03 juin 2020 Juridique

Changement d’usage: de l’utilité des fiches de révision foncière du 1er janvier 1970 et des autorisations d’urbanisme postérieures.

Par une décision du 28 mai 2020, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation s’est à nouveau prononcée sur la preuve de l’usage de l’immeuble au regard de l’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation. .

Qu’on se le tienne pour dit, les fiches de révision foncières ont encore de beaux jours devant elles !

En l’absence de changement de destination autorisé après le 1er janvier 1970, l’usage du local est de droit celui inscrit dans la fiche de révision foncière du 1er janvier 1970 (art. L.631-7 du Code de construction et de l’habitation).

Usage et destination sont cependant deux notions autonomes et distinctes mais l’une, peut néanmoins rapporter la preuve de l’autre…

Dans la décision du 28 mai dernier, le propriétaire d’un appartement à Paris utilise son immeuble pour des locations saisonnières de courtes durées au bénéfice d’une clientèle de passage. La ville de Paris estime qu’il s’agit là d’une violation de la réglementation du changement d’usage. Pour autant, il n’est pas rapporté la preuve de l’usage d’habitation de l’appartement au 1er janvier 1970 par la fiche de révision foncière.

La Ville de Paris soutient néanmoins qu’après le 1er janvier 1970, cet appartement était à usage effectif d’habitation.

Peu importe répond la Haute juridiction : seul l’usage révélé, par la fiche de révision, à la date du 1er janvier 1970, compte.

Celui-ci est donc de droit.

Dès lors, l’usage s’est inscrit dans le marbre au 1er janvier 1970, en l’absence de changement de destination autorisé.

Cette position n’est pas inédite. Elle s’est fait jour durant l’année 2019.

La troisième Chambre Civile de la Cour de cassation dans deux décisions du 28 novembre 2019 (n° 18-23.769 et n° 18.24.157) suit cette ligne directrice : l’usage au 1er janvier 1970 prime, peu importe l’usage effectif postérieur car seul compte un changement de destination autorisé révélateur, le cas échéant, d’un autre usage.

Dans une décision du 5 avril 2019 (N°410039), le Conseil d’Etat indique, lui aussi, qu’en l’absence de changement de destination postérieur au 1er janvier 1970, un immeuble est réputé être à l’usage auquel il est affecté au 1er janvier 1970.

La règle est simple d’apparence : l’usage de l’immeuble est celui révélé par la fiche de révision foncière au 1er janvier 1970 à moins d’une preuve contraire rapportée par une autorisation postérieure.

Il est donc d’une importance extrême d’obtenir de nos clients les autorisations d’urbanisme successives, affectant le local ou l’immeuble, depuis le 1er janvier 1970.

Elles peuvent être révélatrices d’un changement d’usage non autorisé.

Et, les praticiens peuvent faire face à plusieurs situations distinctes dans les communes entrant dans le champ d’application des articles L.631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation (commune de plus de 20.000 habitants et communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) :

L’immeuble est à usage d’habitation au 1er janvier 1970 dans la fiche de révision foncière

Son propriétaire actuel a modifié cet usage sans autre forme de procès. L’immeuble a un usage commercial ou est donné en location saisonnière. L’usage est donc illégal car il ne respecte pas les prescriptions imposées par l’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation.

Il aurait fallu solliciter une autorisation pour changement d’usage lui imposant, le cas échéant, une procédure de compensation. L’immeuble est, en réalité, toujours à usage d’habitation.

L’immeuble n’est pas à usage d’habitation au 1er janvier 1970 dans la fiche de révision foncière

Son propriétaire utilise cet immeuble à usage commercial ou à usage de location saisonnière. Il n’a demandé aucune autorisation au titre du changement d’usage et les propriétaires antérieurs non plus.

Il n’y a pas, en l’espèce, de changement d’usage illicite. L’immeuble demeure fidèle à son usage initial et l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation n’a pas lieu de s’appliquer.

En effet, l’usage d’habitation n’existait pas à l’origine.

L’immeuble n’est pas à usage d’habitation au 1er janvier 1970 dans la fiche de révision foncière mais, l’un de ses propriétaires a obtenu un changement de destination pour de l’habitation, autorisée par une déclaration préalable ou un permis de construire

Le propriétaire actuel utilise cet immeuble à usage commercial ou à usage de location saisonnière. Il n’a pas demandé d’autorisation au titre du changement d’usage. Toutefois, il y a eu, depuis le 1er janvier 1970, un changement de destination autorisé.

Le changement d’usage actuel est illicite : il aurait fallu solliciter un changement d’usage au sens de l’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation entrainant, le cas échéant, une compensation.

Curieux régime dualiste que celui de l’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation qui, dans un but de simplification, ne prend pas forcément en compte la réalité du terrain : l’usage est révélé par la fiche de révision foncière ou par un changement de destination postérieur.

La ville de Paris l’a bien compris dans cette décision du 28 mai dernier.

En pratique, tout immeuble affecté à un usage autre que d’habitation au 1er janvier 1970 échappe à la procédure d’autorisation préalable de l’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation et ce, même si pendant de nombreuses années il a été, en réalité, à usage d’habitation.

Et, dans ce cas, le futur acquéreur de cet immeuble désireux d’y établir sa résidence principale pourrait ne pas comprendre qu’il soit nécessaire d’harmoniser la situation de fait et de droit en sollicitant les autorisations nécessaires au changement de destination…

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