Propos autour de la décision du 20 mars 2025, n° 23-11. 527.
Face à une construction édifiée en violation des règles d’urbanisme, une commune peut souhaiter agir pour obtenir la démolition de la construction et la remise en état du terrain. Pour cela, elle dispose d’un arsenal d’actions qui se distinguent les unes des autres par leur nature et leur régime.
L’article L.480-14 du Code de l’Urbanisme autorise la commune ou l’EPCI compétent à saisir directement le tribunal judiciaire pour obtenir la démolition ou mise en conformité d’un ouvrage édifié sans autorisation d’urbanisme, ou en violation de celle-ci.
Cette action est civile, se déroule devant les tribunaux judiciaire et se prescrit par dix ans. Ce délai de prescription propre à l’administration excède le délai de droit commun de l’action civile de l’article 2224 du Code civil pouvant être exercé dans un délai de 5 ans à compter de l’achèvement de la construction irrégulière.
Par ailleurs cette action n’a pas la même nature, ni le même régime juridique que les actions pénales des articles L.480-4 et suivants du Code de l’Urbanisme au cours desquelles la commune peut se constituer partie civile.
En effet, en application de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, le juge pénal peut ordonner la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur.
Ces mesures constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite et réparer le préjudice subi par les tiers, qui viennent compléter les sanctions pénales.
Dans la décision de la Cour de cassation du 20 mars 2025, il est question de l’action civile de la commune issue de l’article L.480-14 du Code de l’Urbanisme.
Cette action propre à la commune ou à l’EPCI se justifie car la collectivité est compétente en matière d’urbanisme, pour délivrer les autorisations d’urbanisme en application des articles L.422-1 et L. 422-3 du code de l’urbanisme et veiller au respect des documents d’urbanisme applicables sur son territoire.
La collectivité est tenue d’assurer le respect des règles d’urbanisme : celui-ci répond à un objectif d’intérêt général qui justifie l’action en démolition ou en mise en conformité.
La commune peut donc exercer cette action en cas d’abstention de l’établissement public compétent en matière de plan local d’urbanisme, alors même qu’une violation de la règle d’urbanisme a été constatée (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 21 janvier 2021, n°20-10.602).
Et c’est pour cela que la commune, qui agit sur ce fondement, n’a pas à démontrer un préjudice personnel et direct (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 16 mai 2019, n° 17-31.757).
Les décisions de droit positif en cette matière sont rares.
La particularité de la décision du 25 mars dernier est la suivante : les juges de droit autorisent la commune à agir en référé pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la violation de la règle d’urbanisme.
Ainsi, parallèlement à l’action au fond, la commune peut agir en référé sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile.
L’action au fond de l’article L.480-14 du Code de l’urbanisme ne prive pas la commune d’agir en référé pour demander des mesures provisoires ou conservatoires.
Le juge peut donc ordonner ce type de mesures ou la remise en état pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il n’est pas besoin de démontrer l’existence d’une urgence.
Le trouble manifestement illicite est caractérisé lorsque les aménagements et constructions ont été réalisés en violation des dispositions du code de l’urbanisme et du plan local d’urbanisme (Cour d’appel de Paris, 9 mars 2023, n° 22/15598).
La commune peut saisir le juge des référés sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile pour demander la remise en état dans le cas de la violation d’une règle d’urbanisme.
Et sur ce fondement peuvent par exemple être ordonnés l’interruption des travaux non autorisés (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 25 septembre 2012, n° 11-19.005), ou la remise en état en cas de violation manifeste des règles édictées par le code de l’urbanisme, les ouvrages n’étant pas régularisables et engendrant un trouble manifestement illicite (Cour d’appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 5 avril 2023, n° 22/04560 ; Cour d’appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 19 mai 2021, n° 20/03906 ; Cour d’appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 23 février 2023, n°22/03086).
Les juges de droit ont, pour la première fois, par la décision du 20 mars clos le débat sur la faculté ou non de la commune de saisir le juge des référés : l’action au fond n’empêche en rien une action en référé.
Dans une dernière décision, la Cour de cassation entend faire de la saisine du juge des référés une voie opportune de lutter contre les constructions irrégulières : « le juge des référés qui ordonne, dans les conditions prévues par la loi, une mesure de remise en état ou de démolition pour faire cesser un trouble manifestement illicite résultant de la violation d’une règle d’urbanisme peut autoriser la commune, à défaut d’exécution par le bénéficiaire des travaux dans le délai prescrit, à y procéder d’office aux frais de l’intéressé » – Cass, 2ème civ , 27 mars 2025, n° 22-12787.