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Le nantissement de créances notifié : une sûreté toujours aussi efficace !!

La guerre entre deux créanciers, dont la banque, bénéficiaire d’un nantissement sur créances vient d’être gagnée par celle-ci et ce, à l’encontre d’un créancier, par nature privilégié : l’administration fiscale.

Ainsi, à l’aune d’une décision du 2 juillet 2020 – pourvois n°19-11417/ 19-13636 – , la Cour de cassation affirme avec force que le créancier bénéficiaire d’un nantissement sur un contrat d’assurance vie « dispose d’un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés ».

Dès lors, l’avis à tiers détenteur, émis par l’administration fiscale, sur les créances, est voué à l’échec : elles ne peuvent être ainsi appréhendées.

La faculté de rachat est transférée du souscripteur à la banque, créancière nantie. Celle-ci est la seule à pouvoir disposer de cette créance.

Le principe est posé par l’article 2363 du Code civil : le créancier nanti, après notification, reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement.  

Clairement, cette sûreté est un gage de sécurité juridique pour son bénéficiaire.

A l’analyse, ce droit exclusif au paiement du créancier nanti, institué par l’article 2363 du Code civil, a les effets d’un droit de rétention.

Dès la notification, la créance appartient temporairement au créancier nanti  : cette propriété « fiduciaire » se transforme alors en pleine propriété en cas de défaillance du débiteur cédé.

C’est par la notification et, non par l’acte de nantissement, que le constituant se dépossède de sa créance et qu’ainsi,  le débiteur change de créancier, dans l’attente du remboursement de la dette nantie.

A notre sens, si le droit positif confère au créancier nanti un tel droit,  l’efficacité du nantissement de créances notifié est inaltérable.

Dans une décision déjà ancienne, la Chambre Commerciale juge le le 26 mai 2010 – n° 09-13388 -, le nantissement de créances de loyers efficient; alors même que le constituant est en procédure collective.

Les loyers sont, pendant la procédure de redressement, entre les mains du prêteur, créancier nanti et non entre les mains des organes de la procédure.  

Et, seul le prêteur, créancier nanti, peut prétendre au paiement de sa créance sur les loyers. Ils pourront ainsi lui être versés jusqu’à complet remboursement de celle-ci.

La Cour de cassation applique en réalité, à la lettre, l’article 2363 du Code civil : « après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu’en intérêts ».

Les incidences de la notification sont donc considérables : le nantissement de créances devient, par cette modalité, une véritable propriété-sûreté.

La décision de la deuxième Chambre Civile du 2 juillet 2020 se fait l’écho de la voie ainsi tracée il y a dix ans, par cette décision du 26 mai en 2010.

Le message est limpide : la notification emporte transfert de la créance du patrimoine du constituant vers celui du créancier nanti, rétenteur de la créance.

Celui-ci est  alors « rempli dans ses droits » et en reçoit, seul, valablement le paiement.

Et, si le débiteur cédé paie le constituant, malgré la notification, il aura mal payé. Il sera alors tenu de payer à nouveau et, cette fois, le créancier nanti : son paiement au constituant n’aura pas été libératoire.

Le nantissement notifié trouve alors, en ce droit exclusif au paiement, qui permet de retenir la créance, toute sa force.

Les incidences de la notification, par le jeu de l’article 2363 du Code civil, sont donc considérables : le nantissement de créances devient, par cette modalité, une véritable propriété-sûreté.

Pourtant, à la simple lecture de l’article 2362 du Code civil, les effets de la notification ne sont pas si clairs.

Cet article indique : « pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le nantissement de créance doit lui être notifié ou ce dernier doit intervenir à l’acte. À défaut, seul le constituant reçoit valablement paiement de la créance ».

La notification ou l’intervention à l’acte sont les formes possibles d’opposabilité de la créance au débiteur nanti : chacune d’elle réalise l’équivalent d’une mise en possession.

La notification aurait donc, pour seul effet, de rendre le nantissement opposable au débiteur de la créance nantie : à compter de sa date, le débiteur cédé sera valablement libéré de sa dette, au titre des créances concernées, entre les mains du créancier nanti ou, le cas échéant, entre celles de l’agent des sûretés

Mais, la lecture combinée de l’article 2362 et 2363 du Code civil entend ne pas limiter les effets de la notification à la seule opposabilité aux tiers.

La notification d’un nantissement valablement constitué donne à son bénéficiaire un droit exclusif : celui d’être payé de sa créance sur les sommes grevées, sans craindre le concours d’autres créanciers poursuivants.

Le créancier nanti est alors hors concours.

D’ailleurs le droit des assurances en son article L.132-10 du Code des assurances ouvre expressément le rachat des créances au créancier nanti et ce, nonobstant l’acceptation du bénéficiaire.

Les lendemains du nantissement de créances notifié sont donc toujours prometteurs – dans l’attente de la nouvelle réforme des sûretés initiée par la loi PACTE- pour le créancier nanti, quelle que soit la nature de la créance ainsi grevée.

Gageons que la pratique notariale s’en saisisse…

Le nantissement de créances authentique peut être utilisé comme une alternative peu couteuse pour le débiteur et efficiente pour son bénéficiaire.

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