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Vente de terrain à bâtir par une personne physique : à quel moment devient-elle une commercialisation active soumise à la TVA ?

La réponse à cette question, récurrente dans notre pratique notariale, se trouve dans la décision du Conseil d’Etat du 9 juin 2020 (n° 432596).

La vente de terrains à bâtir, qui procède de démarches actives de commercialisation foncière, par une personne physique, sera soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Ne le sera pas, la vente consistant en la simple gestion d’un patrimoine privé.

C’est ici, l’exacte application de l’article 256 A du Code général des impôts, combiné avec l’article 257 du même code afférent aux immeubles.

D’après la doctrine fiscale, un particulier qui cède des terrains à bâtir recueillis par succession ou donation, ou acquis pour son usage privé, est présumé ne pas réaliser une activité économique.

Peu importe, le nombre de parcelles vendues, la durée sur laquelle s’étaleront les opérations, l’importance des recettes ou le fait que cette opération soit précédée d’un lotissement parcellaire du terrain. Tel est le cas, pour exemple, lorsque le cédant vend par lui-même des lots viabilisés lui appartenant et dont l’aménagement est réalisé par un professionnel, lui-même rémunéré par l’un des terrains.

En revanche, lorsqu’il est prouvé par un faisceau d’indices que le cédant entre dans une démarche active de commercialisation foncière, qu’il acquiert les biens au delà d’une pure démarche patrimoniale ou en mobilisant des moyens de manière à concurrencer les professionnels : c’est une commercialisation foncière entrainant l’application de la taxe sur la valeur ajoutée.

Ainsi, le fait de confier la vente d’un terrain à un notaire ou une agence immobilière, ne constitue pas, une démarche active de commercialisation.

Mais, il en va autrement, lorsque le cédant engage des moyens importants : c’est le cas de la mise en place de bureaux de vente qui laisserait entendre une démarche concurrentielle par rapport aux professionnels du secteur.

En réalité, c’est une question de fait.

L’administration fiscale utilise la même méthode que celle destinée à définir l’activité de marchands de biens (CAA Paris, 2 février 2016, n° 15PA01551): la méthode du faisceau d’indices qui conduit à déterminer, par l’utilisation de différents critères factuels, si le cédant agit ou non à titre privé, dans le cadre de la gestion de son patrimoine.

Lorsque les ventes réalisées résultent de la simple propriété du bien et ne constituent pas la contrepartie d’une activité économique, la taxe sur la valeur ajoutée n’est pas applicable.

Tel est le cas lorsque l’immeuble litigieux est acquis dans une pure démarche patrimoniale, avec comme finalité, la valorisation de la propriété immobilière, sans utiliser de moyens pour entrer en concurrence avec les professionnels du secteur immobilier.

Une telle opération occasionnelle est une démarche patrimoniale et ce, peu importe, que l’immeuble soit acquis puis revendu rapidement (CA de Douai, 20 septembre 2018, n° 17/02071).

De la même manière, la commercialisation de terrains, reçus par donation est une gestion privée de patrimoine immobilier, en l’absence de moyens commerciaux utilisés par les professionnels de la vente immobilière (CAA de Bordeaux, 20 mai 2020, n° 18BX01002).

Dans la décision du 9 juin dernier, le requérant est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la cession, en 2011 et 2012, de dix-huit parcelles de terrain à bâtir préalablement aménagées. Pour le Conseil d’État, de tels travaux ne sont pas de la simple gestion d’un patrimoine privé, mais caractérisent l’existence de démarches actives de commercialisation, comparables à celles d’un professionnel : la vente est donc soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

Dès lors, caractérise une démarche active de commercialisation foncière, la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en oeuvre de moyens de commercialisation professionnel, similaires à ceux déployés par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services.

Il ne s’agissait donc pas de livraisons de terrains à bâtir ou d’immeubles neufs réalisés, à titre occasionnel, dans l’exercice du droit de propriété.

D’ailleurs, ce sont les critères de la Cour de Justice de l’Union européenne qui sont repris dans cette décision du Conseil d’Etat (CJUE, 15 septembre 2011, aff. C-180-10) : elle a ainsi jugé qu’une personne physique, exerçant une activité agricole, n’est pas assujettie à la TVA lorsqu’elle revend un terrain, requalifié indépendamment de sa volonté, de terrain constructible.

Il s’agit ici du simple exercice du droit de propriété par son titulaire.

La frontière entre commercialisation foncière et gestion du patrimoine privé est parfois ténue et toujours factuelle

La valorisation de la propriété immobilière peut donc prendre plusieurs formes dont il sera déduit une fiscalité propre.

Il nous appartient d’informer et d’éclairer nos clients sur les incidences fiscales de l’acte de vente.

Et, en amont, au delà de la lecture statique des textes, la décision du Conseil d’Etat nous invite à analyser la démarche du cédant.

De deux choses l’une :

Soit, le cédant est dans une pure démarche patrimoniale de valorisation de sa propriété immobilière sans objectif économique d’entreprise et, il s’agit d’une opération de gestion de patrimoine.

Soit, il en va autrement par le recours à des moyens d’envergure pour une simple opération de gestion de patrimoine (telle que la mise en concurrence avec des professionnels de l’immobilier) : l’opération se démarque alors d’une vente classique et il s’agit d’une commercialisation foncière soumise de ce fait à la taxe sur la valeur ajoutée.

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