la notification, est une condition de forme absente de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation

La Haute juridiction n’entend pas ajouter une condition supplémentaire à la notification prévue par l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation

Cette position récente vient conforter une jurisprudence antérieure de la troisième Chambre civile.

Ainsi, ajoute à l’exigence légale de notification, la Cour d’Appel qui retient que le délai de rétractation n’a pas couru au motif que la lettre recommandée ne faisait aucune référence à la faculté de rétractation ouverte aux acquéreurs – Cassation civile 3, 17 novembre 2010, n° 19.17.297, Bulletin. civil, III, n° 206 . Ce principe est réaffirmé dans une décision du 2 juin 2016 – Cassation civile 3, 2 juin 2016, n° 15-17.833. La Haute juridiction estime ici que l’agence immobilière n’est pas tenue de mentionner, dans la lettre de notification, la faculté de rétractation des acquéreurs : en l’occurrence, il s’agissait d’acquéreurs belges prétendant ignorer le régime du droit de rétractation…

Ainsi, le régime juridique du contenu de la lettre de notification semble être construit.

Celle-ci sera régulière même si le contenu de la notification se limite, sans plus amples explications, à l’acte et à ses annexes.

Cette précision allège un peu le formalisme légal de l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation.

Ce texte, d’ordre public de protection, doit protéger l’acquéreur d’un engagement irréfléchi.

Il ne doit certainement pas devenir une arme utilisée contre le vendeur et permettant à un acquéreur de soulever toutes les irrégularités imaginables pour parvenir, alors que les délais sont écoulés, à renoncer valablement à son acquisition et à retrouver, en fonction de la promesse signée, son indemnité d’immobilisation ou son dépôt de garantie.

Contrat de séparation de biens et obligation de contribution aux charges du mariage : une obligation d’ordre public

Lors de la liquidation d’un régime séparatiste, les praticiens sont bien souvent confrontés à des conjoints qui paient plus que leur proportion et rétribuent la part de l’autre époux, d’une manière plus ou moins significative.

Et, certains époux, vont solliciter le remboursement d’une créance, estimant avoir financé plus que de raison la vie maritale et, avoir largement dépassé leur contribution aux charges du mariage.

Face à une telle demande, les seuls textes du code civil sont insuffisants pour guider le praticien.

Et, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a, pas à pas, poser avec cohérence, les règles en la matière.

Dernièrement, dans une décision du 13 mai 2020 , la Cour de cassation affirme qu’aucune convention peut dispenser les époux de leur obligation de contribuer aux charges du mariage.

En l’espèce, le contrat de séparation de biens insérait une clause fréquemment utilisée dans ce type de contrat de mariage suivant laquelle “chacun des époux sera réputé s’être acquitté, jour par jour, de sa part contributive aux charges du mariage”.

Par principe, les charges du mariage doivent être assumées par les époux « à proportion de leurs facultés respectives » (art. 214  du code civil).

Elles comprennent les dépenses indispensables de logement, de nourriture, de vêtements et de transports, mais également les frais d’entretien et d’éducation des enfants communs.

Toutefois, il est loisible aux époux de prévoir, dans leur contrat de mariage, une clause prévoyant une répartition différente.

Pourront aussi être précisées dans l’acte certaines dépenses autres considérées, par les parties, comme relevant de la contribution aux charges du mariage.

Ces clauses visent le plus souvent le remboursement des mensualités de l’emprunt souscrit pour acquérir le logement familial ou, plus généralement, toutes les dépenses financées par l’un des époux à l’aide de ses deniers personnels concernant ledit logement ou tout autre bien acheté en indivision.

L’objectif est d’éviter ainsi, dans la mesure du possible, le contentieux récurrent des créances entre époux, rencontré en cas de divorce, dans la liquidation des régimes séparatistes.

Cette clause dite de “présomption de contribution aux charges du mariage” a donné lieu à un contentieux abondant.

Depuis une décision du 25 septembre 2013 (N°12-21.892), la haute juridiction est venue préciser qu’il s’agissait d’une présomption irréfragable interdisant tout recours d’un époux estimant avoir contribué plus que de raison aux charges du mariage.

Néanmoins, cet arrêt a été le premier d’une longue série de décisions précisant les effets de cette présomption : son caractère irréfragable n’empêche pas l’époux de rapporter la preuve contraire même si, celle-ci s’avère délicate. En effet, c’est aux juges du fond d’apprécier la portée exacte de cette clause, en fonction de la volonté des parties et des circonstances de chaque espèce.

Ainsi cette clause laisse la possibilité à celui qui estime avoir trop payé de le prouver mais lui interdit d’invoquer le fait que le conjoint à la place duquel il aurait payé n’a pas assez contribué aux charges (Civile, 1ère 7 février 2018 n° 17-13.276; 11 avril 2018, n° 17-17.457; 5 décembre 2018, 18-10.488). Le fait que la contribution soit excessive et ait excédé ses facultés contributives empêche en réalité la qualification de charges du mariage et permet à l’époux d’être remboursé. A l’inverse si le financement n’a pas excédé ses facultés, il relève de la contribution aux charges du mariage et aucune indemnité compensatrice ne pourra être réclamée (Civile, 1ère 7 février 2018) .

Mais la décision du 13 mai dernier portait sur une question nouvelle : la présence de cette clause empêche t-elle l’un des époux à contraindre l’autre à exécuter cette obligation ?

La réponse de la Haute juridiction est sans appel : la contribution aux charges du mariage est d’ordre public.

Peu importe la modalité de répartition de ces charges entre les époux, l’essentiel est de contribuer.

C’est exactement la règle édictée par l’article 214 du Code civil : la détermination des proportions de cette contribution relève de la loi sauf si les époux en décident autrement.

Toute répartition contributive est donc licite. C’est l’absence de contribution qui est illégale.

Et, cette obligation demeure lors d’une séparation de fait des époux et lors de l’instance en divorce. C’est d’ailleurs, depuis le 1er septembre 2020, au juge de la mise en état de décider de la durée maximale de la contribution aux charges du mariage, partie intégrante des mesures provisoires, en cas de divorce contentieux.

Dès lors, il est essentiel, lors de la rédaction des contrats de séparation de biens, de préciser aux époux les conséquences d’une clause de présomption de contribution aux charges du mariage et d’en préciser les contours : cette clause convient certainement pour les dépenses ordinaires et courantes mais elle peut devenir redoutable en présence d’autres dépenses, de nature différente, tel que l’acquisition d’un bien immobilier.

Au surplus, elle ne permet pas de s’abstenir de contribuer aux charges du mariage, obligation d’ordre public jusqu’au terme du lien marital.

De quelques précisions récentes apportées à l’article L.145-46-1 du Code de commerce, par le droit positif.

Lors d’une vente d’un local commercial, la mise en œuvre de la purge du droit de préférence de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, est loin  d’être  évidente pour le praticien.

Mais pas à pas, le droit positif nous aide et donne, à notre pratique, un éclairage utile dans l’application de cette disposition d’ordre public.

Ainsi, dans une décision du 3 mars 2020 (n° 18/18662), la Cour d’Appel d’Aix en Provence rappelle au preneur ses obligations :  il dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer sur l’acquisition et, s’il accepte l’offre, dispose de deux mois pour la réalisation de la vente, délai porté à quatre mois s’il recourt à un prêt.

En revanche, si, à l’expiration de ce délai, la vente n’est pas réalisée, son acceptation de l’offre de vente est sans effet : il perd donc la possibilité d’acquérir le local commercial.

Dès lors, un preneur ne peut obtenir judiciairement une prorogation de délai lorsqu’il est défaillant dans la réitération de l’acte authentique au terme des délais légaux :  du fait de son absence de diligence dans le processus contractuel, la vente est alors parfaite au profit du tiers acquéreur.

Ce tiers acquéreur, par le jeu des dérogations légales, peut néanmoins acquérir le local sans risquer la mise en oeuvre du droit de préférence par le locataire. 

Ainsi, l’article L.146-41-1 du Code de commerce n’est pas applicable “en cas de cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial. Il n’est pas non plus applicable à la cession globale d’un immeuble comportant des locaux commerciaux ou à la cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint”.

Ces exceptions autorisent le notaire à passer la vente au profit de l’acquéreur sans purger le droit de préférence du preneur en place.

Mais pour instruire notre pratique, les juges prennent alors  le relais quant à l’interprétation des exceptions légales.

Lorsque la vente d’un immeuble comprend un seul local commercial (questions n° 92592 et n° 98594, JOANQ 26 janvier 2016 et  JOANQ 30 août 2016), deux réponses ministérielles indiquaient que «permettre au locataire d’exercer son droit  de  préférence sur l’ensemble immobilier vendu constituerait une extension de ce droit limité par la loi au seul local commercial où il exerce son activité»

Ces réponses ne lient pas le juge mais,  pas à pas, la Haute Juridiction nous guide répondant ainsi à certaines de nos interrogations quant au champ d’application de ces différentes exceptions

Dans une première décision du 17 mai 2018 – n° 17-16.113-, les juges de droit considèrent que lorsque l’assiette du bail ne correspond pas au bien vendu et qu’il existe une différence de surface entre eux, il n’est pas nécessaire de purger le droit de préférence : il s’agit là de la cession globale d’un immeuble comportant des locaux commerciaux.

Ainsi, la cession dite “globale” porte  sur un ensemble plus vaste que les seuls lieux loués.

Cette interprétation  rejoint un principe acquis, à propos du pacte de préférence conventionnel de l’article 1123 du Code civil  : le bailleur n’est pas tenu de diviser son immeuble afin de purger le droit de préférence de son preneur. Celui-ci préempte le bien loué, uniquement, si le seul bien mis en vente est le local loué  – Civ. 3e, 9 avr. 2014, n° 13-13.949.

Dans une décision récente, les juges du fond se sont à nouveau penchés sur une des exceptions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce : celle de la  “cession unique de locaux commerciaux distincts”.

Ces derniers doivent ils avoir fait l’objet d’une division matérielle et/ou juridique ?

La cour d’Appel de Paris, dans une décision du 20 mai 2020 – CA Paris, n° 18/24248- répond à cette interrogation . En l’espèce la société civile, propriétaire d’un local loué par deux baux commerciaux distincts vend son lot de copropriété. Le local mis en vente, situé en rez de chaussée, abritait deux preneurs différents,  partagés par une simple cloison. L’un deux sollicite alors la nullité de la vente conclue en violation de son droit de préférence. 

Pour autant, il est relevé l’existence de locaux distincts : ceux-ci ont deux entrées différentes et sont séparés par une cloison.

Cette simple division matérielle marque la présence de plusieurs locaux et la purge du droit de préférence n’a pas lieu d’être.

Il n’était donc pas nécessaire de créer deux nouveaux lots de copropriété pour que le local soit définis comme “des locaux commerciaux distincts”.

Cette précision est d’importance : il importe peu au final que la division matérielle du lot soit suivi  d’une division juridique.

La cession à un même, acquéreur d’un lot de copropriété loué à deux preneurs à bail commercial est donc une cession unique de locaux commerciaux distincts.

A ce titre, elle échappe à l’application de l’article L.145-46-1 du Code de commerce.

Ainsi s’il est évident que cette exception vise à écarter le droit de préférence lorsque la vente porte sur un portefeuille de locaux commerciaux, quelle que soit leur situation géographique exacte.

Celui-ci est aussi écarter par la présence dans un même local de deux preneurs, séparés par une cloison.

Ces différentes décision en témoignent :  le droit positif pallie nos incertitudes dans un domaine où la loi aurait mérité plus de clarté.

Vente de terrain à bâtir par une personne physique : à quel moment devient-elle une commercialisation active soumise à la TVA ?

La réponse à cette question, récurrente dans notre pratique notariale, se trouve dans la décision du Conseil d’Etat du 9 juin 2020 (n° 432596).

La vente de terrains à bâtir, qui procède de démarches actives de commercialisation foncière, par une personne physique, sera soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Ne le sera pas, la vente consistant en la simple gestion d’un patrimoine privé.

C’est ici, l’exacte application de l’article 256 A du Code général des impôts, combiné avec l’article 257 du même code afférent aux immeubles.

D’après la doctrine fiscale, un particulier qui cède des terrains à bâtir recueillis par succession ou donation, ou acquis pour son usage privé, est présumé ne pas réaliser une activité économique.

Peu importe, le nombre de parcelles vendues, la durée sur laquelle s’étaleront les opérations, l’importance des recettes ou le fait que cette opération soit précédée d’un lotissement parcellaire du terrain. Tel est le cas, pour exemple, lorsque le cédant vend par lui-même des lots viabilisés lui appartenant et dont l’aménagement est réalisé par un professionnel, lui-même rémunéré par l’un des terrains.

En revanche, lorsqu’il est prouvé par un faisceau d’indices que le cédant entre dans une démarche active de commercialisation foncière, qu’il acquiert les biens au delà d’une pure démarche patrimoniale ou en mobilisant des moyens de manière à concurrencer les professionnels : c’est une commercialisation foncière entrainant l’application de la taxe sur la valeur ajoutée.

Ainsi, le fait de confier la vente d’un terrain à un notaire ou une agence immobilière, ne constitue pas, une démarche active de commercialisation.

Mais, il en va autrement, lorsque le cédant engage des moyens importants : c’est le cas de la mise en place de bureaux de vente qui laisserait entendre une démarche concurrentielle par rapport aux professionnels du secteur.

En réalité, c’est une question de fait.

L’administration fiscale utilise la même méthode que celle destinée à définir l’activité de marchands de biens (CAA Paris, 2 février 2016, n° 15PA01551): la méthode du faisceau d’indices qui conduit à déterminer, par l’utilisation de différents critères factuels, si le cédant agit ou non à titre privé, dans le cadre de la gestion de son patrimoine.

Lorsque les ventes réalisées résultent de la simple propriété du bien et ne constituent pas la contrepartie d’une activité économique, la taxe sur la valeur ajoutée n’est pas applicable.

Tel est le cas lorsque l’immeuble litigieux est acquis dans une pure démarche patrimoniale, avec comme finalité, la valorisation de la propriété immobilière, sans utiliser de moyens pour entrer en concurrence avec les professionnels du secteur immobilier.

Une telle opération occasionnelle est une démarche patrimoniale et ce, peu importe, que l’immeuble soit acquis puis revendu rapidement (CA de Douai, 20 septembre 2018, n° 17/02071).

De la même manière, la commercialisation de terrains, reçus par donation est une gestion privée de patrimoine immobilier, en l’absence de moyens commerciaux utilisés par les professionnels de la vente immobilière (CAA de Bordeaux, 20 mai 2020, n° 18BX01002).

Dans la décision du 9 juin dernier, le requérant est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la cession, en 2011 et 2012, de dix-huit parcelles de terrain à bâtir préalablement aménagées. Pour le Conseil d’État, de tels travaux ne sont pas de la simple gestion d’un patrimoine privé, mais caractérisent l’existence de démarches actives de commercialisation, comparables à celles d’un professionnel : la vente est donc soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

Dès lors, caractérise une démarche active de commercialisation foncière, la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en oeuvre de moyens de commercialisation professionnel, similaires à ceux déployés par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services.

Il ne s’agissait donc pas de livraisons de terrains à bâtir ou d’immeubles neufs réalisés, à titre occasionnel, dans l’exercice du droit de propriété.

D’ailleurs, ce sont les critères de la Cour de Justice de l’Union européenne qui sont repris dans cette décision du Conseil d’Etat (CJUE, 15 septembre 2011, aff. C-180-10) : elle a ainsi jugé qu’une personne physique, exerçant une activité agricole, n’est pas assujettie à la TVA lorsqu’elle revend un terrain, requalifié indépendamment de sa volonté, de terrain constructible.

Il s’agit ici du simple exercice du droit de propriété par son titulaire.

La frontière entre commercialisation foncière et gestion du patrimoine privé est parfois ténue et toujours factuelle

La valorisation de la propriété immobilière peut donc prendre plusieurs formes dont il sera déduit une fiscalité propre.

Il nous appartient d’informer et d’éclairer nos clients sur les incidences fiscales de l’acte de vente.

Et, en amont, au delà de la lecture statique des textes, la décision du Conseil d’Etat nous invite à analyser la démarche du cédant.

De deux choses l’une :

Soit, le cédant est dans une pure démarche patrimoniale de valorisation de sa propriété immobilière sans objectif économique d’entreprise et, il s’agit d’une opération de gestion de patrimoine.

Soit, il en va autrement par le recours à des moyens d’envergure pour une simple opération de gestion de patrimoine (telle que la mise en concurrence avec des professionnels de l’immobilier) : l’opération se démarque alors d’une vente classique et il s’agit d’une commercialisation foncière soumise de ce fait à la taxe sur la valeur ajoutée.

Gestion des réserves foncières en milieu rural : les risques de l’abandon du projet d’aménagement.

Les projets d’aménagement naissent souvent des réserves foncières constituées par les personnes publiques.

Elles ont recours, à défaut de vente amiable, au droit de préemption et le cas échéant, à la procédure spéciale d’expropriation de l’article L.221-1 du Code de l’urbanisme à des fins de constitution de réserves foncières.

Les personnes publiques bénéficient alternativement de ces différents outils pour mettre en pratique leur stratégie de développement.

Une commune sans droit de préemption dans la zone voulue peut alors, utiliser la procédure d’expropriation.

Les réserves foncière ainsi constituées vont permettre de créer différentes opérations d’aménagements visées par l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme telles que des zones d’aménagements concertées, des opérations de restauration immobilières, des lotissements, des remembrements…

De telles réserves répondent donc à une finalité précise et correspondent à des projets d’une ampleur et d’une complexité certaines.

Pour autant, pèse sur la personne publique propriétaire, une obligation : celle d’assurer une gestion raisonnable de la réserve foncière avant son utilisation définitive.

Et, lorsque la réserve foncière est en milieu rural, cette gestion prend souvent la forme d’une exploitation agricole.

Ces réserves foncières en milieu rural ont effectivement horreur du vide. Il est donc impératif de les exploiter pour les entretenir dans l’attente du projet.

L’article L.221-2 du Code de l’urbanisme autorise alors la conclusion de concession temporaire de terres agricoles.

Cette concession n’est pas un bail rural.

Le preneur ne bénéficie pas des dispositions du Code rural : c’est une convention exclue du statut du fermage en application de l’article L.411-2 du Code rural car conclue en application de dispositions législatives particulières issues du Code de l’urbanisme.

L’immeuble, au terme de cette occupation temporaire, sera repris pour faire l’objet de l’aménagement envisagé.

Cette reprise suppose le respect d’un préavis fixé par l’article L.221-2 du Code de l’urbanisme permettant ainsi de respecter les échéances de la récolte ou, le cas échéant, d’indemniser le preneur de sa perte.

La concession restreint donc les droits du preneur : elle lui confère une jouissance précaire justifiée par l’opération d’aménagement à venir.

Cette précarité se justifie par la réalisation future d’un projet d’aménagement sans qu’aucun délai de réalisation soit imposé.

De fait, le bénéficiaire exploitant de la concession détient “une simple servitude d’occupation temporaire” constituée dans un but d’utilité publique : celui de gérer l’immeuble rural dans l’attente de l’aménagement projeté.

Cette concession peut donc durer plusieurs années : celle-ci est simplement liée à l’aboutissement du projet d’aménagement dans un futur plus ou moins proche.

Mais que devient cette convention lorsque le projet d’aménagement envisagé est abandonné?

En d’autres termes, le preneur en place bénéficiaire d’une concession temporaire ne lui conférant aucun droit au renouvellement ou droit de préemption conserve t-il ce statut alors même que l’immeuble n’est pas affecté à l’opération d’aménagement ?

C’est à cette question que la Cour de cassation a répondu dans une décision du 27 février 2020.

En l’espèce, un établissement public foncier avait acquis des parcelles de terre en vue de la constitution d’une réserve foncière. Ces parcelles ont fait l’objet de concession annuelle temporaire pendant dix ans. Mais, l’établissement public abandonne le projet initial et envisage de céder les terrains, objet de la réserve foncière, à une société d’aménagement foncier et d’établissement rural. Il annonce donc aux preneurs en place qu’il est nécessaire de libérer les lieux.

Les exploitants agricoles contestent et revendiquent le statut du fermage.

La réserve foncière ne sera pas utilisée pour une opération d’aménagement : l’exclusion du statut du fermage, d’ordre public, n’a plus lieu d’être.

La Haute juridiction casse la décision d’appel et leur donne raison.

En effet, l’événement qui a donné lieu à la concession temporaire ne se réalisera pas.

Or, celle-ci était autorisée uniquement en fonction de cet aménagement futur.

A partir du moment où celui-ci disparait, le droit rural reprend ses droits et, le preneur peut alors revendiquer l’existence d’un bail rural puisque les conditions de celui-ci sont réunies.

En l’espèce, il s’agissait conformément à l’article L.411-1 du Code rural, d’une mise à disposition d’un immeuble à usage agricole, à titre onéreux, en vue de l’exploiter pour y exercer l’activité agricole

La Haute Juridiction relève l’abandon du projet d’urbanisme ayant justifié la constitution de la réserve foncière. Les immeubles ont donc perdu cette nature et les preneurs exploitants peuvent se maintenir dans les lieux et bénéficier d’un bail rural.

Ainsi, le preneur doté au départ d’une jouissance provisoire se retrouve, du fait de l’abandon du projet d’aménagement, avec la qualité de preneur à bail rural : le droit au renouvellement, le droit de préemption, la possible cession du bail à un membre de sa famille ou la transmission de celui-ci en cas de décès sont différents droits, qui lui sont alors acquis, de plein droit.

Cette décision est importante.

Le projet d’aménagement doit se situer dans les limites du possible et être mûrement réfléchi par les acteurs publics.

Un abandon de celui-ci fait perdre aux immeubles la qualité de réserve foncière. Il peut conduire inexorablement ces différents terrains ainsi acquis vers un avenir tout autre : celui d’une exploitation agricole, en faire valoir indirect, bien loin des préoccupations initiales d’aménagement….

Et, cet avenir peut, par le jeu du bail rural, perdurer dans le temps.

La servitude de passage : un outil pertinent pour créer la desserte d’une assiette foncière

Le principe de la desserte des constructions est un préalable nécessaire à tout permis de construire.

Ainsi, il est indispensable, de s’assurer, de l’existence d’une desserte suffisante de l’assiette foncière du projet envisagé.

Si cette desserte est inexistante, une servitude de passage peut parfaitement être établie.

Et, l’administration pourrait même subordonner la délivrance d’un permis de construire à la création d’une telle servitude.

Tel a été le cas dans une décision du Conseil d’Etat du 3 juin 2020 – n°427781.

Dans cette affaire, une société a sollicité un permis de construire valant division conformément à l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme ; alors même qu’elle ne disposait d’aucune voie d’accès à la circulation publique et ce, en vue de la réalisation d’un ensemble immobilier de 208 logements .

L’accès devait être réaliser sur des parcelles appartenant à des tiers. Mais, à la date du dépôt de la demande, il n’existait pas.

L’administration ne s’est pas opposée au permis.

Elle l’a accordée sous condition : celle de la production, par le bénéficiaire, d’un acte authentique emportant création de la servitude de passage dans un délai déterminé. Celui-ci est fixé par la décision : ce sera, au plus tard, le jour du dépôt de la déclaration d’ouverture du chantier.

Le maire aurait pu refuser ce permis.

La desserte n’existait pas au jour de la demande et l’article R.111-5 du Code de l’urbanisme indique que “le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l’utilisation des engins de lutte contre l’incendie (…)”.

Mais il l’a accordé, estimant que la création de cette servitude de passage ne modifiait pas en profondeur le projet présenté par le pétitionnaire et, entrainait seulement, des modifications mineures, sur des points limités et précis.

En d’autres termes, et contrairement à ce que soutenait en première instance le tribunal administratif , il n’était pas utile de déposer un nouveau permis une fois la servitude créée. Il suffisait de délivrer un permis de construire sous condition de sa réalisation.

Le droit privé vient donc en aide au pétitionnaire pour l’aider à réaliser son projet d’aménagement.

L’article 682 du Code civil envisage expressément cette hypothèse.

Il accorde au propriétaire d’une parcelle enclavée, le droit de réclamer un un passage en vue de l’exploitation ou la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, sur sa parcelle, à charge d’en indemniser les propriétaires.

La servitude trouve ainsi son fondement et ses limites dans l’exploitation du fonds enclavé qu’il s’agisse de l’exploitation agricole, commerciale ou industrielle ou, de la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement.

Ainsi, les voies d’accès vers une parcelle accueillant un projet d’aménagement sont multiples.

Il peut s’agir de voies ouvertes à la circulation publique ou purement privées. Dans ce cas, il est nécessaire de s’assurer de l’existence d’un titre de propriété sur la voie ou d’une servitude de passage.

Le droit positif en la matière est riches d’exemples ayant permis, par l’utilisation de l’article 682 du Code civil, l’aménagement de parcelles enclavées.

L’autorité administrative doit s’assurer de l’existence d’une voie d’accès mais peu importe sa nature.

Ainsi le Conseil d’Etat, dans une décision du 26 février 2014 – n° 356571- relève qu’il “appartient seulement à l’autorité compétente et au juge de s’assurer que les caractéristiques physiques d’une voie d’accès permettent l’intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d’une servitude de passage étant sans incidence“.

En pratique, l’autorité administrative, comme le juge, doit vérifier concrètement la situation de la voie et notamment, son caractère carrossable, ainsi que la configuration des lieux.

Plus le nombre d’immeuble à desservir est important, plus la voie devra être largement accessible – CE, 28 juillet 2000, n° 199325- : pour un ensemble immobilier d’envergure, les véhicules d’incendie et de secours doivent pouvoir y accéder et en repartir et, la servitude, doit contenir une surface de retournement.

Et, lorsque cette voie d’accès n’existe pas encore, il est loisible au maire de délivrer un permis de construire sous condition de sa création.

En réalité, en l’absence de desserte, le pétitionnaire peut lui aussi prévoir, en amont, une servitude de passage qui figurera dans le dossier de demande de permis de construire.

Le terrain d’assiette du projet trouve ainsi sa desserte vers la voie publique.

Tel a été le cas dans une décision de la Cour d’Appel de Nantes en date du 13 mars 2020 (n°18NT03960). Cette dernière, après avoir vérifié, l’existence d’une servitude de passage dans la demande de permis de construire, revient sur la décision du maire ayant refusé le permis : la desserte de la construction était assurée car, la servitude de passage, jointe au dossier instruit par celui-ci.

Dès lors, garantir la desserte des constructions est chose possible même si en apparence le terrain objet du projet apparait enclavé. Le droit positif et le Code civil nous offre la possibilité de créer une servitude de passage par la voie de l’article 682 du Code civil.

Depuis le 1er juin 2020, l’obligation d’être informé de la localisation de certains immeubles dans une des zones du plan d’exposition au bruit, concerne les actes de vente et perdure pour les baux

L’article 94 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilité a prévu qu’à partir du 1er juin 2020, lorsque des immeubles bâtis à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation et des immeubles non bâtis constructibles,  situés dans l’une des zones de bruit définies par un plan d’exposition au bruit, font l’objet de location ou de vente, un document informant de cette situation est communiqué au futur acquéreur ou locataire. 

Il est donc aujourd’hui, pour ces actes de vente ou de location, nécessaire de les adapter en conséquence et d’assurer la transparence de cette information.

La localisation de l’immeuble concerné, dans une zone du plan d’exposition au bruit, doit être explicite.

En pratique, le plan d’exposition au bruit, est un plan à l’échelle du 1/25 000ème qui délimite, au voisinage des aéroports, quatre zones d’exposition au bruit où la construction de logements est réglementée (art. R112-3 du Code de l’urbanisme).

A chacune d’elle correspond un niveau sonore.

Dans les zones A de bruit très fort et B de bruit fort, les constructions sont autorisées si elles sont liées à l’activité aéronautique.

Dans la zone C de gêne modérée, les constructions individuelles non groupées dans un secteur déjà urbanisé sont autorisées. Les opérations de renouvellement urbain peuvent l’être, si elles n’augmentent pas fortement la population.

Dans la zone D de bruit plus faible, toutes les constructions sont autorisées mais, soumises, à des obligations d’isolation phonique.

A partir du 1er juin 2020, le futur acquéreur ou locataire d’un bien situé dans l’une de ces zones devra en être informé.

Mais quelle était la situation avant le 1er juin 2020 ?

Seuls les baux étaient concernés par une information précise et obligatoire, lorsque le bien loué était situé dans une des zones du plan d’exposition au bruit.

L’article L.112-11 du Code de l’urbanisme imposait cette obligation d’information concernant la localisation du bien loué : « Le contrat de location d’immeuble à usage d’habitation ayant pour objet un bien immobilier situé dans l’une des zones de bruit définies par un plan d’exposition au bruit comporte une clause claire et lisible précisant la zone de bruit où se trouve localisé ce bien. »

Pour la vente, il existait uniquement une obligation générale d’information vis-à-vis de l’acheteur incluant les servitudes d’urbanisme de l’immeuble, objet de la vente,  dont celles, découlant de la localisation de celui-ci dans une zone du plan d’exposition au bruit.

Quelle est la situation au 1er juin 2020 avec le nouvel article L.112-11 du Code de l’urbanisme?

Devient obligatoire, un document indiquant la localisation du bien dans une zone du plan d’exposition au bruit pour la vente de certains immeubles et les contrats de location soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Ce document comporte : la zone, le site permettant de consulter le plan d’exposition au bruit, la mention que celui-ci est consultable en mairie du lieu de l’immeuble.

Mais sont exclusivement visés par cette obligation : les immeubles bâtis à usage d’habitation, les immeubles bâtis à usage mixte professionnel et d’habitation, les immeubles non bâtis constructibles.

L’immeuble non bâtis constructible sera défini comme tel par les documents d’urbanisme du lieu de sa situation. La destination et l’usage du bâtiment pouvant être construit sur ce type d’immeuble et donc sur le terrain ne sont pas précisés. Par conséquent, peu importe ceux-ci, tant que le terrain est constructible.

Quant aux ventes en l’état futur d’achèvement, à la lecture de l’article L.112-11 du Code de l’urbanisme, une question demeure.

Si celles-ci entrent dans la catégorie « immeuble bâti », l’information est obligatoire uniquement en cas de vente en l’état futur d’immeubles mixte ou d’habitation.

Si elles entrent dans la catégorie “immeuble non bâti constructible”, cette obligation concerne toutes les ventes en l’état futur qu’elles soient à destination commerciales ou d’habitations.

Il est néanmoins prudent de considérer que le document imposé par l’article L.112-11 du Code de l’urbanisme devra être établi pour toutes les ventes en l’état futur d’achèvement puisqu’elles portent, au moment de la signature de l’acte, sur un immeuble non bâti constructible.

Cette information s’insère dans le dossier de diagnostic ou est annexée à la promesse ou à la vente.

Ainsi, pour la vente d’un immeuble bâti, l’information est intégrée au dossier de diagnostic, lui même annexé à la promesse ou le cas échéant à la vente (art. L.271-4 (10°) du Code de construction et de l’habitation). Il en est de même pour le contrat de location : l’information est intégrée au diagnostic technique, lui même annexé à l’acte (art. 3-3 de la loi du 6 juillet 1989).

Pour la vente d’un immeuble non bâti, le document est annexé à la promesse ou le cas échéant à la vente. Et, pour une vente en l’état futur d’achèvement, le document est annexé à l’acte authentique de vente ou le cas échéant au contrat préliminaire.

Les informations contenues dans ce document ont simplement une valeur indicative : l’acquéreur ou le locataire ne peuvent donc pas se prévaloir à l’encontre du bailleur ou du vendeur du contenu de ses informations (art. L.112-11 (II) du code de l’urbanisme).

Mais, pour la vente, cette défaillance peut donner lieu à la résolution de l’acte ou à une diminution judiciaire du prix (art. L.112-11 (III) du Code de l’urbanisme).

Nous nous devons donc de reprendre la plume pour que nos clauses reflètent parfaitement la situation de ce type d’immeuble et qu’ainsi locataires et propriétaires soit véritablement informés des conséquences d’un telle localisation.

Changement d’usage: de l’utilité des fiches de révision foncière du 1er janvier 1970 et des autorisations d’urbanisme postérieures.

Par une décision du 28 mai 2020, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation s’est à nouveau prononcée sur la preuve de l’usage de l’immeuble au regard de l’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation. .

Qu’on se le tienne pour dit, les fiches de révision foncières ont encore de beaux jours devant elles !

En l’absence de changement de destination autorisé après le 1er janvier 1970, l’usage du local est de droit celui inscrit dans la fiche de révision foncière du 1er janvier 1970 (art. L.631-7 du Code de construction et de l’habitation).

Usage et destination sont cependant deux notions autonomes et distinctes mais l’une, peut néanmoins rapporter la preuve de l’autre…

Dans la décision du 28 mai dernier, le propriétaire d’un appartement à Paris utilise son immeuble pour des locations saisonnières de courtes durées au bénéfice d’une clientèle de passage. La ville de Paris estime qu’il s’agit là d’une violation de la réglementation du changement d’usage. Pour autant, il n’est pas rapporté la preuve de l’usage d’habitation de l’appartement au 1er janvier 1970 par la fiche de révision foncière.

La Ville de Paris soutient néanmoins qu’après le 1er janvier 1970, cet appartement était à usage effectif d’habitation.

Peu importe répond la Haute juridiction : seul l’usage révélé, par la fiche de révision, à la date du 1er janvier 1970, compte.

Celui-ci est donc de droit.

Dès lors, l’usage s’est inscrit dans le marbre au 1er janvier 1970, en l’absence de changement de destination autorisé.

Cette position n’est pas inédite. Elle s’est fait jour durant l’année 2019.

La troisième Chambre Civile de la Cour de cassation dans deux décisions du 28 novembre 2019 (n° 18-23.769 et n° 18.24.157) suit cette ligne directrice : l’usage au 1er janvier 1970 prime, peu importe l’usage effectif postérieur car seul compte un changement de destination autorisé révélateur, le cas échéant, d’un autre usage.

Dans une décision du 5 avril 2019 (N°410039), le Conseil d’Etat indique, lui aussi, qu’en l’absence de changement de destination postérieur au 1er janvier 1970, un immeuble est réputé être à l’usage auquel il est affecté au 1er janvier 1970.

La règle est simple d’apparence : l’usage de l’immeuble est celui révélé par la fiche de révision foncière au 1er janvier 1970 à moins d’une preuve contraire rapportée par une autorisation postérieure.

Il est donc d’une importance extrême d’obtenir de nos clients les autorisations d’urbanisme successives, affectant le local ou l’immeuble, depuis le 1er janvier 1970.

Elles peuvent être révélatrices d’un changement d’usage non autorisé.

Et, les praticiens peuvent faire face à plusieurs situations distinctes dans les communes entrant dans le champ d’application des articles L.631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation (commune de plus de 20.000 habitants et communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) :

L’immeuble est à usage d’habitation au 1er janvier 1970 dans la fiche de révision foncière

Son propriétaire actuel a modifié cet usage sans autre forme de procès. L’immeuble a un usage commercial ou est donné en location saisonnière. L’usage est donc illégal car il ne respecte pas les prescriptions imposées par l’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation.

Il aurait fallu solliciter une autorisation pour changement d’usage lui imposant, le cas échéant, une procédure de compensation. L’immeuble est, en réalité, toujours à usage d’habitation.

L’immeuble n’est pas à usage d’habitation au 1er janvier 1970 dans la fiche de révision foncière

Son propriétaire utilise cet immeuble à usage commercial ou à usage de location saisonnière. Il n’a demandé aucune autorisation au titre du changement d’usage et les propriétaires antérieurs non plus.

Il n’y a pas, en l’espèce, de changement d’usage illicite. L’immeuble demeure fidèle à son usage initial et l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation n’a pas lieu de s’appliquer.

En effet, l’usage d’habitation n’existait pas à l’origine.

L’immeuble n’est pas à usage d’habitation au 1er janvier 1970 dans la fiche de révision foncière mais, l’un de ses propriétaires a obtenu un changement de destination pour de l’habitation, autorisée par une déclaration préalable ou un permis de construire

Le propriétaire actuel utilise cet immeuble à usage commercial ou à usage de location saisonnière. Il n’a pas demandé d’autorisation au titre du changement d’usage. Toutefois, il y a eu, depuis le 1er janvier 1970, un changement de destination autorisé.

Le changement d’usage actuel est illicite : il aurait fallu solliciter un changement d’usage au sens de l’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation entrainant, le cas échéant, une compensation.

Curieux régime dualiste que celui de l’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation qui, dans un but de simplification, ne prend pas forcément en compte la réalité du terrain : l’usage est révélé par la fiche de révision foncière ou par un changement de destination postérieur.

La ville de Paris l’a bien compris dans cette décision du 28 mai dernier.

En pratique, tout immeuble affecté à un usage autre que d’habitation au 1er janvier 1970 échappe à la procédure d’autorisation préalable de l’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation et ce, même si pendant de nombreuses années il a été, en réalité, à usage d’habitation.

Et, dans ce cas, le futur acquéreur de cet immeuble désireux d’y établir sa résidence principale pourrait ne pas comprendre qu’il soit nécessaire d’harmoniser la situation de fait et de droit en sollicitant les autorisations nécessaires au changement de destination…

Une nouvelle déclaration obligatoire, avant le 1er juillet 2023, pour les propriétaires de locaux d’habitation !

Le 5 juin dernier, le projet de Plan local d’Urbanisme bioclimatique a été arrêté par le Conseil de Paris. En chantier depuis 2020, le PLU bioclimatique doit encore être soumis à une enquête publique entre fin 2023, début 2024, avant d’être définitivement voté par le Conseil fin 2024, pour une entrée en vigueur à horizon 2025.

L’arrêté du nouveau projet, et notamment de son règlement, permet de préciser plusieurs points très attendus par les acteurs de l’immobilier, dont la liste des parcelles “pastillées” dédiées à la création de nouveaux logements, ainsi que l’étendue du renforcement de la “servitude de mixité sociale” et de la “servitude de mixité fonctionnelle”.

Extension du pastillage à plus de 600 nouvelles parcelles

Suite à la publication de la liste des parcelles pastillées, le nombre de ces parcelles a augmenté de 611, amenant le total des pastilles autour de 1000 parcelles concernées.

Pour rappel, le “pastillage” d’une parcelle est un emplacement réservé qui oblige son propriétaire à affecter une partie de sa surface à la création de logements sociaux ou abordables. La pastille prend alors effet à l’occasion d’une demande d’autorisation d’urbanisme : construction neuve, travaux de restructuration lourde, changement de destination des locaux entrant dans le champ d’application du permis de construire ou de la déclaration préalable.

S’il le souhaite, le propriétaire soumis à une pastille pourra exercer un droit de délaissement, prévu par le règlement du PLU-B. Concrètement, cette procédure permet de mettre en demeure la ville d’acquérir la parcelle à un prix de marché ne prenant pas en compte la dévaluation provoquée par la pastille. La Mairie dispose alors d’un délai d’un an pour répondre à la mise en demeure d’acquérir.

Selon une étude réalisée par Knight Frank, en date de juin 2023, la majorité des immeubles pastillés concernent des bureaux situés dans l’ouest de la ville. L’étude précise que sur “les 249 pastilles recensées dans le QCA, 85 % portent sur des bureaux ou des actifs mixtes à dominante tertiaire.”

Abaissement du seuil d’obligations de logements sociaux de 800m2 à 500m2

Suivant la volonté de développer de nouveaux logements sociaux en s’appuyant sur l’existant, le PLU-B renforce le dispositif de “servitude de mixité sociale” par l’abaissement du seuil d’obligations de logements sociaux.

Si le dispositif oblige aujourd’hui les projets de logements de plus 800 m2 de surface à allouer une part minimum de 30 % de logements sociaux (si ce projet se trouve dans un secteur dit “déficitaire”), le futur PLU abaisse ce seuil à 500 m2.

Enfin, toute demande d’autorisation d’urbanisme concernant un immeuble d’une surface de plus de 5000m2 doit allouer une part de 10% minimum de logements dans son projet, selon le dispositif de “servitude de mixité fonctionnelle”.