La Cour de cassation s’est prononcée, pour la première fois depuis sa consécration légale, sur la nature de la purge amiable.
Mais, pour échapper à la procédure de purge forcée, la pratique notariale a imaginé une purge amiable, bien avant l’entrée en vigueur de la réforme du droit des sûretés par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, ordonnance qui lui a donné son assise légale.
Sa technique est simple : elle consiste en une répartition amiable du prix de vente de l’immeuble grevé d’inscriptions entre les créanciers inscrits et ce, au plus tard le jour de la signature de l’acte de vente et donc du paiement du prix par l’acquéreur.
Cette pratique use d’une clause connue de notre profession : la clause de nantissement séquestre. Elle permet d ‘assurer en toute sécurité le paiement des créanciers inscrits. Le prix de vente de l’immeuble est remis entre les mains du notaire, en sa qualité de séquestre, mandaté par le vendeur pour désintéresser les créanciers inscrits. Il devient ainsi indisponible à concurrence des sommes restant dues aux créanciers inscrits, dans la limite des montants garantis par les inscriptions et des frais liés aux opérations de mainlevée et de radiation.
Ce montage a été parfois mis à mal par la Haute Juridiction : elle estimait que le prix de vente de l’immeuble était, de plein droit, affecté au paiement des créanciers inscrits – Civ. 2ème, 15 janvier 1992, n° 90-18.206; Civ. 3ème , 8 janvier 1980, n° 78-13.257.
Tel n’est cependant pas le cas d’une vente classique.
Les acquisitions emportant purge de plein droit sont, en revanche, énumérées par des textes spécifiques : il s’agit, entre autres, d’une acquisition suite à une ordonnance d’expropriation – articles L.222-2 et L.222-3 du code de l’expropriation- , d’une vente sur saisie -article L.322-14 du code des procédures civiles d’exécution- ou d’une adjudication judiciaire ou amiable en cas de liquidation judiciaire – article L.642-18 alinea 2 et 3 du code de commerce.
Puis, les juges de droit reconnaissent qu’en l’absence de dispositions conventionnelles, les créanciers inscrits sur l’immeuble ne bénéficient d’aucun droit de préférence sur le prix de vente de l’immeuble grevé – Civil, 3ème, 8 février 2018, n° 16-27.941.
Par conséquent, à défaut d’autorisation expresse en ce sens, le notaire ne peut se dessaisir du prix de vente au bénéfice des créanciers privilégiés et hypothécaires. Ces derniers conservent en revanche, à défaut de mainlevée de leurs inscriptions, leur droit de suite sur l’immeuble à hauteur des inscriptions nées du chef du vendeur.
La pratique notariale, par son imagination, a adopté un montage purement conventionnel permettant ainsi d’obtenir des effets similaires à la purge amiable actuelle.
Cette pratique a donc été entériné par la réforme des sûretés à l’article 2475 du Code civil : “lorsque, à l’occasion de la vente d’un immeuble hypothéqué, tous les créanciers inscrits conviennent avec le débiteur que le prix en sera affecté au paiement total ou partiel de leurs créances ou de certaines d’entre elles, ils exercent leur droit de préférence sur le prix et ils peuvent l’opposer à tout cessionnaire comme à tout créancier saisissant de la créance de prix”.
Sans passer par les voies d’exécution, le créancier peut bénéficier de la purge amiable lors de la vente de l’immeuble, si le vendeur en fait la demande et s’il donne son accord. Le créancier, aura tendance à accepter cette proposition lorsque le prix de vente permet qu’il soit désintéressé.
L’immeuble sera donc libéré de ses inscriptions par le paiement convenu aux créanciers inscrits.
Mais cette procédure conserve une nature purement conventionnelle : elle suppose au préalable un accord entre le ou les créancier (s) inscrit (s) et le débiteur.
Cet accord est le seul à permettre la mise en oeuvre d’une telle procédure.
Les parties ont intérêt à privilégier cette purge amiable : elle facilite l’exercice des droits des créanciers inscrits et permet au vendeur d’obtenir rapidement la part du prix de vente qui lui revient.
Mais faisant fi des avantages certains d’une telle procédure, les vendeurs décident – dans cette décision du 5 mars 2020 – de refuser de procéder à la purge amiable des inscriptions sur l’immeuble; alors même que le créancier a donné son accord.
Ils sont cependant condamnés en appel : les juridictions du fond estiment leur refus illégitime.
Puis, les juges de droit cassent l’arrêt d’appel et se prononcent, pour la première fois depuis la consécration légale de la purge amiable, sur son caractère facultatif.
Ainsi la procédure de purge amiable est aussi bien facultative pour le créancier que pour le vendeur. Si l’un deux la refuse, la purge sera réalisée autrement et de manière “plus brutale” : c’est la purge “forcée” de l’article 2478 du Code civil qui, à ce jour, est une procédure subsidiaire dans la pratique et dans la loi.
Il est donc dommageable tant pour le vendeur que pour le créancier que la purge amiable puisse se solder par un échec.
Mais, il est aussi de notre devoir d’inciter les parties à trouver un accord et à adopter cette procédure de purge. A défaut, il nous est impossible d’y procéder : sans l’accord du créancier et du vendeur, le notaire ne peut la mettre en oeuvre – Civ., 8 février 2018, n° 16-27.941.
La purge amiable est certes conventionnelle et donc facultative mais il nous appartient d’emporter la conviction du vendeur, pour qu’il l’adopte, dans son intérêt et, si le créancier, donne son accord.