27 avril 2020 Juridique

Cession de terrain à bâtir, TVA sur marge : nouvelle décision du Conseil d’Etat

A l’aune de la décision du Conseil d’Etat du 27 mars 2020 – n° 428234- , l’application du régime de TVA sur marge requiert deux conditions :

– une acquisition qui n’a pas ouvert droit à déduction ;

– pas de modification entre l’acquisition et la vente, des caractéristiques physiques et juridique de l’immeuble.

Pourtant, et en application de l’article 268 du Code Général des Impôts, seraient concernées par la TVA sur marge les livraisons de terrains à bâtir et, d’immeubles de plus de cinq ans, dont l’acquisition n’a pas ouvert droit à déduction.

Pour exemple, pour une livraison de terrain à bâtir – n’ayant pas ouvert le droit à déduction – la base d’imposition est constituée par la différence entre : le prix exprimé -et les charges qui s’y ajoutent- et soit, les sommes que le cédant a versées pour l’acquisition du terrain, soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature effectués.

Une seule condition est alors exigée par le législateur pour bénéficier de ce régime de TVA sur marge : l’absence de droit à déduction lors de l’acquisition initiale du bien.

Mais, l’analyse du Conseil d’Etat s’avère différente : la TVA sur marge ne concerne pas une cession de terrains à bâtir dont le bâtiment initial a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur.

L’administration fiscale ajoute, en effet, une condition supplémentaire pour rendre cette TVA applicable : celle de l’identité de qualification entre le bien acquis et le bien vendu – BOI 3 A-9-10, n° 68, reprise au BOFIP : BOI-TVA-IMM-10-20-10, n° 20.

Cette TVA sera donc exclue lorsque les biens sont transformés, par l’assujetti, entre la date de leur acquisition et celle de la livraison. Tel est le cas de la vente d’un terrain à bâtir issu de la démolition d’un immeuble.

Une telle cession doit, selon l’administration fiscale, être soumise à la TVA sur le prix total de la vente.

Des réponses ministérielles suivent cette voie. Elles indiquent : «la mise en œuvre de ce régime dérogatoire prévu à l’article 268 du Code général des impôts suppose nécessairement que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques et sa qualification juridique» Rép. min. n° 94538 :  JOAN 20 septembre 2016, p. 8514 , Rép. min. n° 96679 :  JOAN 20 septembre 2016, p. 8522.

En conséquence, à la condition de l’identité de qualification juridique et fiscale est adjoint un autre critère, celui de l’identité physique des immeubles concernés. Cette position peut surprendre dans la mesure où de telles exigences n’apparaissent pas à la seule lecture de l’article 268 du Code Général des Impôts. Pour l’administration fiscale, cette exigence serait implicite, résultant de l’essence même du texte.

Pourtant, les juridictions du fond adoptent des positions contraires – CAA de Lyon, 20 décembre 2018 n° 17LY03359, CAA de Marseille 12 avril 2018 n° 18MA00802 , CAA de Lyon, 7 mai 2019 n° 18LY01019.

La Cour d’Appel de Lyon dont la décision fait l’objet du présent recours devant le Conseil d’Etat- décision du 25 juin 2019, n° L.Y00671- adresse un message clair et précis à l’administration : elle “ne saurait légalement fonder une imposition” et devenir source de droit, par la création de normes.

D’ailleurs, l’article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 dispose : «Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat».

Cette disposition prévoit la possibilité pour les États membres de mettre en place un régime de taxation sur la marge pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir en vue de leur revente, par un assujetti, qui n’a pas eu de droit à déduction lors de l’acquisition du bien. Aucune autre condition est requise.

L’article 268 du Code Général des Impôts est donc une parfaite transposition de cette disposition.

La TVA sur marge ne serait alors plus l’apanage des seuls marchands de biens. Elle serait applicable à toutes les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de leur revente, par un assujetti qui n’a pas eu de droit à déduction lors de l’acquisition initiale du bien.

Mais, ajouter une condition à celle de l’article 268 du Code Général des Impôts, restreint son champ d’application

Le Conseil d’Etat n’a pas entendu les juges du fond.

Et, par cette décision, il confirme que le seul fait de na pas avoir eu droit à déduction lors de l’acquisition initiale est insuffisant pour bénéficier de l’article 268 du Code Général des Impôts : l’identité des caractéristiques physiques et juridiques de l’immeuble entre l’acquisition et la revente est une condition incontournable.

Mais, le changement de qualification juridique d’un bien ne devrait t-il pas rester étranger à l’application de la TVA sur marge conformément au principe de neutralité fiscale en la matière ? Il semblerait que non…

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