14 mars 2021 Juridique

Le changement d’usage à Paris a les honneurs de la Cour de Cassation !

Les articles L.631-7 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation ne cessent d’occuper la Haute Juridiction.

Le 18 février dernier, la troisième chambre civile rendait trois décisions concomitantes, concernant le changement d’usage, à Paris, mis en place par le règlement municipal, adopté en décembre 2008.

La Cour de cassation rappelle encore et toujours que le fait de louer un immeuble meublé à usage d’habitation, résidence secondaire du propriétaire, de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, constitue un changement d’usage soumis à autorisation administrative préalable  – voir décisions n° 17-26.156 et n° 19-13.191 et n° 19-11.462.

Mais certaines précisions inédites sont ainsi rapportées.

Dans le deuxième arrêt (n° 19-13.191), s’agissant du champ d’application de l’article L. 631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation, dernier alinéa, la Cour considère les locations litigieuses, consenties à deux sociétés, sur une période de moins d’un an, pour des durées respectives de quatre et six mois, constitutives d’un changement d’usage, soumis à autorisation préalable.

Dès lors, même si la location s’est effectuée deux fois dans l’année, au profit de la même personne ; il y a un changement d’usage au sens de l’article L.631-7 al.5 car il s’agit d’une location qui s’est répétée.

Demeurent donc seuls, à l’abri de cette réglementation : la location au profit d’un étudiant inférieure à une durée de 9 mois, le bail mobilité créé par les articles 25-12 et suivants de la loi n° 89-462 de la loi du 6 juillet 1989 et la location pour quatre mois maximum de la résidence principale du bailleur.

En réalité, il s’agit là, de contrôler par le changement d’usage, les baux de moyenne durée constitutifs de locations à durée déterminée, soumises aux articles 1714 et suivants du Code civil et ce, dans un logement meublé qui n’est pas la résidence principale du propriétaire.

Dans le troisième arrêt (N° 19-11.462), la Cour de cassation considère qu’une fiche de révision foncière remplie par le propriétaire en juin 1978 ne peut prouver l’usage du bien au 1er janvier 1970. Elle en déduit que les renseignements portés dans ce formulaire ne décrivent pas l’usage du bien au 1er janvier 1970 .

La fiche de révision foncière – la fameuse fiche H2- est la preuve suprême de l’usage initial de l’immeuble.

Et, le texte de l’article L.631-7 al. 3 du Code de la Construction et de l’Habitation, précise qu’un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Une lecture exégétique de cette disposition commande de refuser comme preuve de l’usage toute fiche de révision foncière datée après le 1er janvier 1970. C’est exactement cette lecture que vient de faire la Cour de cassation.

Il est clair qu’en l’absence d’autorisation pour changement d’usage antérieure et/ou postérieure au 1er janvier 1970, seule la fiche de révision foncière établie au 1er janvier 1970 est probante sauf autorisations d’urbanisme contraires.

L’ avenir des fiches de révision foncière est, comme nous l’avions prédit, consolidé (https://137notaires.com/changement-dusage-de-lutilite-des-fiches-de-revision-fonciere-du-1er-janvier-1970-et-des-autorisations-durbanisme-posterieures).

Par conséquent, pour les changements d’usage soumis au règlement municipal de Paris, de deux choses l’une :

Si le bien est à usage d’habitation, suivant la fiche de révision foncière au 1er janvier 1970 et que cet usage a disparu au jour de la vente : il devrait y avoir une autorisation pour changement d’usage sauf si le local est la résidence principale du loueur (art. L.631-7-1A du Code de la Construction et de l’Habitation), qu’il s’agit d’un local mixte sans réception de clientèle (art. L.631-7-3 du Code de la Construction et de l’Habitation ) ou que le local est au rez de chaussée et qu’il y reçoit de la clientèle (art. L.631-7-4 du Code de la Construction et de l’Habitation). En l’absence d’autorisation, le bien est toujours à usage d’habitation.

Si le bien est à usage autre que d’habitation, suivant la fiche de révision foncière au 1er janvier 1970 et qu’il est d’habitation au jour de la vente : il n’existe pas de problématique de changement d’usage au sens de l’article L.631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation. Mais, il est nécessaire de vérifier si la destination d’habitation est autorisée, pour ce bien, par le règlement de copropriété; et, s’il y a eu, une autorisation d’urbanisme pour changement de destination au sens de l’article R.151-27 du Code de l’Urbanisme.

A ces deux hypothèses, s’ajoute le fait qu’à Paris, des locaux à un autre usage que d’habitation peuvent, pour une durée maximum de 15 ans, être utilisés en habitation (art. L.631-7-1 du Code de la Construction et de l’Habitation).

Dès lors, certains locaux d’habitation pourraient en réalité l’être de manière temporaire, sans pour autant, changer de destination au sens de l’article R. 151-27 du Code de l’Urbanisme .

De fait, le changement d’usage s’inverse dans cette hypothèse : il s’agit non de transformer de l’habitation en un autre usage mais de permettre à cet usage d’être temporairement de l’habitation. Dans un avenir proche, nous pourrions y être confrontés lorsque des bureaux vides, seront transformés en habitation et ce pour un temps limité.

Que l’on ne se fie pas aux apparences : il s’agit simplement d’un changement d’usage temporaire et non d’un changement de destination, par essence permanent, et ce, dans l’attente d’une autorisation d’urbanisme postérieure contraire.

A l’analyse, ces trois décisions récentes, limitées à Paris, concernent en réalité, en fonction des dispositions propres à chaque commune, la France des locations meublés de type “airbnb”.

En effet, même si très classiquement, cette règlementation s’applique dans les communes de plus de 200.000 habitants ainsi que dans celles expressément visées par l’article L.631-7-1 du Code de la Construction et de l’Habitation; toutes les communes de France peuvent, par délibération, décidées d’adopter la réglementation pour changement d’usage (art. L.631-9 du Code de la Construction et de l’Habitation).

Qu’on se le tienne pour dit : la preuve de l’usage est une question de fait.

En l’absence d’autorisation, la fiche de révision foncière au 1er janvier 1970 est la pierre angulaire de notre raisonnement nous permettant alors d’acquérir la certitude de vendre de la surface habitable ou, une autre surface.

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