Vente en l’état futur d’achèvement: retour sur une distinction d’importance entre secteur libre et protégé

Les montages de projets en VEFA nous amènent à avoir une idée claire et précise de la qualification des lots. De celle-ci se déduira le régime juridique de la vente : secteur libre ou secteur protégé.

Au fil du temps, le droit positif nous est venu en aide et des critères de distinction sont nés.

En pratique, il est nécessaire de s’interroger sur l’usage de la construction : un immeuble relèvera du secteur protégé, uniquement s’il s’agit d’un immeuble à usage partiel ou total d’habitation. A l’inverse, un autre usage constituera une vente en secteur libre.

Cette distinction, en apparence simple, s’avère parfois complexe au regard de la multitude de projet qui voient le jour.

L’article L. 261-10 du Code de Construction et de l’Habitation défini la vente en secteur protégé à l’aide de trois éléments : l’objet du contrat – transfert de propriété-, l’usage de l’immeuble -habitation ou mixte-  et l’obligation de verser des fonds avant l’achèvement. Ainsi “tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation et comportant l’obligation pour l’acheteur d’effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l’achèvement de la construction (…)”.

C’est alors, en premier lieu, l’usage du local qui détermine le champ d’application du secteur protégé : peu importe la qualité de l’acquéreur, le nombre de locaux acquis ou le mode d’exploitation.

La question posée apparaît simple : l’immeuble est-il ou non affecté à l’habitation ou est-il exclusivement destiné à une activité professionnelle ou commerciale ?

Une nuance s’impose : un usage d’habitation au sens du Code de la construction et de l’habitation ne doit pas être confondu avec la destination d’habitation au sens du Code de l’urbanisme.

Usage et destination sont deux notions distinctes.

Pour distinguer le secteur libre du secteur protégé, c’est l’usage qui compte et non la destination.

Le principe de l’indépendance des différentes législations applicables commande de considérer ces deux notions comme non fongibles et autonomes l’une par rapport à l’autre.

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Versailles rappelle, dans une décision du 19 janvier 2006 – n° 04VE00237- à propos de la création d’un foyer destiné à l’hébergement des enfants en difficulté que “les dispositions du Code de la Construction et de l’Habitation ne sauraient, compte tenu de l’indépendance des législations applicables en matière de construction et d’urbanisme, être prises en compte pour déterminer si le projet comporte un changement de destination des locaux existants au sens des dispositions précitées du plan d’occupation des sols“.

Et, la circulaire UHC/DH2 du 22 mars 2006, n°2006-19 sur l’application des mesures relatives au changement d’usage des locaux d’habitation indique : “ le terme « usage » a remplacé le terme « affectation », ce dernier étant souvent source de confusion avec la notion de « destination » utilisée en matière de permis de construire” (art.I.1)

Par conséquent et ce, même si les surfaces telles qu’indiquées dans le permis de construire sont à destination d’habitation, cela n’induit et ne prouve en aucune façon qu’un tel usage est celui qu’il faudrait retenir pour l’application de l’article L.261-10 Code de Construction et de l’Habitation.

La destination d’habitation est donc distincte de l’usage d’habitation tel que défini dans le Code de Construction et de l’Habitation.

D’ailleurs, si l’opération emporte acquisition de locaux qui seront effectivement utilisés à usage d’habitation, seule une vente soumise aux règles du secteur protégé pourra être conclue;  peu importe que les locaux destinés à l’habitation soient situés dans un immeuble, allant faire l’objet d’une exploitation commerciale

Ainsi, la vente d’une résidence pour séniors, destinée à être mise en exploitation dans le cadre d’un bail commercial, relève du secteur protégé, dès lors que les locaux sont loués meublés et accueillent la résidence principale de ses occupants – Cassation, 3ème Civile., 7 janvier 2016, n°14-29655 et 14-29676.

Dans ces décisions, les hauts Magistrats relèvent notamment “que (…) les lots vendus étaient des appartements meublés à usage d’habitation principale, avec chacun salle de douches, toilettes, cuisine, destinés à être habités à l’année par des personnes âgées, la Cour d’appel a pu en déduire que l’usage d’habitation des locaux vendus était caractérisé et que l’article L.261-10 du Code de la construction et de l’habitation était applicable ».

Il en est de même lorsque le contrat de réservation a pour objet la vente d’une partie de l’immeuble à usage d’habitation avec mise en place d’une copropriété, comme le reflète ensuite l’acte authentique de vente précisant que les lieux vendus sont à usage d’habitation – Cass. civile 3ème, 23 mai 2019, n° 17-17.908.

A l’inverse, une résidence dans laquelle “les pensionnaires” font uniquement des séjours temporaires fera l’objet d’une vente en secteur libre.

Tel est d’ailleurs le critère utilisé par les juges du fond pour les immeubles à usage touristique.

L’immeuble à usage hôtelier fait parti du secteur libre – CA Pau, 12 janvier 2017 , n°14/04634 ; CA Versailles, 17 juin 2019, n° 17/04516 – même donné à bail pour sa gestion; sauf, bien entendu si la consistance des logements permet une habitation pérenne. L’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation dernier alinea reflète cette position : les courts séjours répétés du type location en airbnb, relèvent d’un usage autre que l’habitation.

En pratique, si les lots vendus ne sont pas de l’habitation totale ou partielle au sens du droit positif, la vente sera alors soumise au secteur libre.

Les ventes du secteur libre apparaissent comme des formes édulcorées de ventes d’immeubles à construire et se rapprochent des ventes de droit commun.

Le secteur libre permet, en effet, de revenir à la liberté contractuelle et au principe d’autonomie de la volonté.

Les règles du secteur protégé ou certaines d’entre elles pourront donc être choisies librement par les parties car elles ressortent- en dehors de leur champ d’application impératif – de la liberté contractuelle.

Par conséquent et à l’analyse, alors même que nous nous situons dans le secteur libre, nous avons la possibilité d’opter pour l’application de règles du secteur protégé, plus protectrices de l’acquéreur immobilier. Ce choix sera dicté souvent par des intérêts économiques et commerciaux et il peut s’avérer efficace.

Si la rédaction de l’acte indique expressément le choix volontaire de se soumettre à un telle ou telle règle du secteur protégé, alors que la vente est en secteur libre, le contrat de vente ne sera pas requalifiable en vente d’un immeuble à usage d’habitation en secteur protégé.

Et, sur ce point notre plume se doit d’être claire et précise.

Changement de destination et urbanisme : tour d’horizon d’une question délicate.

Destination et usage sont des termes courants de notre pratique notariale d’où naissent certaines questions, pour le moins complexes.

En effet, l’immeuble au coeur de notre métier, est un bien pérenne et évolutif au fil du temps : construit pour de l’habitation, il va se transformer en un local professionnel, puis commercial puis redevenir partiellement d’habitation en abritant une profession libérale puis des locations touristiques de courte durée.

Son propriétaire, bien que titulaire d’un droit de propriété constitutionnel, ne peut faire abstraction de l’environnement de son bien.

Qu’il soit situé dans un centre ville historique, sur une zone commerciale, sur un territoire rural ou au bord du littoral, l’immeuble a un environnement qui va dicter sa destination actuelle et future.

Celle-ci est détachée de la matérialité du bien immobilier. Son propriétaire et, le cas échéant, l’occupant n’en ont pas la maitrise.

L’affectation et la destination de l’immeuble leur échappe car elles sont devenues, objet de réglementations contraignantes indépendantes les unes des autres.

L’usage ou l’affectation du bien est factuel : c’est une situation de fait qui reflète la manière d’utiliser le bien.

Mais certains changements d’usage font l’objet d’une réglementation particulière.

Tout changement, vers un usage autre que celui d’habitation est soumis aux articles L.631-7 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation. Ces normes ne concernent pas uniquement les villes de plus de 200.0000 habitants et celles du départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne car d’autres communes peuvent choisir de s’y soumettre – article L.631-9 du Code de la Construction et de l’Habitation.

Ainsi, il est toujours prudent de vérifier auprès de la commune concernée, s’il existe ou non, sur le territoire du lieu de situation de l’immeuble, une telle réglementation pouvant donner lieu à une autorisation administrative.

La destination est quant à elle une autre notion, indépendante de l’usage.

Elle est régie par le Code de l’urbanisme et notamment par les articles R.151-27 et R.151-28 de ce Code.

Elle est aussi distincte du sens qui pourrait lui être donné dans le cadre des règlements de copropriété.

Pour autant, le régime des changements de destination n’est pas sans lien avec celui qui s’applique aux changements d’usage ou à la copropriété mais l’obtention des uns ne garantit pas l’obtention des autres, de même que la légalité des uns n’est pas conditionnée par la légalité des autres, quand bien même ils relèveraient de la même autorité administrative

Mais, bien entendu, il est nécessaire de faire preuve de pragmatisme : la destination d’un bâtiment s’apprécie au regard de son usage principal. Et celui-ci résultera généralement du permis de construire en vertu duquel il a été édifié ou le cas échéant d’autorisations postérieures.

En leur absence ou en présence de bâtiments anciens, dépourvus à l’époque de toute autorisation ou dont la destination initiale s’est perdue ou n’a plus de sens, le praticien peut être amené à se poser la question suivante : faut-il se livrer à une étude historique de l’immeuble pour rechercher l’usage effectif qui en a été fait depuis sa construction ?

Qu’on se le tienne pour dit : le Conseil d’Etat nous en dispense. Lorsque l’affectation originelle s’est perdue du fait de son abandon depuis plusieurs années, il convient de se fonder sur les caractéristiques propres de l’immeuble pour en déduire sa destination actuelle – CE 5° et 6° ch.-r., 28 décembre 2018, n° 408743.

Néanmoins, toute construction doit avoir l’une des destinations énumérées à l’article R.151-27 du Code de l’Urbanisme et donc est soit de l’habitation, soit du commerce et activités de service, soit des équipements d’intérêt collectif et services publics, soit une exploitations agricole et forestière ou enfin d’ autres activités du secteur secondaire ou tertiaire ; étant entendu que chacune d’elles comprend des sous destinations énumérées à l’article R.521-8 du Code de l’Urbanisme.

Un changement de destination consiste donc à transformer la destination légale d’une surface plancher existante en une autre destination légale.

Il suppose non seulement une autorisation d’urbanisme mais aussi que les règles d’aménagement du territoire ne s’y opposent pas.

Ainsi, les changements de destination doivent être possibles sur le territoire du bien concerné.

Pour exemple, dans des zones naturelles et notamment en zone agricole, le changement de destination n’est pas de principe – article L. 111-4 du Code de l’urbanisme : en zone N, le document d’urbanisme en vigueur peut désigner des bâtiments qui seuls pourront faire l’objet d’un tel changement et, à condition que celui-ci ne compromette pas l’activité agricole ou paysagère du site. Il est aussi possible de les limiter en zone urbaine : ceux-ci peuvent être autorisés que s’ils créent de l’habitation ou à l’inverses des bureaux ou services…

Au delà, certains documents d’urbanisme les interdisent.

Dans certaines villes, d’importantes surfaces de locaux destinés à des activité commerciales sont vacants du fait de l’impossibilité d’en changer la destination et de les transformer en logement. Il est alors pertinent de proposer à la commune une révision simplifiée du document d’urbanisme pour permettre la réalisation d’un projet de rénovation permettant l’utilisation de tels espaces.

Ainsi s’il est possible au regard du document d’urbanisme applicable, ce changement de destination suppose l’obtention, a minima d’une déclaration préalable – article R.421-17 (b) du Code de l’urbanisme – et au maximum d’un permis de construire en fonction de l’importance des travaux – article R.421-14 (c) du Code de l’urbanisme.

Mais au delà, un tel changement se doit aussi d’être rendu possible par les ultimes “gardiens” de la destination de l’immeuble – article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965- puis du lot : le règlement de copropriété et l’assemblée générale des copropriétaires.

Un copropriétaire ne peut porter atteinte à la destination de l’immeuble par l’usage qu’il fait de son lot et celui-ci peut faire l’objet de restrictions d’affectations justifiées par la destination globale de l’immeuble.

Cette question est parfois épineuse dans nos dossiers.

Lorsque l’autorisation préalable de l’assemblée générale de la copropriété est requise pour changer la destination d’une partie privative; celà n’empêche pas le copropriétaire de solliciter l’autorisation exigée en droit de l’urbanisme et de l’obtenir – CE, 23 octobre 2020, n° 42547.

Mais, en pratique, en cas de refus de la copropriété, il ne pourra adopter la destination voulue et ce, même si l’autorité administrative lui a délivré son feu vert!

L’obtention d’un changement de destination peut s’avérer être un véritable périple. Il est donc judicieux de respecter une certaine chronologie dans l’obtention des différentes habilitations.

En présence d’un immeuble soumis au statut de la copropriété, il convient de s’assurer au préalable, auprès de celle-ci, de la possibilité d’un tel changement et ce, avant toute demande d’autorisation d’urbanisme. Si cette dernière s’accompagne d’une autorisation administrative, au titre de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation – car le changement de destination entraine changement d’usage-, il sera prudent, là encore, de l’obtenir avant l’autorisation d’urbanisme.

Le propriétaire n’est donc pas maître de la destination de l’immeuble : la fonction sociale de la propriété immobilière est une réalité.

Elle fait alors appel à notre analyse : il nous faut méthodiquement démêler ce lacis en apparence inextricable pour, au terme de ce périple, obtenir la satisfaction d’un changement de destination dans le respect des différentes réglementations.

Chambre d’hôtes ou location de courte durée : l’autorisation pour changement d’usage de l’article L.631-7 est-elle requise?

La location, à des fins touristiques de chambres chez l’habitant n’a pas toujours fait l’objet d’une réglementation.

La chambre d’hôtes était une appellation d’usage relevant de chartes ou labels proposés par les organisations professionnelles de l’hébergement touristique.

Avec la loi no 2006-437 du 14 avril 2006, ces locations ont trouvé un cadre juridique précis à l’article L.324-3 du Code du tourisme.

Ainsi, les chambres d’hôtes sont “des chambres meublées situées chez l’habitant en vue d’accueillir des touristes , à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées assorties de prestations“.

Celles-ci comprennent donc le plus souvent, outre la mise à disposition d’un logis meublé, différentes prestations comme l’accueil de la clientèle, le service d’un petit-déjeuner et plus généralement de repas, la fourniture de linge de maison, le nettoyage de la chambre, l’accès au réseau internet, la mise à disposition d’un parking privatif, l’accès à une piscine, la location de bicyclettes…

La première mise en location est soumise à une obligation de déclaration. L’article L. 324-4 du Code du tourisme précise que “toute personne qui met à la location une ou plusieurs chambres d’hôtes doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune du lieu de l’habitation concernée“.

Le cadre juridique de la chambre d’hôte et la procédure déclarative auprès du maire visent à permettre de mieux identifier ce produit d’hébergement touristique et à faciliter la perception, par les communes, de la taxe de séjour.

La location de chambre d’hôtes n’est donc pas, en soi, soumise à l’autorisation de changement d’usage institué par l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation.

Elle n’est pas non plus concernée par la législation sur les locations meublés de tourisme puisque le décret no 2019-1325 du 9 décembre 2019 est venu ajuster l’article D. 324-1 pour écarter la chambre d’hôtes de la définition du meublé de tourisme.

Pour autant , la frontière entre deux régimes distincts, celui de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation et celui de l’article L.324-3 du Code du tourisme, peut parfois être ténue : la location d’une chambre d’hôtes peut s’avérer être une location de courte durée d’un logement indépendant.

En témoigne, la décision n° 18-22.142 de la Cour de cassation du 24 septembre 2020 statuant sur cette question.

Le locataire d’une maison et d’un appartement, situés dans le même immeuble, à Paris, est condamné par la Haute Juridiction pour avoir loué l’appartement sans autorisation de changement d’usage et en se prévalant de l’article L.324-4 du Code du tourisme et donc du cadre juridique des chambres d’hôtes.

Cependant, le fait de louer sur une courte période l’intégralité de son appartement, non constitutive d’une annexe de sa résidence principale, n’est pas de la location de chambre d’hôtes et nécessite une autorisation pour changement d’usage.

La location de chambres d’hôtes n’est pas la location d’un logement autonome non constitutive d’une annexe du bailleur.

En réalité le critère est clair : la location d’un bien immobilier indépendant entre dans le cadre du changement d’usage.

A l’inverse, y échappe les chambres meublées situées chez l’habitant c’est-à-dire dans sa résidence, qu’il s’agisse du même corps de bâtiment ou d’un bâtiment annexe : elles sont des chambres d’hôtes soumises à l’article L.324-3 du Code du tourisme.

A partir du moment où la location porte sur un bâtiment autonome et totalement indépendant, il ne s’agit plus d’une chambre d’hôtes mais de locations soumises à l’autorisation pour changement d’usage.

La Haute juridiction a donc considéré , dans la décision du 24 septembre dernier, que cette location entrait dans le cadre du dernier alinea de l’article L.631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation : elle consistait en la location d’un local meublé, destiné à l’habitation de manière répétée, pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

L’absence de cette autorisation conduit au paiement d’une amende civile prescrite par l’article L.651-2 du Code de Construction et de l’Habitation et au retour à l’usage classique d’habitation ; autrement dit à la cessation de l’activité de location pour le loueur à moins de régulariser la situation…

Il est donc essentiel, d’établir avec précisions le projet de location envisagée et d’étudier, au cas par cas, la situation de l’immeuble loué.

Pour éviter l’application dans certaines communes de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation, l’immeuble doit être matériellement une partie prenante ou une annexe de la résidence du bailleur et celui-ci doit, au surplus, offrir certains services à ses hôtes.

C’est à ce seul titre qu’il pourra ainsi bénéficier du statut particulier instauré, pour les chambres d’hôtes, par l’article L.324-3 du Code du tourisme.

La clause d’agrément peut-elle empêcher un héritier de devenir associé d’une société civile ?

La société civile, société de personnes, par excellence, pourrait bien encore jouer son rôle de “société fermée” et empêcher, l’héritier de l’associé décédé, de participer à la vie sociale : il suffira de s’opposer à son entrée dans la société par un rejet d’agrément.

Mais, un héritier peut-il alors, en cette qualité, percevoir des dividendes alors même que son agrément a été refusé par les associés de la société civile ?

C’est à cette question que répond, par la négative, la décision rendue par la Première civile du 1er septembre 2020 (n° 19-14.604) : l’héritier non agréé ne peut revendiquer les bénéfices distribués.

Il est vrai, que seul la qualité d’associé, permet de participer au résultat et de prétendre, comme en l’espèce, à une part dans le produit de la vente des actifs.

La qualité d’héritier n’emporte donc pas, de plein droit, celle d’associé

Pour autant, la société civile n’est pas dissoute par le décès d’un associé.

Ses héritiers peuvent continuer la personne du défunt et, devenir à leur tour, associés. Mais ce principe de transmission suppose, en présence d’une clause d’agrément, un accord des associés survivants.

Et, les héritiers pourraient bien être déçus car, rien n’est moins sûr, comme en témoigne cette décision de la Première Civile.

L’intuitu personae demeure prégnant dans les sociétés de personnes.

L’article 1870 en est le reflet : il pose le principe de la transmission de plein droit aux héritiers et/ou légataires des parts de la société civile tout en ouvrant la faculté d’y déroger par l’insertion d’un agrément…

De fait, en l’absence d’agrément, l’attribution des parts sociales et celle de la qualité d’associé se réalise dès l’ouverture de la succession.

La saisine, telle que fixée par l’article 724 du Code civil, entraine alors la mise en possession des parts sociales.

L’héritier devrait donc, à la lecture de cette disposition légale, percevoir des dividendes.

Mais c’est sans compter sur le mécanisme des clauses d’agrément : celui-ci conditionne la qualité d’associé.

L’agrément peut quand à lui poser nombre de difficultés pratiques.

Ces clauses peuvent se révéler être d’une application fort complexe et les questions sont nombreuses.

Quel est, par exemple, la qualité de l’héritier en attente d’agrément ?

Ses droits sont temporairement gelés – Cass. com, 5 avril 2018, n° 16.25-058. A l’issue de la procédure d’agrément, il sera réputé être associé dès l’ouverture de la succession ou de l’envoi en possession, en fonction de la saisine.

Il est de notre compétence, d’attirer l’attention des futurs associés, lors de l’insertion d’une clause d’agrément dans les statuts, sur ses conséquences juridiques.

Il est aussi de notre compétence de veiller à leur rédaction claire, précise et maitrisée.

Les juges de droit sont venus éclaircir certaines de ces clauses en raison de l’emploi de termes imprécis, voir inconnus, en droit patrimonial de la famille.

Pour exemple, le terme d’ayant droit est parfois utilisé dans la rédaction de certaines clauses d’agrément.

La Cour de cassation a donc du, dans le silence des textes, l’assimiler au terme d’ayant -cause pour permettre le jeu d’une clause d’agrément – Cass.com., 5 avril 2018, n° 16-18.097.

L’ayant-cause est ainsi celui qui a acquis un droit ou une obligation de son auteur : un légataire à titre particulier ou un légataire à titre universel se trouve alors visé par le terme d’ayant-droit et pourrait être soumis, à ce titre, à l’agrément des associés en fonction de la rédaction de la clause.

Dans le même ordre d’idée, que signifie le terme d’héritier dans une clause d’agrément ?

Si ce terme désigne exclusivement les héritiers visés comme tels par le Code civil, cela ne permet pas d’y intégrer des légataires identifiés dans un testament.

De même, une clause d’agrément qui indiquerait que les associés en ligne directe de l’associé pré-décédé deviennent associés sous réserve d’un agrément n’englobera pas tous les héritiers ab intestat et ne concernera pas le conjoint survivant – Cass. com, 6 novembre 2012, n° 11-25-058.

On le voit la plume du rédacteur se doit d’être claire.

La clause d’agrément peut certes être un outil pour permettre à nos clients de maitriser les transmissions successorales. Elle suppose néanmoins que l’on réfléchisse en amont à son articulation avec le droit des successions pour éviter que les incertitudes sur son interprétation mettent en échec son fonctionnement et perturbent la vie sociale de la société.

Et si le gage immobilier m’était conté…

A première vue, cette sûreté réelle immobilière ressemble aux autres …

Objet de dispositions légales, insérées aux articles 2387 et suivants du Code civil, elle permet de garantir des dettes présentes ou futures du débiteur, ou même d’un tiers. Et, ce gage, peut grever tout droit réel quel qu’en soit sa nature – droit de propriété immobilière, démembrements, droits réels nés des baux à construction ou emphytéotique.

Mais, à l’analyse, cette sûreté immobilière est bien différente des autres….

Par nature, le gage immobilier est une sûreté emportant dépossession : la possession du bien ou du droit gagé est transférée entre les mains du créancier .

Le créancier a alors un droit de rétention doté d’une force particulière et opposable à la procédure collective.

Il détient alors la possession matérielle d’un bien ou d’un droit immobilier jusqu’au complet paiement de sa créance. Il en a la jouissance et en perçoit donc aussi les fruits à charge de les imputer sur les intérêts puis sur le capital de la dette – article 2389 du Code civil.

En cas de non paiement, il conservera les biens ou les droits de son débiteur et leurs fruits, tant que la créance garantie n’est pas payée. Mais, il ne pourra s’enrichir en réalisant sa sûreté : il aura droit au paiement de sa seule créance.

Le créancier rétenteur est donc titulaire d’un pouvoir de blocage sur le bien : s’il détient en gage des actifs stratégiques, il a un pouvoir redoutable et redouté.

Le créancier bénéficiaire d’un gage immobilier détient une sûreté efficace et le droit des procédures collectives s’en ai fait l’écho.

C’est là, l’essentiel : on ne peut jauger de l’efficacité de la sureté choisie sans analyser son efficience face à la procédure collective du débiteur.

Et, là ou d’autres suretés immobilières sont faiblardes, le gage immobilier révèle sa résistance pour le créancier gagiste.

Quel autre créancier, titulaire d’une sûreté réelle immobilière, peut se faire payer de la totalité de sa créance à la liquidation – article L.642-20-1 du Code de commerce aL. 1 et 3 – ou en présence d’un plan de cession – article L.642-12 du Code de commerce- car, son droit de rétention se reporte sur l’intégralité du prix de cession ? Aucun, sauf le créancier gagiste.

Quel autre créancier, titulaire d’une sûreté réelle immobilière, peut pendant la période d’observation, être payé de sa créance par le retrait contre paiement du bien retenu ? Aucun, sauf le créancier gagiste.

Quel autre créancier, titulaire d’une sureté réelle immobilière, peut continuer à percevoir les fruits du bien alors même que le débiteur est en procédure collective ? Aucun sauf le créancier gagiste.

Mais, alors pourquoi donc l’ancienne antichrèse modernisée par le Code civil sous couvert du gage immobilier, demeure t-elle, dans la pratique, d’une utilisation pour le moins confidentielle?

Peut être parce que le créancier n’a pas vocation à détenir un immeuble…

Certes, mais le législateur l’a bien compris.

L’article 2390 du Code civil, permet au « créancier (…), sans (en) perdre la possession, (de) donner l’immeuble à bail, soit à un tiers, soit au débiteur lui-même ». L’idée de l’antichrèse-bail, née de la pratique, est ainsi consacrée.

Le créancier disposant de la jouissance de l’immeuble peut le louer à son débiteur ou à un tiers et se décharger sur celui-ci des obligations d’entretien et de conservation de l’immeuble.

Cette faculté est sans incidence sur l’exercice de son droit de rétention : le créancier ne se dessaisit pas de son droit de gage, ni du bien ou du droit grevé.

Le débiteur ne peut d’ailleurs lui réclamer la restitution de l’immeuble ou du droit réel “avant l’entier acquittement de sa dette” – article 2391 du Code civil.

Le gage immobilier n’a plus rien de désuet : son modèle économique se défend.

Il ne peut, d’ailleurs pas, demeurer une pure hypothèse théorique de sûreté immobilière avec dépossession.

Cette sûreté est l’une des meilleures garanties immobilières , si ce n’est la meilleure, que connaisse le droit français, dans la mesure où son efficacité est préservée, y compris, en cas de procédure collective.

Enfin, le moindre coût du gage immobilier est un atout majeur.

En effet, si le gage immobilier est une clause du contrat de prêt, il n’est pas soumis à la taxe de publicité foncière mais simplement au salaire du conservateur – O,10% du principal garanti- lors de sa publication et lors de sa radiation et à un droit fixe d’enregistrement de 125 Euros. Il présente alors, par rapport, à l’hypothèque une économie de cout non négligeable.

Le gage immobilier, est donc une sûreté plus efficace et bien moins onéreuse que l’hypothèque.

Il offre aux prêteurs une solution incomparable : il élude purement et simplement le concours avec d’autres créanciers privilégiés, voir super-privilégiés !

Le gage immobilier ne peut demeurer dans l’ombre de l’hypothèque.

Le souhait est ainsi formé d’apprivoiser cette sûreté et de l’utiliser pour qu’elle ne demeure pas lettre morte dans la pratique notariale.

Le nantissement de créances notifié : une sûreté toujours aussi efficace !!

La guerre entre deux créanciers, dont la banque, bénéficiaire d’un nantissement sur créances vient d’être gagnée par celle-ci et ce, à l’encontre d’un créancier, par nature privilégié : l’administration fiscale.

Ainsi, à l’aune d’une décision du 2 juillet 2020 – pourvois n°19-11417/ 19-13636 – , la Cour de cassation affirme avec force que le créancier bénéficiaire d’un nantissement sur un contrat d’assurance vie “dispose d’un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés”.

Dès lors, l’avis à tiers détenteur, émis par l’administration fiscale, sur les créances, est voué à l’échec : elles ne peuvent être ainsi appréhendées.

La faculté de rachat est transférée du souscripteur à la banque, créancière nantie. Celle-ci est la seule à pouvoir disposer de cette créance.

Le principe est posé par l’article 2363 du Code civil : le créancier nanti, après notification, reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement.  

Clairement, cette sûreté est un gage de sécurité juridique pour son bénéficiaire.

A l’analyse, ce droit exclusif au paiement du créancier nanti, institué par l’article 2363 du Code civil, a les effets d’un droit de rétention.

Dès la notification, la créance appartient temporairement au créancier nanti  : cette propriété “fiduciaire” se transforme alors en pleine propriété en cas de défaillance du débiteur cédé.

C’est par la notification et, non par l’acte de nantissement, que le constituant se dépossède de sa créance et qu’ainsi,  le débiteur change de créancier, dans l’attente du remboursement de la dette nantie.

A notre sens, si le droit positif confère au créancier nanti un tel droit,  l’efficacité du nantissement de créances notifié est inaltérable.

Dans une décision déjà ancienne, la Chambre Commerciale juge le le 26 mai 2010 – n° 09-13388 -, le nantissement de créances de loyers efficient; alors même que le constituant est en procédure collective.

Les loyers sont, pendant la procédure de redressement, entre les mains du prêteur, créancier nanti et non entre les mains des organes de la procédure.  

Et, seul le prêteur, créancier nanti, peut prétendre au paiement de sa créance sur les loyers. Ils pourront ainsi lui être versés jusqu’à complet remboursement de celle-ci.

La Cour de cassation applique en réalité, à la lettre, l’article 2363 du Code civil : « après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu’en intérêts ».

Les incidences de la notification sont donc considérables : le nantissement de créances devient, par cette modalité, une véritable propriété-sûreté.

La décision de la deuxième Chambre Civile du 2 juillet 2020 se fait l’écho de la voie ainsi tracée il y a dix ans, par cette décision du 26 mai en 2010.

Le message est limpide : la notification emporte transfert de la créance du patrimoine du constituant vers celui du créancier nanti, rétenteur de la créance.

Celui-ci est  alors « rempli dans ses droits » et en reçoit, seul, valablement le paiement.

Et, si le débiteur cédé paie le constituant, malgré la notification, il aura mal payé. Il sera alors tenu de payer à nouveau et, cette fois, le créancier nanti : son paiement au constituant n’aura pas été libératoire.

Le nantissement notifié trouve alors, en ce droit exclusif au paiement, qui permet de retenir la créance, toute sa force.

Les incidences de la notification, par le jeu de l’article 2363 du Code civil, sont donc considérables : le nantissement de créances devient, par cette modalité, une véritable propriété-sûreté.

Pourtant, à la simple lecture de l’article 2362 du Code civil, les effets de la notification ne sont pas si clairs.

Cet article indique : « pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le nantissement de créance doit lui être notifié ou ce dernier doit intervenir à l’acte. À défaut, seul le constituant reçoit valablement paiement de la créance ».

La notification ou l’intervention à l’acte sont les formes possibles d’opposabilité de la créance au débiteur nanti : chacune d’elle réalise l’équivalent d’une mise en possession.

La notification aurait donc, pour seul effet, de rendre le nantissement opposable au débiteur de la créance nantie : à compter de sa date, le débiteur cédé sera valablement libéré de sa dette, au titre des créances concernées, entre les mains du créancier nanti ou, le cas échéant, entre celles de l’agent des sûretés

Mais, la lecture combinée de l’article 2362 et 2363 du Code civil entend ne pas limiter les effets de la notification à la seule opposabilité aux tiers.

La notification d’un nantissement valablement constitué donne à son bénéficiaire un droit exclusif : celui d’être payé de sa créance sur les sommes grevées, sans craindre le concours d’autres créanciers poursuivants.

Le créancier nanti est alors hors concours.

D’ailleurs le droit des assurances en son article L.132-10 du Code des assurances ouvre expressément le rachat des créances au créancier nanti et ce, nonobstant l’acceptation du bénéficiaire.

Les lendemains du nantissement de créances notifié sont donc toujours prometteurs – dans l’attente de la nouvelle réforme des sûretés initiée par la loi PACTE- pour le créancier nanti, quelle que soit la nature de la créance ainsi grevée.

Gageons que la pratique notariale s’en saisisse…

Le nantissement de créances authentique peut être utilisé comme une alternative peu couteuse pour le débiteur et efficiente pour son bénéficiaire.

L’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation : la seule notification de l’acte à l’acquéreur, sans lettre explicative, est régulière.

L’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation propose au contractant non professionnel, indépendamment de la qualité du vendeur, de revenir sur son engagement en présence d’un avant contrat, par le biais d’un délai de rétractation ou, en l’absence d’avant-contrat, par la voie du délai de réflexion.

Bien des questions se posent et se sont posées sur cette disposition légale à propos de son champ d’application, de la forme de la notification, de la qualité professionnel de l’acquéreur ou des modalités d’exercice de ce droit…

La dernière décision rendue à son propos est celle de la troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation du 9 juillet 2020 : elle se penche sur le contenu de la lettre de notification.

Suivant les termes mêmes de l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation, l’acte objet du droit de rétractation doit être “notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise (…)”.

La loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 précise simplement que dans les actes ou projet d’actes notifiés, seront rédigées de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions et aux modalités d’exercice du droit de rétractation ou de réflexion.

Le législateur appelle à une rédaction plus claire et plus pédagogique des clauses des actes relatives à l’exercice de ces droits.

En réalité, ce qui doit être notifié, lors de l’exercice du délai de rétractation, c’est l’acte signé par les parties.

S’agissant du délai de réflexion, c’est le projet d’acte qui est notifié : c’est un préalable indispensable à l’engagement éclairé des acquéreurs. Sa parfaite connaissance leur permet, de prendre ou non, la décision définitive d’acquérir.

La notification de l’acte a une finalité : porter à la connaissance des intéressés l’acte signé et ses annexes qui, par nature, font parties intégrantes de celui-ci.

En effet, l’acquéreur est censé réfléchir non seulement à son acquisition et aux conséquences de son financement mais aussi aux risques de cet achat en fonction de l’état de l’immeuble; risques qui lui sont communiqués par le biais des diagnostics techniques annexés à l’acte.

Mais en elle même, la notification de l’acte doit elle être accompagnée d’une lettre attirant l’attention de l’acquéreur sur sa faculté de rétractation dans le délai de dix jours?

Rien n’est moins sur.

La Haute juridiction estime que la simple notification de l’acte sans lettre d’accompagnement est suffisante.

Une lecture exégétique de l’article L.271-1 du Code de construction et de l’Habitation montre qu’il n’est pas exigé une lettre de notification accompagnant la copie de l’avant-contrat signé.

Il suffit alors que soit explicité, dans le compromis de vente notifié à l’acquéreur, le droit de rétractation reconnu à tout acquéreur non-professionnel.

Si l’acte adressé à l’acheteur précise les modalités d’exercice du droit de rétractation de l’acquéreur, aucune autre information n’est nécessaire dans la notification.

La Cour d’Appel ne l’entend pas ainsi : la notification s’accompagne d’une lettre explicative.

En son absence, elle en déduit l’irrégularité de la notification. Le délai n’a ainsi pas commencé à courir et l’acquéreur peut encore se rétracter.

Mais ce raisonnement ne convainc pas les juges de droit: il suffit, que soit explicité, dans l’acte, notifié à l’acquéreur, le droit de rétractation pour que la notification soit régulière.

Fait donc courir le délai de rétractation, la notification de la promesse synallagmatique de vente ouvrant droit à rétractation contenant une copie de l’acte sous seing privé de vente indiquant, dans une clause intitulée « droit de rétractation », les modalités d’exercice de ce droit.

Il est alors inutile de compléter cet envoi, par une lettre de notification, attirant l’attention de l’acquéreur sur sa faculté de rétractation dans un délai déterminé.

En effet, la lettre accompagnant la notification, est une condition de forme absente de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation

La Haute juridiction n’entend pas ajouter une condition supplémentaire à la notification prévue par l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation

Cette position récente vient conforter une jurisprudence antérieure de la troisième Chambre civile.

Ainsi, ajoute à l’exigence légale de notification, la Cour d’Appel qui retient que le délai de rétractation n’a pas couru au motif que la lettre recommandée ne faisait aucune référence à la faculté de rétractation ouverte aux acquéreurs – Cassation civile 3, 17 novembre 2010, n° 19.17.297, Bulletin. civil, III, n° 206 . Ce principe est réaffirmé dans une décision du 2 juin 2016 – Cassation civile 3, 2 juin 2016, n° 15-17.833. La Haute juridiction estime ici que l’agence immobilière n’est pas tenue de mentionner, dans la lettre de notification, la faculté de rétractation des acquéreurs : en l’occurrence, il s’agissait d’acquéreurs belges prétendant ignorer le régime du droit de rétractation…

Ainsi, le régime juridique du contenu de la lettre de notification semble être construit.

Celle-ci sera régulière même si le contenu de la notification se limite, sans plus amples explications, à l’acte et à ses annexes.

Cette précision allège un peu le formalisme légal de l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation.

Ce texte, d’ordre public de protection, doit protéger l’acquéreur d’un engagement irréfléchi.

Il ne doit certainement pas devenir une arme utilisée contre le vendeur et permettant à un acquéreur de soulever toutes les irrégularités imaginables pour parvenir, alors que les délais sont écoulés, à renoncer valablement à son acquisition et à retrouver, en fonction de la promesse signée, son indemnité d’immobilisation ou son dépôt de garantie.

Contrat de séparation de biens et obligation de contribution aux charges du mariage : une obligation d’ordre public

Lors de la liquidation d’un régime séparatiste, les praticiens sont bien souvent confrontés à des conjoints qui paient plus que leur proportion et rétribuent la part de l’autre époux, d’une manière plus ou moins significative.

Et, certains époux, vont solliciter le remboursement d’une créance, estimant avoir financé plus que de raison la vie maritale et, avoir largement dépassé leur contribution aux charges du mariage.

Face à une telle demande, les seuls textes du code civil sont insuffisants pour guider le praticien.

Et, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a, pas à pas, poser avec cohérence, les règles en la matière.

Dernièrement, dans une décision du 13 mai 2020 , la Cour de cassation affirme qu’aucune convention peut dispenser les époux de leur obligation de contribuer aux charges du mariage.

En l’espèce, le contrat de séparation de biens insérait une clause fréquemment utilisée dans ce type de contrat de mariage suivant laquelle “chacun des époux sera réputé s’être acquitté, jour par jour, de sa part contributive aux charges du mariage”.

Par principe, les charges du mariage doivent être assumées par les époux « à proportion de leurs facultés respectives » (art. 214  du code civil).

Elles comprennent les dépenses indispensables de logement, de nourriture, de vêtements et de transports, mais également les frais d’entretien et d’éducation des enfants communs.

Toutefois, il est loisible aux époux de prévoir, dans leur contrat de mariage, une clause prévoyant une répartition différente.

Pourront aussi être précisées dans l’acte certaines dépenses autres considérées, par les parties, comme relevant de la contribution aux charges du mariage.

Ces clauses visent le plus souvent le remboursement des mensualités de l’emprunt souscrit pour acquérir le logement familial ou, plus généralement, toutes les dépenses financées par l’un des époux à l’aide de ses deniers personnels concernant ledit logement ou tout autre bien acheté en indivision.

L’objectif est d’éviter ainsi, dans la mesure du possible, le contentieux récurrent des créances entre époux, rencontré en cas de divorce, dans la liquidation des régimes séparatistes.

Cette clause dite de “présomption de contribution aux charges du mariage” a donné lieu à un contentieux abondant.

Depuis une décision du 25 septembre 2013 (N°12-21.892), la haute juridiction est venue préciser qu’il s’agissait d’une présomption irréfragable interdisant tout recours d’un époux estimant avoir contribué plus que de raison aux charges du mariage.

Néanmoins, cet arrêt a été le premier d’une longue série de décisions précisant les effets de cette présomption : son caractère irréfragable n’empêche pas l’époux de rapporter la preuve contraire même si, celle-ci s’avère délicate. En effet, c’est aux juges du fond d’apprécier la portée exacte de cette clause, en fonction de la volonté des parties et des circonstances de chaque espèce.

Ainsi cette clause laisse la possibilité à celui qui estime avoir trop payé de le prouver mais lui interdit d’invoquer le fait que le conjoint à la place duquel il aurait payé n’a pas assez contribué aux charges (Civile, 1ère 7 février 2018 n° 17-13.276; 11 avril 2018, n° 17-17.457; 5 décembre 2018, 18-10.488). Le fait que la contribution soit excessive et ait excédé ses facultés contributives empêche en réalité la qualification de charges du mariage et permet à l’époux d’être remboursé. A l’inverse si le financement n’a pas excédé ses facultés, il relève de la contribution aux charges du mariage et aucune indemnité compensatrice ne pourra être réclamée (Civile, 1ère 7 février 2018) .

Mais la décision du 13 mai dernier portait sur une question nouvelle : la présence de cette clause empêche t-elle l’un des époux à contraindre l’autre à exécuter cette obligation ?

La réponse de la Haute juridiction est sans appel : la contribution aux charges du mariage est d’ordre public.

Peu importe la modalité de répartition de ces charges entre les époux, l’essentiel est de contribuer.

C’est exactement la règle édictée par l’article 214 du Code civil : la détermination des proportions de cette contribution relève de la loi sauf si les époux en décident autrement.

Toute répartition contributive est donc licite. C’est l’absence de contribution qui est illégale.

Et, cette obligation demeure lors d’une séparation de fait des époux et lors de l’instance en divorce. C’est d’ailleurs, depuis le 1er septembre 2020, au juge de la mise en état de décider de la durée maximale de la contribution aux charges du mariage, partie intégrante des mesures provisoires, en cas de divorce contentieux.

Dès lors, il est essentiel, lors de la rédaction des contrats de séparation de biens, de préciser aux époux les conséquences d’une clause de présomption de contribution aux charges du mariage et d’en préciser les contours : cette clause convient certainement pour les dépenses ordinaires et courantes mais elle peut devenir redoutable en présence d’autres dépenses, de nature différente, tel que l’acquisition d’un bien immobilier.

Au surplus, elle ne permet pas de s’abstenir de contribuer aux charges du mariage, obligation d’ordre public jusqu’au terme du lien marital.

De quelques précisions récentes apportées à l’article L.145-46-1 du Code de commerce, par le droit positif.

Lors d’une vente d’un local commercial, la mise en œuvre de la purge du droit de préférence de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, est loin  d’être  évidente pour le praticien.

Mais pas à pas, le droit positif nous aide et donne, à notre pratique, un éclairage utile dans l’application de cette disposition d’ordre public.

Ainsi, dans une décision du 3 mars 2020 (n° 18/18662), la Cour d’Appel d’Aix en Provence rappelle au preneur ses obligations :  il dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer sur l’acquisition et, s’il accepte l’offre, dispose de deux mois pour la réalisation de la vente, délai porté à quatre mois s’il recourt à un prêt.

En revanche, si, à l’expiration de ce délai, la vente n’est pas réalisée, son acceptation de l’offre de vente est sans effet : il perd donc la possibilité d’acquérir le local commercial.

Dès lors, un preneur ne peut obtenir judiciairement une prorogation de délai lorsqu’il est défaillant dans la réitération de l’acte authentique au terme des délais légaux :  du fait de son absence de diligence dans le processus contractuel, la vente est alors parfaite au profit du tiers acquéreur.

Ce tiers acquéreur, par le jeu des dérogations légales, peut néanmoins acquérir le local sans risquer la mise en oeuvre du droit de préférence par le locataire. 

Ainsi, l’article L.146-41-1 du Code de commerce n’est pas applicable “en cas de cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial. Il n’est pas non plus applicable à la cession globale d’un immeuble comportant des locaux commerciaux ou à la cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint”.

Ces exceptions autorisent le notaire à passer la vente au profit de l’acquéreur sans purger le droit de préférence du preneur en place.

Mais pour instruire notre pratique, les juges prennent alors  le relais quant à l’interprétation des exceptions légales.

Lorsque la vente d’un immeuble comprend un seul local commercial (questions n° 92592 et n° 98594, JOANQ 26 janvier 2016 et  JOANQ 30 août 2016), deux réponses ministérielles indiquaient que «permettre au locataire d’exercer son droit  de  préférence sur l’ensemble immobilier vendu constituerait une extension de ce droit limité par la loi au seul local commercial où il exerce son activité»

Ces réponses ne lient pas le juge mais,  pas à pas, la Haute Juridiction nous guide répondant ainsi à certaines de nos interrogations quant au champ d’application de ces différentes exceptions

Dans une première décision du 17 mai 2018 – n° 17-16.113-, les juges de droit considèrent que lorsque l’assiette du bail ne correspond pas au bien vendu et qu’il existe une différence de surface entre eux, il n’est pas nécessaire de purger le droit de préférence : il s’agit là de la cession globale d’un immeuble comportant des locaux commerciaux.

Ainsi, la cession dite “globale” porte  sur un ensemble plus vaste que les seuls lieux loués.

Cette interprétation  rejoint un principe acquis, à propos du pacte de préférence conventionnel de l’article 1123 du Code civil  : le bailleur n’est pas tenu de diviser son immeuble afin de purger le droit de préférence de son preneur. Celui-ci préempte le bien loué, uniquement, si le seul bien mis en vente est le local loué  – Civ. 3e, 9 avr. 2014, n° 13-13.949.

Dans une décision récente, les juges du fond se sont à nouveau penchés sur une des exceptions de l’article L.145-46-1 du Code de commerce : celle de la  “cession unique de locaux commerciaux distincts”.

Ces derniers doivent ils avoir fait l’objet d’une division matérielle et/ou juridique ?

La cour d’Appel de Paris, dans une décision du 20 mai 2020 – CA Paris, n° 18/24248- répond à cette interrogation . En l’espèce la société civile, propriétaire d’un local loué par deux baux commerciaux distincts vend son lot de copropriété. Le local mis en vente, situé en rez de chaussée, abritait deux preneurs différents,  partagés par une simple cloison. L’un deux sollicite alors la nullité de la vente conclue en violation de son droit de préférence. 

Pour autant, il est relevé l’existence de locaux distincts : ceux-ci ont deux entrées différentes et sont séparés par une cloison.

Cette simple division matérielle marque la présence de plusieurs locaux et la purge du droit de préférence n’a pas lieu d’être.

Il n’était donc pas nécessaire de créer deux nouveaux lots de copropriété pour que le local soit définis comme “des locaux commerciaux distincts”.

Cette précision est d’importance : il importe peu au final que la division matérielle du lot soit suivi  d’une division juridique.

La cession à un même, acquéreur d’un lot de copropriété loué à deux preneurs à bail commercial est donc une cession unique de locaux commerciaux distincts.

A ce titre, elle échappe à l’application de l’article L.145-46-1 du Code de commerce.

Ainsi s’il est évident que cette exception vise à écarter le droit de préférence lorsque la vente porte sur un portefeuille de locaux commerciaux, quelle que soit leur situation géographique exacte.

Celui-ci est aussi écarter par la présence dans un même local de deux preneurs, séparés par une cloison.

Ces différentes décision en témoignent :  le droit positif pallie nos incertitudes dans un domaine où la loi aurait mérité plus de clarté.

Vente de terrain à bâtir par une personne physique : à quel moment devient-elle une commercialisation active soumise à la TVA ?

La réponse à cette question, récurrente dans notre pratique notariale, se trouve dans la décision du Conseil d’Etat du 9 juin 2020 (n° 432596).

La vente de terrains à bâtir, qui procède de démarches actives de commercialisation foncière, par une personne physique, sera soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Ne le sera pas, la vente consistant en la simple gestion d’un patrimoine privé.

C’est ici, l’exacte application de l’article 256 A du Code général des impôts, combiné avec l’article 257 du même code afférent aux immeubles.

D’après la doctrine fiscale, un particulier qui cède des terrains à bâtir recueillis par succession ou donation, ou acquis pour son usage privé, est présumé ne pas réaliser une activité économique.

Peu importe, le nombre de parcelles vendues, la durée sur laquelle s’étaleront les opérations, l’importance des recettes ou le fait que cette opération soit précédée d’un lotissement parcellaire du terrain. Tel est le cas, pour exemple, lorsque le cédant vend par lui-même des lots viabilisés lui appartenant et dont l’aménagement est réalisé par un professionnel, lui-même rémunéré par l’un des terrains.

En revanche, lorsqu’il est prouvé par un faisceau d’indices que le cédant entre dans une démarche active de commercialisation foncière, qu’il acquiert les biens au delà d’une pure démarche patrimoniale ou en mobilisant des moyens de manière à concurrencer les professionnels : c’est une commercialisation foncière entrainant l’application de la taxe sur la valeur ajoutée.

Ainsi, le fait de confier la vente d’un terrain à un notaire ou une agence immobilière, ne constitue pas, une démarche active de commercialisation.

Mais, il en va autrement, lorsque le cédant engage des moyens importants : c’est le cas de la mise en place de bureaux de vente qui laisserait entendre une démarche concurrentielle par rapport aux professionnels du secteur.

En réalité, c’est une question de fait.

L’administration fiscale utilise la même méthode que celle destinée à définir l’activité de marchands de biens (CAA Paris, 2 février 2016, n° 15PA01551): la méthode du faisceau d’indices qui conduit à déterminer, par l’utilisation de différents critères factuels, si le cédant agit ou non à titre privé, dans le cadre de la gestion de son patrimoine.

Lorsque les ventes réalisées résultent de la simple propriété du bien et ne constituent pas la contrepartie d’une activité économique, la taxe sur la valeur ajoutée n’est pas applicable.

Tel est le cas lorsque l’immeuble litigieux est acquis dans une pure démarche patrimoniale, avec comme finalité, la valorisation de la propriété immobilière, sans utiliser de moyens pour entrer en concurrence avec les professionnels du secteur immobilier.

Une telle opération occasionnelle est une démarche patrimoniale et ce, peu importe, que l’immeuble soit acquis puis revendu rapidement (CA de Douai, 20 septembre 2018, n° 17/02071).

De la même manière, la commercialisation de terrains, reçus par donation est une gestion privée de patrimoine immobilier, en l’absence de moyens commerciaux utilisés par les professionnels de la vente immobilière (CAA de Bordeaux, 20 mai 2020, n° 18BX01002).

Dans la décision du 9 juin dernier, le requérant est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la cession, en 2011 et 2012, de dix-huit parcelles de terrain à bâtir préalablement aménagées. Pour le Conseil d’État, de tels travaux ne sont pas de la simple gestion d’un patrimoine privé, mais caractérisent l’existence de démarches actives de commercialisation, comparables à celles d’un professionnel : la vente est donc soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

Dès lors, caractérise une démarche active de commercialisation foncière, la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en oeuvre de moyens de commercialisation professionnel, similaires à ceux déployés par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services.

Il ne s’agissait donc pas de livraisons de terrains à bâtir ou d’immeubles neufs réalisés, à titre occasionnel, dans l’exercice du droit de propriété.

D’ailleurs, ce sont les critères de la Cour de Justice de l’Union européenne qui sont repris dans cette décision du Conseil d’Etat (CJUE, 15 septembre 2011, aff. C-180-10) : elle a ainsi jugé qu’une personne physique, exerçant une activité agricole, n’est pas assujettie à la TVA lorsqu’elle revend un terrain, requalifié indépendamment de sa volonté, de terrain constructible.

Il s’agit ici du simple exercice du droit de propriété par son titulaire.

La frontière entre commercialisation foncière et gestion du patrimoine privé est parfois ténue et toujours factuelle

La valorisation de la propriété immobilière peut donc prendre plusieurs formes dont il sera déduit une fiscalité propre.

Il nous appartient d’informer et d’éclairer nos clients sur les incidences fiscales de l’acte de vente.

Et, en amont, au delà de la lecture statique des textes, la décision du Conseil d’Etat nous invite à analyser la démarche du cédant.

De deux choses l’une :

Soit, le cédant est dans une pure démarche patrimoniale de valorisation de sa propriété immobilière sans objectif économique d’entreprise et, il s’agit d’une opération de gestion de patrimoine.

Soit, il en va autrement par le recours à des moyens d’envergure pour une simple opération de gestion de patrimoine (telle que la mise en concurrence avec des professionnels de l’immobilier) : l’opération se démarque alors d’une vente classique et il s’agit d’une commercialisation foncière soumise de ce fait à la taxe sur la valeur ajoutée.