La sous-location de “courtes durées” : le locataire n’est pas exempté de responsabilité !

Le locataire de sa résidence principale à usage d’habitation – au sens de l’article 2 de la loi n°89-462du 6 juillet 1989 – peut sous louer ce bien, de “courte durée”.

Bien entendu, cette sous-location doit être autorisée par le bailleur – article 8 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989- puisqu’elle est, de principe, interdite.

A défaut, le bailleur peut résoudre le bail et, en outre, réclamer le versement de dommages et intérêts.

Il se voit aussi attribuer les fruits civils constitués par les sous-loyers.

Ils appartiennent au propriétaire, par accession, si la sous location n’est pas autorisée – Cass. 3ème civ. 12 sept. 2019, n°18-20727.

Cette solution, favorable aux bailleurs leur permet ainsi de recouvrir l’intégralité des sous-loyers perçus.

Néanmoins, un locataire autorisé peut, de facto, faire de la location meublée au même titre que le propriétaire du local.

D’ailleurs la question posée à la Haute Juridiction, le 5 février dernier, était de savoir si le locataire, dument avalisé à sous-louer un local meublé d’habitation – au sens de l’article 8 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989- peut se voir infliger une amende civile pour violation de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation.

En effet, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation, celle-ci devrait être, très logiquement, requise pour ce type de sous-location.

Il est ainsi précisé au dernier alinéa de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation : “le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage (…)”.

Et, l’article L.651-2 du même Code indique : “toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L.631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé”.

Une lecture exégétique de l’article L.651-2 du Code de la Construction et de l’Habitation conduit inexorablement à la responsabilité du sous-locataire puisque “toute personne” peut être condamnée au titre de l’article L.631-7 du même Code.

La Haute juridiction répond alors positivement à la question de la responsabilité du locataire .

Elle approuve la Cour d’appel de Paris d’avoir affirmé qu’il appartient au locataire de s’assurer de l’autorisation du changement d’usage et ce, même si au terme du contrat de location, le propriétaire lui garantit la licéité de ce type de sous-location.

Pas à pas le régime juridique de la sous-location, encadré par l’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et par les articles L.631-7 et suivant du Code de construction et de l’Habitation, se construit.

Concrètement deux situations peuvent se présenter.

Soit, la sous-location est régulière : le locataire a l’autorisation écrite du propriétaire pour sous louer – celui-ci peut, négocier alors, la perception d’une partie du loyer.

Et, il est alors tenu alors, sauf si le propriétaire a déjà l’autorisation et même si le logement loué est sa résidence principale, dans les communes concernées, de solliciter une autorisation au titre de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation.

Au surplus, si le conseil municipal du lieu du logement loué décide de soumettre à déclaration préalable au titre de l’article L.324-1-1 du Code du tourisme les meublés de tourisme , le locataire aura la responsabilité de cette déclaration. Mais celle-ci est facultative lorsque le local constitue la résidence principale du loueur et qu’il ne le sous-loue donc pas plus de 4 mois dans l’année.

Soit, la sous-location est irrégulière : le locataire n’a pas l’autorisation du propriétaire pour sous-louer et/ou il n’a pas respecté les dispositions légales sur le changement d’usage.

La commune a alors une action contre le locataire au titre de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation et va solliciter le paiement d’une amende civile.

Et, le propriétaire peut alors – au delà même de la résolution du bail- démultiplier la rentabilité de son bien en sollicitant le versement de l’ensemble des sous-loyers perçus irrégulièrement – voir Cass 3ème civile, 12 septembre 2019, n°18-20727.

Qu’on se le tienne pour dit : il n’est pas si simple, pour un locataire, d’exercer une activité de loueur de meublés car les autorisations sont multiples et les sanctions sévères.

Quant aux gestionnaires d’immeuble, ils sont exonérés de toute responsabilité au titre de la législation sur le changement d’usage : « celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique, en méconnaissance de l’article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l’article L. 324-2-1 du Code du tourisme, n’encourt pas l’amende civile prévue » (Cass. civ. 3, 9 novembre 2022, cinq arrêts, n° 21-20.464, n°21-20.467, n°21-20.466, n°21-20.465, n°21-20.468.

Une nouvelle déclaration obligatoire, avant le 1er juillet 2023, pour les propriétaires de locaux d’habitation !

Depuis le 1er janvier 2023 et avant le 1er juillet de chaque année, les propriétaires, personnes physiques ou morales de biens immobiliers, sont tenus de déclarer les modalités d’occupation de leurs biens et ce même s’ils sont vacants.

Cette nouvelle déclaration est née de la réforme de la taxe d’habitation instaurée par l’article 16 de la loi de finance n° 2019-1479 du 28 décembre 2019. Fut ainsi organisée la suppression, à terme, de cette taxe pour l’ensemble des résidences principales.

Ainsi, entre 2021 et 2023 est abrogée, de façon progressive, la taxe d’habitation de la résidence principale, pour les 20 % de contribuables y demeurant assujettis et ce, depuis le début de sa suppression en 2020.

Ces derniers bénéficient d’une exonération de 30 % en 2021 et d’une exonération de 65 % en 2022, avant sa suppression totale sur les résidences principales en 2023.

Cette taxe était initialement établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables (art. 1407ode Général des Impôts).

Dans l’assiette de celle-ci, sont notamment compris, les locaux meublés affectés à l’habitation principale ou secondaire, ainsi que les locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes qui ne sont pas retenus pour l’établissement de la cotisation foncière des entreprises (CFE).

À compter des impositions établies au titre de 2023, seuls les locaux autres que ceux affectés à l’habitation
principale, à savoir les résidences secondaires, les locaux non affectés à l’habitation principale et les logements vacants, seront soumis à cette taxe.

Cette taxe est désormais la « taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale ».

Une nouvelle obligation déclarative est donc instaurée pour permettre à l’administration d’avoir connaissance de l’usage des biens immobiliers et ainsi, émettre la taxe, le cas échéant, les concernant.

Elle fait l’objet d’une codification à l’article 1418 du Code Général des Impôts, en vigueur depuis le 1er janvier 2023.

Les propriétaires de résidences secondaires et autres locaux meublés, non affectés à l’habitation principale, seront tenus de faire cette déclaration par voie électronique à l’administration fiscale, avant le 1er juillet de chaque année.

Les informations transmises sont relatives à la nature de l’occupation de ces locaux (s’ils s’en réservent la jouissance) ou à l’identité du ou des occupants desdits locaux (s’ils sont occupés par des tiers).

En cas de manquement à cette obligation déclarative, d’inexactitude ou d’omission déclarative, une amende de 150 € par local pourra être appliquée (art. 1770 terdecies du Code Général des Impôts).

Une dispense de déclaration est néanmoins prévue lorsqu’aucun changement, dans les informations transmises, n’est intervenu depuis la dernière déclaration.

En d’autres termes, un propriétaire qui détient un bien immobilier à usage locatif ou une résidence secondaire ne sera pas tenu, une fois sa déclaration effectuée en 2023, de la réitérer avant le 1er juillet 2024 si la situation d’occupation du bien est identique. A l’inverse, si sa résidence secondaire est, après le 1er juillet 2023, louée à un tiers, une nouvelle déclaration sera nécessaire avant le 1er juillet 2024.

En pratique, sur le site des impôts, un nouveau service en ligne, nommé « Gérer mes biens immobiliers », est accessible depuis août 2021.

Il est utilisé pour dématérialiser les déclarations foncières, liquider les taxes d’urbanisme et permettre à chaque propriétaire d’avoir une vision de l’ensemble de ses propriétés bâties situées en France et de leurs caractéristiques.

Depuis le 1er janvier 2023, ce service permet de déclarer en ligne la situation d’occupation de ses biens immobiliers.

Il est donc nécessaire, pour ceux concernés, d’effectuer cette déclaration avant le 30 juin 2023 minuit !

L’usucapion d’un immeuble par une commune

Propos autour de la décision de la Cour de Cassation du 4 janvier 2023 – pourvoi n° D21-18.993.

En 2011, à la question de savoir « si les communes peuvent se prévaloir de l’acquisition de biens au profit de leur domaine public par la voie de la prescription acquisitive trentenaire », il était répondu par le ministère délégué aux collectivités territoriales : « cette modalité d’acquisition de biens ne figure pas parmi celles que prévoit le [CGPPP] » – JOAN 22 mars 2011, p. 2727.

Cette réponse ministérielle venait, en son temps, démentir la jurisprudence judiciaire antérieure – Cass. 3ème civ. 4 janv. 2011, n° 09-72.708 ; Lyon, 1er mars 2011, n° 09/04162.

Elle fut, néanmoins, corroborée par une autre réponse, excluant, à nouveau, l’acquisition par prescription au profit des communes – Réponse min n° 16103, JO Sénat 8 mars 2012, p.643.

Il est vrai, la possession au sens du droit civil c’est à dire non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire est une notion ignorée du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques – CGPPP.

Le principe d’imprescriptibilité des biens du domaine public a eu, pour effet, d’exclure du droit public, la question de la prescription acquisitive ou de l’usucapion qui constitue, en droit civil, par le biais de la possession, un moyen régulier d’acquérir la propriété d’un bien.

Mais, le 4 Janvier dernier, la Haute juridiction indique clairement, dans une décision de principe, que les personnes publiques peuvent acquérir par prescription acquisitive et ce, alors même que les juges du fond émettaient une position contraire.

Des décisions antérieures existaient en ce sens – Cass. 3ème civ, 3 juin 2014, n° 13-15625 , Cass. 3ème; 1er février 2018, n° 16.23200.

Mais, pour l’essentiel et depuis la doctrine ministérielle, ce contentieux judiciaire était propre aux chemins ruraux, immeubles appartenant au domaine privé de l’Etat – art. L.161-1 du Code rural.

Mais alors et, quel que soit la nature de l’immeuble une fois acquis – domaine public ou privé -, les personnes publiques peuvent-elles acquérir par prescription dans les conditions du droit civil ?

La réponse donnée, par la Haute Juridiction, le 4 janvier 2023 apparait sans appel.

La commune est bien fondée à revendiquer, au visa des articles 712 et 2258 du Code civil, la propriété d’une parcelle, sur le fondement de l’usucapion.

Le principe semble donc acquis : si les conditions de la possession telles qu’elles sont indiquées à l’article 2261 du Code civil sont réunies, une commune peut prescrire un bien ou un droit réel immobilier, à l’issue d’un délai de prescription de trente ans, ramené à dix ans si celui-ci est acquis de bonne foi et par un juste titre.

Ce mode d’acquisition de la propriété, né du droit civil peut être revendiqué par une commune et, semble t-il, par l’ensemble des personnes publiques.

Ces dernières bénéficient légalement, par application du Code civil, d’une possession “virtuelle” pour leur permettre de devenir propriétaire et ce, dans deux cas précis.

Selon l’article 539 du Code civil, « les biens des personnes qui décèdent sans héritier ou dont les successions sont abandonnées appartiennent à l’État ».

Ces biens entrent alors dans le domaine privé de l’État qui en est, au départ, possesseur jusqu’à ce qu’il exerce ses droits de déshérence menant à l’appropriation définitive qui aura un effet rétroactif au jour du décès du de cujus.

Selon l’article 713 du Code civil, modifié par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, “les biens qui n’ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés” même si, cette dernière peut y renoncer.

A ces modes d’appropriation de biens au bénéfice des personnes publiques, l’on peut donc ajouter l’usucapion.

La possession telle qu’elle est requise par l’article 2261 du Code civil permet de consolider des situations de fait et, par ce biais, d’acquérir un immeuble et/ou des droits réels immobiliers par l’écoulement du temps.

La maîtrise factuelle de la chose, par une possession utile au sens du Code civil, profite alors aussi aux personnes publiques.

Ainsi et fort heureusement, le droit positif vient contredire les réponse ministérielles de 2011 et 2012.

Le principe selon lequel le CGPPP fixerait une liste exhaustive des procédés d’acquisition par les personnes publiques, ne permettant pas d’en invoquer d’autres et, notamment la prescription acquisitive reste aujourd’hui lettre morte.

En effet, s’il n’existe que des procédés d’acquisition prévus par le CGPPP, les personnes publiques ne pourraient, entre autres, pour devenir propriétaires conclurent un contrat de crédit-bail et/ou une vente en l’état futur d’achèvement.

Il est donc temps d’oublier la doctrine ministérielle de 2011 et 2012.

La Cour de cassation n’a jamais empêché une personne publique de bénéficier de la prescription acquisitive.

En effet, avant les réponses ministérielles en sens contraire. elle admettait ce mode d’acquisition de la propriété.

Ainsi la prescription est admise sur une voie pour laquelle la commune ne disposait d’aucun titre mais pouvait se prévaloir d’une possession plus que trentenaire, attestée par des travaux d’entretien anciens et une affectation continue à la circulation générale – CE, 16 nov. 1991, n° 71102, Jurisdata, n° 1991-047477.

De même, une commune justifiant d’actes de possession trentenaire, par des aménagements publics, un entretien constant et une ouverture au public de la totalité d’une place servant au passage public et à la circulation générale doit être considérée comme le propriétaire de ladite place – Casss. 3ème civ. 25 février 2004, n° 02-20.481.

La décision des juges de droit du 4 janvier 2023 est donc la bienvenue.

La possession pour les communes devient, sans doute possible, une voie d’acquisition de la propriété d’un bien immobilier.

La notion de possession a manifestement trouvé son chemin dans le droit patrimonial des personnes publiques.

La nullité d’une promesse de vente de plus de 18 mois est relative : un second souffle pour le promettant désireux de signer l’acte réitératif d’une telle promesse ?

Le principe est connu de tous : les promesses de vente de biens immobiliers ou de droits réels, promesses de bail à construction ou emphytéotique, authentiques ou unilatérales, portant sur des immeubles ou sur des droits à vocation industriels ou commerciaux, liées ou non à la création d’habitations individuelles ou d’immeubles collectifs, font, obligatoirement, l’objet d’un acte authentique et ce, dès lors qu’elles sont consenties par une personne physique et, que leur durée initiale excède dix-huit mois ou, que leur prorogation, porte leur durée totale de l’acte à plus de dix-huit mois.

Cette norme, issue de l’article L.290-1 du Code de la Construction et de l’Habitation est complétée par l’article L.290-2 du même code. Ce dernier concerne les promesse unilatérales de vente et, fixe, pour l’indemnité d’immobilisation, un montant minimal à verser, à savoir 5% du prix de vente.

Cette indemnité d’immobilisation est le prix de l’option. Le vendeur consent au bénéficiaire l’exclusivité du droit réel ou du bien immobilier qu’il détient.

Ainsi, pendant 18 mois minimum, le vendeur ne peut, en principe, céder son bien à un tiers et le bénéficiaire de l’option conserve la liberté de ne pas opter et donc, de ne pas acheter. L’indemnité sera d’ailleurs due, uniquement, si l’option n’est pas levée par le futur acquéreur et ce, nonobstant l’accomplissement des conditions suspensives prévues au sein de l’acte.

L’irrespect du formalisme de l’article L.290-1 du Code de Construction et de l’Habitation est sanctionnée par la nullité de la promesse qu’elle soit unilatérale ou synallagmatique.

Un acte authentique est donc requis pour la formation de ces promesses de vente de longue durée.

Cette exigence est née, au départ, de l’idée de protéger le promettant, personne physique, face à un professionnel de l’immobilier disposant d’une longue durée pour réitérer, ou non, l’acte authentique ou décider de lever, ou non, l’option.

Le notaire est apparu la personne idoine pour informer le vendeur des conséquences de la paralysie de son bien ou droit immobilier pendant plus de 18 mois et, pour le conseiller au mieux.

L’article L.290-1 du Code de la Construction et de l’Habitation détermine, ainsi, le seul mode admissible d’expression de la volonté des parties, désireuses de signer une promesse de longue durée.

Sans acte authentique, l’accord de volonté n’existe pas et il est donc nul. Cette affirmation sans nuance peut être, néanmoins, éprouvée par la nature de la nullité encourue.

Celle-ci n’est pas précisée par le Code de la Construction et de l’Habitation. Il convient donc, dans le silence du droit spécial, de revenir aux dispositions du Code civil pour connaitre l’essence de cette nullité.

En droit, la nullité absolue est la sanction de la violation d’une règle d’intérêt général -article 1179 du Code civil. Elle est ouverte à tout ceux, pourvus d’un intérêt à agir, voulant contester l’acte. Elle est non susceptible de confirmation.

A l’inverse, la nullité relative protège un intérêt particulier : elle peut être confirmée et, doit être invoquée uniquement par la partie que la loi entend protéger – article 1181 du Code civil.

La question est donc de savoir si l’article L.290-1 du Code de la Construction et de l’Habitation institue un ordre public de protection ou de direction.

Sans doute possible, cette disposition entend garantir au vendeur promettant – particulier profane ou averti ou professionnel agissant en son nom – qu’il a bien conscience de la portée de son acte, engendrant l’immobilisation de son bien ou de son droit immobilier pendant de longs mois, voire quelques années.

C’est donc, en toute vraisemblance, une règle d’ordre public de protection relevant du régime des nullités relatives, institué par l’article 1181 du Code civil.

Et, c’est alors, en toute logique que la Cour de cassation l’a entérinée dans une décision du 26 novembre 2020 – n° 19-14.601- venant, ainsi, confirmer la solution des juges du fond – CA Nimes, 22 octobre 2020, n° 18/03080.

Cette décision statue sur la validité d’un protocole sous seing privé, annexé à un contrat de bail. Aux termes du protocole, les parties s’accordaient sur la vente de l’appartement loué, dans un délai de vingt-quatre mois, prorogable ensuite de douze mois. Les locataires, bénéficiaires de ce protocole, entendaient l’annuler pour non respect du formalisme de l’article L.290-1 du Code de la Construction et de l’Habitation.

La Haute Juridiction adopte la position de la Cour d’Appel : elle rappelle que cette disposition légale protège le seul vendeur. Il est alors aussi le seul à pouvoir agir en nullité, celle-ci étant donc relative.

Cette décision statue sur la validité d’un protocole sous seing privé, annexé à un contrat de bail. Aux termes du protocole, les parties s’accordaient sur la vente de l’appartement loué, dans un délai de vingt-quatre mois, prorogable ensuite de douze mois. Les locataires, bénéficiaires de ce protocole, entendaient l’annuler pour non respect du formalisme de l’article L.290-1 du Code de la Construction et de l’Habitation.

La Haute Juridiction adopte la position de la Cour d’Appel : elle rappelle que cette disposition légale protège le seul vendeur. Il est alors aussi le seul à pouvoir agir en nullité, celle-ci étant donc relative.

La Haute Juridiction adopte la position de la Cour d’Appel : elle rappelle que cette disposition légale protège le seul vendeur. Il est alors aussi le seul à pouvoir agir en nullité, celle-ci étant donc relative.

Cette précision apportée par la Cour de cassation, le 26 novembre dernier, pourrait avoir une portée pratique considérable.

Ainsi, seul le vendeur peut invoquer la nullité d’une promesse sous seing privé de plus de 18 mois.

S’il ne l’invoque pas, l’acte perdure. Il sera donc suivi de la réitération de la promesse par acte authentique.

Cette réitération vaut-elle confirmation de la promesse affectée par la nullité relative?

Pour y répondre, il convient d’analyser les conditions de la confirmation posées par le Code Civil.

La confirmation telle qu’instaurée par l’article 1182 du Code civil suppose que son auteur renonce expressément à se prévaloir de la nullité. Elle ne peut intervenir qu’après la conclusion de l’acte affecté par la cause de nullité. Et, elle est soumise à aucune modalité et, peut être tacite, c’est à dire résulter de l’exécution volontaire de l’acte prétendument nul – article 1182 al.3 du Code civil.

Dès lors, l’acte réitératif pourrait valoir confirmation tacite.

Toutefois, il est prudent et même recommandé de prévoir une clause dans l’acte de vente, actant de la confirmation.

Celle-ci reflètera la connaissance par le vendeur de la nullité de la promesse et sa volonté de renoncer à cette nullité par la réitération de l’acte. La vente sera signée et la nullité de la promesse confirmée.

Le processus contractuel ira alors à son terme.

Et, une nouvelle fois, notre plume se calquera sur le droit positif pour rédiger des clauses et des actes, véritables miroirs de la volonté des parties.


Division primaire, lotissements, permis valant division : retour sur ces distinctions, à l’aune, de la décision du Conseil d’Etat du 12 novembre 2020

La faculté de diviser sa propriété et de parceller une unité foncière témoignent de la libre disposition de nos droits.

Pourtant, chacun de nous le sait : à chaque division foncière projetée dans nos dossiers, les règles d’urbanisme viennent la contrôler, lui donner un régime et nous obligent parfois à l’amender .

Au final, la maitrise de l’opération immobilière suppose d’avoir orchestré et choisi, la division foncière idoine, parmi celles proposées par le législateur. Le défi est donc de trouver laquelle correspondra le mieux à la finalité envisagée par l’aménageur.

Comme un écho, résonne alors cette équation : construire puis diviser ou diviser puis construire ?

La dichotomie est posée : diviser puis construire caractérise une division foncière constitutive d’une opération de lotissement au sens de l’article L.442-1 du Code de l’Urbanisme.

Cette opération suppose d’avoir obtenu “le permis de diviser ” en propriété ou en jouissance, avant toute construction.

Il se traduit par l’obtention d’une déclaration préalable ou d’un permis d’aménager – article L.442-4 du Code de l’Urbanisme -, étant entendu qu’aucune promesse de vente ne peut se signer sans détenir celui-ci. La prudence suppose d’ailleurs qu’il soit purger de tout recours et de tout retrait au jour de la signature de l’avant-contrat.

Réciproquement, construire puis diviser ne serait pas une opération de lotissement et ouvrirait à l’aménageur le champ des possibles.

Telle est l’idée du permis valant division institué par l’article R. 431-24 du Code de l’Urbanisme ou du permis appelant une division primaire résultant de l’article R.442-1 (a) du Code de l’Urbanisme.

Ces deux formes de divisions permettent d’obtenir, avant toute modification parcellaire, l’autorisation de construire.

L’une, suppose une demande de permis de construire, sur une ou plusieurs unité foncières contigues, sur lesquelles plusieurs bâtiments vont se construire.

La demande portant sur une telle opération est un permis de droit commun néanmoins complété par les pièces indiquées à l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme : le plan de division, pierre angulaire de l’opération, est un préalable indispensable à ce permis spécifique car, essentiel à son instruction. Et, en présence de voies et d’espaces communs, il est nécessaire aussi de transmettre aux services instructeurs, l’organisation envisagée pour ces derniers : association foncière urbaine, copropriété…

Pour le permis valant division,c’est de l’autorisation d’urbanisme initiale que nait la division

Cette division ne sera pas réalisée avant l’obtention du permis mais interviendra avant l’achèvement du projet : la division du terrain d’assiette suppose un projet de constructions inachevées. Mais, si celle-ci intervient après l’achèvement, le permis valant division devient un permis de droit commun – CAA, Lyon, 4 Juillet 2017, n° 15LY01615 – et la division aussi.

Celle-ci consistera alors à diviser une propriété bâtie et, en fonction du territoire sur laquelle elle est située, une autorisation sous forme de déclaration préalable -article L.115-3 du Code de l’Urbanisme – pourrait être requise pour parvenir à morceler cette unité foncière en plusieurs parcelles bâties.

A ce permis valant division, s’ajoute une catégorie de divisions foncières, dites “primaires, instituées par l’article R.442-1 (a) du Code de l’Urbanisme : l’autorisation de construire portera sur une partie de l’unité foncière alors même que la division de terrain sera réalisée plus tard, une fois le permis obtenu. Les constructions envisagées doivent être autres qu’une maison individuelle au sens de l’article L.231-1 du Code de construction et de l’Habitation.

Contrairement au permis valant division, les pièces requises pour cette demande de permis ne sont autres que celles d’un permis de droit commun. et aucun plan de division est exigé par le législateur.

Le permis de construire visé par l’article R.442-1 (a) est alors en tous points un permis de droit commun. 

Partant, celui-ci s’il est en cours de validité, peut alors faire l’objet d’un permis modificatif.

La division dite “primaire” ne constitue donc pas un préalable indispensable à l’obtention du permis. Et d’ailleurs, si tel était le cas, cette division relèverait de la procédure de lotissement.

Elles constituent donc une division foncière, non pas dispensée de permis d’aménager et de déclaration préalable propres aux lotissements mais, elle est, plus simplement, exclut du champ d’application de cette règlementation et n’est pas contrôlée en tant que telle.

C’est ainsi que le permis valant division primaire est autonome et se suffit à lui même : le service instructeur appréciera ce permis de manière isolée sans tenir compte d’aménagements éventuels liés à d’autres permis potentiels tandis que l’aménageur poursuit une opération d’ensemble révélée plus tard et à son terme. La technique des divisions primaires successives n’est pas prête de demeurer lettre morte…

Mais alors, la demande de permis liée à une « division primaire » peut elle faire l’objet d’un permis modificatif éventuel et doit elle être déposée sur l’assiette de la propriété ou sur la seule partie où le pétitionnaire sera habilité à réaliser l’opération immobilière envisagée ?

C’est à ces questions pratiques que nous répond le Conseil d’Etat, dans sa décision du 12 novembre 2020 – n° 421590.

Une division primaire s’opère, par définition, après l’obtention du permis de construire, lequel porte donc à sa date de délivrance sur une unité foncière non divisée.

Dès lors, le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, même si cette dernière est informée de la division à venir. 

Le service instructeur examine donc la demande initiale de permis à la date de la demande, abstraction faite de sa division future. Par conséquent, cette demande portera sur la totalité de l’assiette de la propriété et non sur la parcelle destinée à être bâtie.

Il en est de même du permis modificatif : ce permis sera apprécié, sans tenir compte, sur le terrain d’assiette de la division intervenue. Celui-ci pourrait donc porter en amont, sur la modification de l’assiette foncière du projet depuis le permis initial puisque celui-ci est délivré uniquement au regard de la totalité de la parcelle.

A l’exclusion des opérations de lotissement, on le voit, les divisions foncières ont encore de beaux jours devant elles.

Néanmoins, la prudence est de mise : la frontière est ténue entre diviser puis construire ou construire puis diviser.

Il nous faut veiller à ce que chacune de ces divisions ne puissent pas être requalifiées en opération de lotissement et partant en constituer une fraude.

Chaque utilisation de ces différentes techniques de division corresponde à une hypothèse précise dont nous sommes, en quelque sorte, les gardiens.


La purge amiable des inscriptions : une procédure purement conventionnelle

La Cour de cassation s’est prononcée, pour la première fois depuis sa consécration légale, sur la nature de la purge amiable.

Mais, pour échapper à la procédure de purge forcée, la pratique notariale a imaginé une purge amiable, bien avant l’entrée en vigueur de la réforme du droit des sûretés par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, ordonnance qui lui a donné son assise légale.

Sa technique est simple : elle consiste en une répartition amiable du prix de vente de l’immeuble grevé d’inscriptions entre les créanciers inscrits et ce, au plus tard le jour de la signature de l’acte de vente et donc du paiement du prix par l’acquéreur.

Cette pratique use d’une clause connue de notre profession : la clause de nantissement séquestre. Elle permet d ‘assurer en toute sécurité le paiement des créanciers inscrits. Le prix de vente de l’immeuble est remis entre les mains du notaire, en sa qualité de séquestre, mandaté par le vendeur pour désintéresser les créanciers inscrits. Il devient ainsi indisponible à concurrence des sommes restant dues aux créanciers inscrits, dans la limite des montants garantis par les inscriptions et des frais liés aux opérations de mainlevée et de radiation.

Ce montage a été parfois mis à mal par la Haute Juridiction : elle estimait que le prix de vente de l’immeuble était, de plein droit, affecté au paiement des créanciers inscrits – Civ. 2ème, 15 janvier 1992, n° 90-18.206; Civ. 3ème , 8 janvier 1980, n° 78-13.257.

Tel n’est cependant pas le cas d’une vente classique.

Les acquisitions emportant purge de plein droit sont, en revanche, énumérées par des textes spécifiques : il s’agit, entre autres, d’une acquisition suite à une ordonnance d’expropriation – articles L.222-2 et L.222-3 du code de l’expropriation- , d’une vente sur saisie -article L.322-14 du code des procédures civiles d’exécution- ou d’une adjudication judiciaire ou amiable en cas de liquidation judiciaire – article L.642-18 alinea 2 et 3 du code de commerce.

Puis, les juges de droit reconnaissent qu’en l’absence de dispositions conventionnelles, les créanciers inscrits sur l’immeuble ne bénéficient d’aucun droit de préférence sur le prix de vente de l’immeuble grevé – Civil, 3ème, 8 février 2018, n° 16-27.941.

Par conséquent, à défaut d’autorisation expresse en ce sens, le notaire ne peut se dessaisir du prix de vente au bénéfice des créanciers privilégiés et hypothécaires. Ces derniers conservent en revanche, à défaut de mainlevée de leurs inscriptions, leur droit de suite sur l’immeuble à hauteur des inscriptions nées du chef du vendeur.

La pratique notariale, par son imagination, a adopté un montage purement conventionnel permettant ainsi d’obtenir des effets similaires à la purge amiable actuelle.

Cette pratique a donc été entériné par la réforme des sûretés à l’article 2475 du Code civil : “lorsque, à l’occasion de la vente d’un immeuble hypothéqué, tous les créanciers inscrits conviennent avec le débiteur que le prix en sera affecté au paiement total ou partiel de leurs créances ou de certaines d’entre elles, ils exercent leur droit de préférence sur le prix et ils peuvent l’opposer à tout cessionnaire comme à tout créancier saisissant de la créance de prix”.

Sans passer par les voies d’exécution, le créancier peut bénéficier de la purge amiable lors de la vente de l’immeuble, si le vendeur en fait la demande et s’il donne son accord. Le créancier, aura tendance à accepter cette proposition lorsque le prix de vente permet qu’il soit désintéressé.

L’immeuble sera donc libéré de ses inscriptions par le paiement convenu aux créanciers inscrits.

Mais cette procédure conserve une nature purement conventionnelle : elle suppose au préalable un accord entre le ou les créancier (s) inscrit (s) et le débiteur.

Cet accord est le seul à permettre la mise en oeuvre d’une telle procédure.

Les parties ont intérêt à privilégier cette purge amiable : elle facilite l’exercice des droits des créanciers inscrits et permet au vendeur d’obtenir rapidement la part du prix de vente qui lui revient.

Mais faisant fi des avantages certains d’une telle procédure, les vendeurs décident – dans cette décision du 5 mars 2020 – de refuser de procéder à la purge amiable des inscriptions sur l’immeuble; alors même que le créancier a donné son accord.

Ils sont cependant condamnés en appel : les juridictions du fond estiment leur refus illégitime.

Puis, les juges de droit cassent l’arrêt d’appel et se prononcent, pour la première fois depuis la consécration légale de la purge amiable, sur son caractère facultatif.

Ainsi la procédure de purge amiable est aussi bien facultative pour le créancier que pour le vendeur. Si l’un deux la refuse, la purge sera réalisée autrement et de manière “plus brutale” : c’est la purge “forcée” de l’article 2478 du Code civil qui, à ce jour, est une procédure subsidiaire dans la pratique et dans la loi.

Il est donc dommageable tant pour le vendeur que pour le créancier que la purge amiable puisse se solder par un échec.

Mais, il est aussi de notre devoir d’inciter les parties à trouver un accord et à adopter cette procédure de purge. A défaut, il nous est impossible d’y procéder : sans l’accord du créancier et du vendeur, le notaire ne peut la mettre en oeuvre – Civ., 8 février 2018, n° 16-27.941.

La purge amiable est certes conventionnelle et donc facultative mais il nous appartient d’emporter la conviction du vendeur, pour qu’il l’adopte, dans son intérêt et, si le créancier, donne son accord.

Cession de terrain à bâtir, TVA sur marge : nouvelle décision du Conseil d’Etat

A l’aune de la décision du Conseil d’Etat du 27 mars 2020 – n° 428234- , l’application du régime de TVA sur marge requiert deux conditions :

– une acquisition qui n’a pas ouvert droit à déduction ;

– pas de modification entre l’acquisition et la vente, des caractéristiques physiques et juridique de l’immeuble.

Pourtant, et en application de l’article 268 du Code Général des Impôts, seraient concernées par la TVA sur marge les livraisons de terrains à bâtir et, d’immeubles de plus de cinq ans, dont l’acquisition n’a pas ouvert droit à déduction.

Pour exemple, pour une livraison de terrain à bâtir – n’ayant pas ouvert le droit à déduction – la base d’imposition est constituée par la différence entre : le prix exprimé -et les charges qui s’y ajoutent- et soit, les sommes que le cédant a versées pour l’acquisition du terrain, soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature effectués.

Une seule condition est alors exigée par le législateur pour bénéficier de ce régime de TVA sur marge : l’absence de droit à déduction lors de l’acquisition initiale du bien.

Mais, l’analyse du Conseil d’Etat s’avère différente : la TVA sur marge ne concerne pas une cession de terrains à bâtir dont le bâtiment initial a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur.

L’administration fiscale ajoute, en effet, une condition supplémentaire pour rendre cette TVA applicable : celle de l’identité de qualification entre le bien acquis et le bien vendu – BOI 3 A-9-10, n° 68, reprise au BOFIP : BOI-TVA-IMM-10-20-10, n° 20.

Cette TVA sera donc exclue lorsque les biens sont transformés, par l’assujetti, entre la date de leur acquisition et celle de la livraison. Tel est le cas de la vente d’un terrain à bâtir issu de la démolition d’un immeuble.

Une telle cession doit, selon l’administration fiscale, être soumise à la TVA sur le prix total de la vente.

Des réponses ministérielles suivent cette voie. Elles indiquent : «la mise en œuvre de ce régime dérogatoire prévu à l’article 268 du Code général des impôts suppose nécessairement que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques et sa qualification juridique» Rép. min. n° 94538 :  JOAN 20 septembre 2016, p. 8514 , Rép. min. n° 96679 :  JOAN 20 septembre 2016, p. 8522.

En conséquence, à la condition de l’identité de qualification juridique et fiscale est adjoint un autre critère, celui de l’identité physique des immeubles concernés. Cette position peut surprendre dans la mesure où de telles exigences n’apparaissent pas à la seule lecture de l’article 268 du Code Général des Impôts. Pour l’administration fiscale, cette exigence serait implicite, résultant de l’essence même du texte.

Pourtant, les juridictions du fond adoptent des positions contraires – CAA de Lyon, 20 décembre 2018 n° 17LY03359, CAA de Marseille 12 avril 2018 n° 18MA00802 , CAA de Lyon, 7 mai 2019 n° 18LY01019.

La Cour d’Appel de Lyon dont la décision fait l’objet du présent recours devant le Conseil d’Etat- décision du 25 juin 2019, n° L.Y00671- adresse un message clair et précis à l’administration : elle “ne saurait légalement fonder une imposition” et devenir source de droit, par la création de normes.

D’ailleurs, l’article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 dispose : «Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat».

Cette disposition prévoit la possibilité pour les États membres de mettre en place un régime de taxation sur la marge pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir en vue de leur revente, par un assujetti, qui n’a pas eu de droit à déduction lors de l’acquisition du bien. Aucune autre condition est requise.

L’article 268 du Code Général des Impôts est donc une parfaite transposition de cette disposition.

La TVA sur marge ne serait alors plus l’apanage des seuls marchands de biens. Elle serait applicable à toutes les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de leur revente, par un assujetti qui n’a pas eu de droit à déduction lors de l’acquisition initiale du bien.

Mais, ajouter une condition à celle de l’article 268 du Code Général des Impôts, restreint son champ d’application

Le Conseil d’Etat n’a pas entendu les juges du fond.

Et, par cette décision, il confirme que le seul fait de na pas avoir eu droit à déduction lors de l’acquisition initiale est insuffisant pour bénéficier de l’article 268 du Code Général des Impôts : l’identité des caractéristiques physiques et juridiques de l’immeuble entre l’acquisition et la revente est une condition incontournable.

Mais, le changement de qualification juridique d’un bien ne devrait t-il pas rester étranger à l’application de la TVA sur marge conformément au principe de neutralité fiscale en la matière ? Il semblerait que non…

A partir du 1er juin 2020, quelle sera le champ d’application de la copropriété ?

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis modifie de manière substantielle le champ d’application du statut de la copropriété posé par la loi du 10 juillet 1965.

Jusqu’au 1er juin 2020, le régime de la copropriété s’applique aux immeubles bâtis dont la propriété se répartit par lots quel que soit l’usage de l’immeuble (art. 1er de la loi de 1965).

Au 1er juin 2020, le régime de la copropriété sera obligatoire pour les seuls immeubles à usage partiel ou total d’habitation.

Et, il devient facultatif pour les immeubles à usage total autre que d’habitation.

Cet apport de l’ordonnance a une portée pratique considérable.

Le champ d’application impératif de la copropriété concerne un immeuble à usage partiel ou exclusif d’habitation.

Conséquences :

Comment déterminer si l’immeuble est ou non à usage partiel ou exclusif d’habitation ?

Il est impossible de s’appuyer sur une simple déclaration des parties dans l’acte.

Il conviendra donc de réunir des éléments matériels et objectifs : il faudra définir l’usage et/ou la destination de l’immeuble. Pour cela, on pourra prendre en compte les éléments d’équipements présents dans l’immeuble, le but de la construction, reprendre, peut-être, les critères posés par la jurisprudence pour le secteur protégé.

Mais cet usage et/ou destination peut être modifié dans le temps et logiquement alors  le statut de la copropriété deviendra facultatif.

Par exemple, si un lot passe à usage de commerce et qu’il ne reste plus aucun lot à usage d’habitation dans l’immeuble, les copropriétaires auront alors la faculté de choisir une autre organisation que celle de loi du 10 juillet 1965.

Enfin, il n’est non plus défini le caractère partiel de l’usage.

Manifestement peu importe que certains lots soient majoritaires par rapport à d’autres.

Ainsi, lorsqu’un immeuble comporte par exemple uniquement 10% de lots à usage d’habitation, ces lots bien que minoritaires feront basculer de manière impérative l’immeuble vers le régime de copropriété.

L’application facultative de la copropriété aux immeubles autres que d’habitation

Auparavant, le statut de la copropriété était applicable aux immeubles bâtis à destination autre qu’habitation (article 1er de la loi de 1965, ancienne version).

Aujourd’hui, l’ordonnance distingue deux catégories de copropriétés : les copropriétés à destination d’habitation soumises impérativement à la loi de 1965 et les autres copropriétés autre que d’habitation, possiblement hors statut.

Dès lors de deux choses l’une :

-Soit aucune organisation n’a été mise en place et ces immeubles  seront soumis de facto au statut de la copropriété

-Soit, une organisation a été mise en place par la signature d’une convention dérogeant expressément à la loi du 10 juillet 1965– article 1er II de la loi du 10 juillet 1965 – et ces immeubles seront exclus du régime de la copropriété.

Cette convention devra :

– préciser que les parties dérogent à la loi du 10 juillet 1965. En l’absence de cette mention impérative, les tribunaux pourraient alors imposer le régime de la copropriété à l’immeuble.

– l’organisation devra se faire par le biais d’une personne morale apte à gérer l’immeuble : il nous faudra veiller à la rédaction de ses statuts. Tel est le cas, par exemple d’une association syndicale libre de propriétaires ou d’une union de syndicats.

L’écoulement du temps sur les travaux et constructions irréguliers : retour sur l’article L.421-9 du Code de l’urbanisme tel qu’issu de la loi ELAN

La pratique notariale est souvent confrontée aux constructions et travaux irréguliers.

Toutefois le Code de l’urbanisme a institué une prescription décennale au-delà de laquelle ces irrégularités ne peuvent pas faire obstacle à de nouveaux travaux.

Ainsi, l’article L. 421-9 introduit dans le Code de l’urbanisme par la loi ENL du 13 juillet 2006 indique : « lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme. (…) ».  Cette prescription administrative décennale est toutefois écartée : « e) lorsque la construction a été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu, alors que celui-ci était requis » ; cet alinéa étant issu, dans sa nouvelle rédaction, de l’article 80 de la loi ELAN.

Dès lors, lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de lurbanisme – TA Toulon, 26 févr. 2010, Mme Garcin, no 0801606. Et ce, à condition que les travaux  n’aient pas, à  l’époque de leur réalisation, eu besoin de permis de construire.

Sont  donc exclus du bénéfice de la prescription tous les travaux réalisés sans permis de construire, en méconnaissance des prescriptions alors applicables, peu importent qu’ils soient réalisés lors de la construction primitive ou à l’occasion des travaux  apportés à celle-ci et, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de leur importance.

Peuvent, en revanche, bénéficier de la prescription les travaux réalisés irrégulièrement depuis plus de dix ans, dès lors qu’ils relevaient du régime de la déclaration préalable. Par exemple,  une construction initialement autorisée qui aurait fait ultérieurement l’objet de travaux emportant changement de destination mais relevant du régime de la déclaration préalable (C. urb., art. R. 421-14), bénéficiera désormais de la prescription.

Il conviendra donc, en pratique, d’analyser si les travaux irréguliers étaient soumis à déclaration préalable lorsqu’ils furent réalisés.

En pratique, si une déclaration préalable devait présider à la réalisation des travaux, deux hypothèses peuvent se présenter :

Le délai de dix ans n’est pas écoulé, et une nouvelle autorisation est nécessaire au vu des travaux à venir : il sera alors prudent de régulariser, si c’est possible,  les travaux initiaux en déposant une déclaration préalable pour éviter un rejet de la nouvelle demande au motif de l’irrégularité de la construction initiale. Cette régularisation peut se faire par une autorisation globale incluant les anciens et les nouveaux travaux – CE, 13 décembre 2013, n° 349081. Mais, si l’action pénale n’est pas prescrite – soit 6 ans après l’achèvement des travaux -, ces travaux irréguliers sont susceptibles de faire l’objet de sanctions et donc d’amendes au titre de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme.

Si le délai de dix ans, est écoulé, la nouvelle autorisation peut être déposée et ne peut être refusée sur le fondement de l’irrégularité de la construction initiale. Les travaux resteront irréguliers mais ne pourront servir de fondement au rejet d’une nouvelle autorisation pour d’autres travaux. Cette irrégularité pourrait seulement entrainer l’absence de reconstruction à l’identique en cas de sinistre : seuls les travaux ou constructions légaux et donc réguliers bénéficieront de la reconstruction à l’identique.

A l’inverse, les travaux ou constructions réalisés sans permis de construire ou alors qu’il était nécessaire ne bénéficieront pas de l’article L.421-9 du Code de l’urbanisme.

C’est donc le cas lorsqu’ils sont réalisés en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables qui imposaient un permis.

Si la construction était au jour de sa réalisation soumise à permis, toute nouvelle autorisation sur cette construction pourrait donc être refusée car la construction initiale est illégale. Seul,  un permis, s’il est obtenu, viendra a posteriori, donner à cette construction initiale une régularité certaine

Mais, si à l’époque de son édification, aucune autorisation n’était requise, la construction, certes sans permis, bénéficie de la prescription. C’est ainsi que le Conseil d’Etat – CE,3 février 2017, n° 373898– a jugé qu’un bâtiment édifié au XIXe siècle, avant que les lois et règlements ne soumettent les constructions à un régime d’autorisation d’urbanisme, ne pouvait être regardé comme ayant été réalisé sans permis de construire au sens de l’article L. 421-9.

Saisis de ces différentes problématiques, notre analyse est avant tout une analyse du risque.

Ce risque est d’autant plus important si les actions civiles et pénales courent encore. Il s’atténue lorsque les actions sont prescrites et que la construction ou les travaux bénéficient de l’article L.421-9 du Code de l’urbanisme.

Il nous faut alors remonter dans le temps… au temps de la réalisation des travaux ou des constructions pour déterminer avec précision et certitude la nature de l’autorisation requise et en déduire si, achevés depuis plus de dix ans, les constructions ou les travaux profiteront de la prescription décennale.

L’emprise du lieu de situation de l’immeuble en droit international privé (Civ. 1ère, 4 mars 2020)

La Haute juridiction, dans sa décision du 4 mars dernier vient, à nouveau, de souligner l’importance de l’immeuble en tant que critère de rattachement, en droit international privé.

Le créancier d’une indivision avait usé, devant un tribunal Français, de son droit de provoquer le partage – article 815-17 du Code civil- pour être payé de sa dette en assignant, en France, des époux résidents en Algérie. Le bien indivis était un immeuble situé en France. Ce partage judiciaire d’un bien indivis soulevait la question du tribunal compétent en l’absence de toute convention internationale entre la France et l’Algérie.

Deux choix s’offraient aux magistrats.

L’action du créancier est recevable en France et le tribunal saisi compétent en raison de la situation de l’immeuble en France. Ce fut la solution adoptée par la Cour de cassation.

L’action du créancier doit se dérouler devant les tribunaux algériens par extension à l’ordre international de la règle de compétence interne. Celle-ci est l’article 1070 du Code de procédure civile et suppose la compétence du juge des affaires familiales du lieu de résidence de la famille. Ce lieu était situé, en l’espèce, en Algérie et ce fut le choix malheureux opéré par les juges du fond.

En effet, dans l’ordre international, en l’absence de règlement européen ou de convention internationale applicable, trancher un tel litige devient bysantin. Le seul principe applicable, est celui, de l’extension à l’ordre international des règles de compétence de droit interne, “sous réserves des adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales” – principes posés par l’arrêt Scheffel le 30 octobre 1962 et nuancés par la Première Chambre civile le 3 décembre 1985 – décision n° 84-11.209.

Il appartient donc aux magistrats de peser les enjeux en cause et de ne pas se limiter uniquement à l’extension à l’ordre international des règles de compétence interne. Cette question est d’importance : en droit international privé, c’est le tribunal compétent qui va se prononcer en fonction de sa règle de conflit pour trancher un litige – sauf clause d’élection de droit lorsque les parties en ont la possibilité.

La détermination de cette compétence est donc, dans l’ordre international, un gage de sécurité juridique pour les plaideurs.

La clé de voute du litige était l’immeuble, patrimoine indivis des époux qui, au terme du partage, donnerait au créancier la possibilité d’être payé sur l’actif partagé. Le créancier était Allemand, l’immeuble situé en France et les époux résidaient en Algérie. Réfutant la compétence du tribunal français, les juges du fond voient leur décision cassée par la Haute Juridiction. Cette dernière estime, que le litige devait se dérouler en France, pays du lieu de situation de l’actif allant servir à désintéresser le créancier poursuivant.

La finalité poursuivie par la Cour de cassation était d’assurer au créancier l’efficacité de son action.

C’est en France que la décision aura force exécutoire et c’est aussi en France que les voies d’exécution éventuelles seront utilisées. Tout autre raisonnement, aurait conduit le créancier à de sérieuses difficultés d’exécution : un fois le jugement algérien rendu, il aurait fallu obtenir l’exequatur de celui-ci pour lui donner force exécutoire en France avant d’entamer la moindre procédure sur l’actif immobilier.

C’est donc bien l’efficacité de l’action du créancier sur l’immeuble qui est au coeur de cette décision. On ne peut d’ailleurs que la saluer. Le pouvoir d’attraction de l’immeuble, centre de gravité de l’opération, a eu raison de l’article 1070 du code de procédure civile dont l’application aurait conduit à éloigner le litige de son “juge naturel”.

Cette décision du 4 mars 2020 est la première décision qui statue sur la question du partage d’un bien indivis en droit international privé en dehors de tout règlement ou convention internationale applicable.

Certes, une décision précédente – Cass. 1ère civ., 20 avril 2017, n° 16-16.983- s’était penchée sur cette question mais, en application de l’article 22, 1° du Règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commercial. Cette disposition, instaure parmi ses compétences exclusives, celle du tribunal du lieu de l’immeuble en “matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles“. C’est ainsi que la Première Chambre Civile avait demandé au juge français de relever d’office son incompétence en faveur du juge espagnol, seul compétent dans un litige entre des résidents français, relatif à la propriété et au partage, d’un immeuble en indivision, situé en Espagne.

Cette décision du 4 mars 2020 le démontre à nouveau : retenir comme élément de rattachement, l’immeuble lorsque le litige porte sur des droits réels immobiliers est, en droit international privé, un gage d’efficacité et de prévisibilité. Si le juge compétent est celui du lieu de situation de l’immeuble, l’on peut penser que la lex rei sitae a encore de beaux jours devant elle.