Bref propos autour de la décision du Conseil d’Etat du 28 novembre 2024, n° 488592
La décision du Conseil d’Etat du 28 novembre 2024 apporte des précisions sur les modalités de mise en œuvre de l’obligation de notification des recours gracieux et contentieux dirigés contre une autorisation d’urbanisme.
L’article R. 600-1 du Code de l’Urbanisme indique : « l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation ».
Cette double notification à l’autorité compétente et au pétitionnaire s’étend à l’auteur d’un recours gracieux et ce, « à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet ».
La notification « doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours ».
Un recours contentieux est donc susceptible d’être irrecevable en cas de défaillance de la double notification ou si au préalable, le recours gracieux n’a pas été dument notifié.
L’absence de notification du recours gracieux va de facto entrainer la forclusion du délai de recours contentieux
Une décision récente du Conseil d’Etat illustre parfaitement la problématique soulevée par ce formalisme (CE, 1re-4e ch. réunies, 28 novembre 2024, n° 488592).
En l’espèce, la réalisation d’un bâtiment d’habitation collective de huit logements avait été autorisée par un permis de construire.
Par un recours gracieux, formé avant l’échéance du délai contentieux de deux mois, un voisin sollicite le retrait de ce permis et notifie le recours gracieux à l’adresse figurant sur le panneau d’affichage. Deux mois plus tard, estimant que cette demande avait fait l’objet d’une décision tacite de rejet, il forme un recours contentieux devant le tribunal administratif de Grenoble.
Celui-ci est alors considéré comme tardif par la juridiction administrative – TA Grenoble, 14 mars 2022, n° 2106615.
La notification du recours gracieux avait été irrégulièrement accomplie et n’avait donc pas prorogé le délai de recours contentieux
La notification du recours gracieux avait en effet été effectuée à l’adresse figurant en haut du panneau d’affichage, adresse du maître d’œuvre, alors que le bénéficiaire du permis de construire contesté était le maître d’ouvrage. Les juges du fond avaient par conséquent considéré que la notification du recours gracieux, irrégulière, n’avait pu proroger le délai de recours contentieux, le requérant étant donc for clos.
Cette solution avait ensuite été confirmée par un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon – CAA Lyon, 2 août 2023, n° 22LY01405.
Mais, fort heureusement, le Conseil d’Etat a fait œuvre de pragmatisme en jugeant la notification régulière et annulant la décision de la Cour d’Appel de Lyon.
Il estime que « la notification peut également être regardée comme régulièrement accomplie lorsque, le panneau d’affichage du permis de construire faisant apparaître, alors même que l’article A. 424-16 du Code de l’urbanisme ne l’impose pas, une adresse comme étant la sienne, la notification est faite à cette adresse ».
L’auteur du recours peut valablement tenir compte de l’information indiquée sur le panneau d’affichage, d’autant plus que rien ne permettait de penser qu’elle était erronée.
Le droit au recours a valeur constitutionnelle.
Il commande de ne pas subordonner l’exercice du droit de recours à des formalités excessivement contraignantes. En effet, l’auteur du recours va se fier à l’adresse volontairement indiquée par le pétitionnaire sur le panneau affichant son autorisation. Il n’a pas à vérifier que cette adresse est bien la sienne, eu égard au caractère particulièrement bref du délai de quinze jours qui lui est imparti pour procéder à la notification requise.
Cette décision s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence pragmatique développée par le Conseil d’État à propos de cette formalité, afin de limiter les hypothèses d’irrecevabilité des recours.
Ainsi, il avait déjà été jugé régulière la notification adressée à l’architecte du projet, dès lors que c’est son adresse qui était mentionnée sur le permis litigieux comme étant celle à laquelle le bénéficiaire de l’autorisation était domicilié – CE, 24 septembre 2014, n° 351689.
Doit aussi être regardé comme valablement notifié, le recours adressé à l’adresse du pétitionnaire mentionnée dans l’arrêté, alors que l’autorisation était transférée à un autre bénéficiaire – CE, 24 septembre 2017, n° 351689.
Plus encore, ont été jugées régulières des notifications envoyées à une personne ou une adresse différente de celle mentionnée dans la décision : au siège social de la société mère de l’établissement secondaire ayant sollicité le permis – CE, 20 octobre 2021, n° 444581.
Le pragmatisme du juge administratif s’étend d’ailleurs au-delà de la simple question de l’adresse : est ainsi recevable le recours introduit, sans notification et dirigé contre un permis modificatif produit dans le cadre de l’instance dirigée contre le permis initial – CE, 28 mai 2021, n° 437429