Libres propos sur le droit de préférence légal,d’ordre public,du preneur d’un local à usage commercial

L’article L. 145-46-1 du code de commerce, création de la loi “Pinel” n° 2014-626, instaure le 18 juin 2014 un droit de préférence légal au profit du preneur d’un local à usage commercial.

Il a immédiatement été source de difficultés nombreuses pour les praticiens dont, celle de son application dans le temps et celle de sa nature : cette disposition est -elle d’ordre public ou supplétive de volonté ?

Considéré, par certains, comme supplétif et non applicable aux baux en cours, l’idée était née d’appliquer cette disposition uniquement aux baux signés après l’entrée en vigueur de la loi “Pinel” soit, après le 18 décembre 2014 et d’insérer des clauses de renonciation à ce droit et donc de l’exclure, dès la conclusion du bail; alors même, que la cession de l’immeuble n’était pas d’actualité au jour de la signature de celui-ci.

Les juges du fond et de droit sont venus mettre de l’ordre entre ces différents points de vue

Dans une décision du 28 juin 2018 – n° 17-14.605.-, la Haute Juridiction affirme, avec conviction, la nature d’ordre public du droit de préférence du preneur d’un local à usage commercial, institué par l’article L.145-46-1 du Code de commerce. Depuis, cet arrêt, le débat sur ce point précis, semble clos : les juges de droit comblent les lacunes de la loi et qualifient un texte d’ordre public alors qu’il n’est pas érigé comme tel, par le législateur.

Néanmoins, avant même cette décision, les rédacteurs d’actes ne se risquaient pas à passer une vente d’un local à usage commercial loué sans, en amont, avoir notifié au preneur à bail une offre de vente tel que l’indique l’article L.145-46- 1 du Code de commerce ; et donc purger son droit de préférence légal.

La prudence était donc de mise.

En effet, la pratique considérait logique de comprendre, dans le silence de la loi, que si le législateur s’était pris la peine d’insérer un droit de préférence légal, c’était, comme pour les autres droits de préemption, pour qu’il soit d’ordre public.

Mais de quel ordre public parle t-on, de l’ordre public de direction ou celui de protection? La question est de prime abord d’importance : dans le premier cas , il est impossible d’y renoncer, dans le second, une fois le droit acquis par le titulaire, il est envisageable qu’il y renonce.

En toute logique, il s’agirait ici d’un ordre public de protection. Ce droit protège un intérêt particulier : il est institué pour pérenniser l’activité du preneur en lui donnant un droit de priorité sur l’acquisition d’un local, dans lequel il exerce souvent son activité, depuis un certain temps.

Ainsi, si ce droit revêt une telle nature, il sera nécessaire d’attendre la décision de vendre du bailleur pour éventuellement proposer au preneur, une fois son droit de préférence né, d’y renoncer.

A l’analyse, il est permis de douter de l’intérêt pratique de cette démarche qui permettrait, à tout le moins, de raccourcir le délai de réponse du preneur à l’offre de vente.

Qu’on se le tienne donc pour dit : aucune renonciation conventionnelle au droit de préférence légal ne peut faire l’objet d’une clause insérée dans un bail au jour de sa conclusion, même si il est précisé que le preneur a parfaitement conscience des effets de cette renonciation. La seule renonciation possible serait celle effectuée au moment où propriétaire envisage de vendre son local.

La renonciation à un droit d’ordre public de protection est impossible tant que ce droit n’est pas acquis et donc ici tant que le processus contractuel de vendre n’est pas entamé.

La Cour d’appel d’Aix en Provence, dans une décision du 3 mars 2020, vient de réaffirmer ce caractère d’ordre public de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, mettant ainsi ses pas dans ceux de la Cour de cassation.

Allant au delà de la seule question de la nature d’ordre public de ce droit, elle en déduit les conséquences, lorsque le preneur, ayant émis -suite à la purge de son droit – la volonté d’acquérir, est défaillant et ne réalise pas l’acquisition envisagée dans les délai légaux.

Appliquant l’alinéa 2 de l’article L.145-46-1 du Code qui donne au preneur un délai de deux mois pour la réalisation de la vente – délai porté à quatre mois s’il a recours à un prêt- et, constatant la défaillance des preneurs dans le délai imparti, les juges du fond déclarent la vente parfaite au profit du tiers bénéficiaire.

Ainsi, si la vente, du fait du preneur, ne se réalise pas dans les délais légaux, les juges dénient alors tout effet à ce droit de “priorité”.

En pratique, à défaut de réalisation de la vente par acte authentique dans un des deux délais précités, le bénéficiaire de l’article L.146-45- 1 du Code de commerce perd son droit de préférence légal, de son fait, et, l’acquéreur initial peut, le cas échéant, réaliser la vente à son profit.

Toutefois, même si ce droit de préférence légal est d’ordre public, rien n’empêche les praticiens, de prévoir, lors de la rédaction du bail, un pacte de préférence conventionnel tel qu’institué par l’article 1123 du Code civil et ce, au profit d’un bénéficiaire autre que le locataire.

Primera, bien entendu, le droit de préférence légal du locataire sur le pacte de préférence conventionnel. Mais en cas de refus d’acquérir de celui-ci, le bénéficiaire du pacte sera alors libre de l’acquérir. Et à défaut, l’acquéreur initial, bénéficiaire d’aucun droit ou pacte de préférence pourrait à son tour l’emporter….

Notre plume de rédacteur reste donc libre d’utiliser les règles du Code civil lorsque celles-ci peuvent vivre en harmonie avec des dispositions spéciales d’ordre public.

L’appel est là encore lancé à notre imagination et à notre faculté d’adaptation…


La conclusion d’un avant-contrat sur un bien inaliénable

La Haute juridiction vient de nous délivrer un message : un immeuble, frappé d’une clause d’inaliénabilité peut faire l’objet d’une promesse de vente ; laquelle se réalisera une fois l’inaliénabilité du bien levé. Qu’on se le tienne pour dit : le promettant peut donc disposer de son bien sous réserve de son aliénabilité future.

En d’autres termes, un avant-contrat demeure valable et la vente qui s’ensuit réalisable, à partir du moment où l’interdiction de disposer qui frappait l’acte au départ, disparait.

Dans cette décision de la Troisième Chambre Civile du 30 janvier 2020, une vente ne pouvait se réaliser, en raison d’une donation consentie rendant le bien, objet de l’avant-contrat, indisponible. Mais c’est alors, qu’au cours de la promesse, cet empêchement et levé. Les juges du fond estiment alors la vente régularisable. Les juges de droit confirment cette position : le transfert de propriété aura bien lieu.

Il est aujourd’hui envisageable de disposer d’un bien inaliénable sous réserve de son aliénabilité future

L’acte en cause ne contenait aucune clause ni condition suspensive relative à la disparition de cette inaliénabilité.

Pour autant, les juges du fond et les juges de droit s’entendent : si l’obstacle juridique empêchant la réitération de la vente est levé, la volonté des parties prime et le processus contractuel doit aboutir. La promesse de vente a donc force obligatoire.

Point n’est besoin de suspendre conventionnellement la promesse a cet événement : de facto la Cour de cassation considère que les parties ont nécessairement entendu reporter l’exigibilité de l’obligation à la levée de l’inaliénabilité. Il s’agit d’un terme suspensif entré tacitement dans le champ contractuel : la régularisation de l’acte y est implicitement subordonné.

La rédaction d’une promesse de vente sur un bien indisponible entre dans le champ des possibles

Il est donc clairement concevable de rédiger des promesses de vente sous condition de la disponibilité future d’un bien.

La sécurité et la prévisibilité juridique commandent, cependant, d’aménager, dans nos actes, des clauses précises en ce sens. Et ce, même si la Cour de cassation a, en l’espèce, considéré que les parties avaient tacitement reporté la vente à la disparition de l’inaliénabilité. L’accomplissement de la promesse de vente devrait donc clairement être suspendue à la réalisation d’un terme constitué par la levée de l’indisponibilité du bien.

Le Conseil d’Etat a d’ailleurs ouvert une brèche sur ce sujet : rien ne fait obstacle à ce que un bien du domaine public fasse l’objet d’une promesse de vente sous condition suspensive de son déclassement – décision du CE du 15 novembre 2017, n° 409728. La Cour de cassation lui emboite le pas, par cette décision.

Le message est entendu.

Le relais est pris : il nous est permis de régulariser un acte de vente sur un bien indisponible, au jour de la signature de la promesse, et depuis, devenu aliénable. La date de la signature de l’acte de vente sera alors différée au jour de la levée de cet obstacle juridique.

Une voie est ainsi clairement ouverte : il ne reste plus qu’à l’emprunter avec quelques points d’ancrage…

L’acquéreur professionnel, par une clause conventionnelle acceptée par le vendeur, peut bénéficier des délais de rétractation ou de réflexion de l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation et ce, en dehors de son champ d’application légal.

Une question pratique mérite d’être posée : pourrions nous proposer à l’acquéreur au stade de l’avant-contrat ou, le cas échéant, au stade de la vente, de bénéficier d’un des délais prévus par l’article L.271-1 du Code de la Construction et de l’Habitation ? En effet, cette disposition légale, protectrice du consentement de l’acquéreur prévoit soit un délai de rétractation de 10 jours dès la signature d’une promesse de vente ou un délai de réflexion d’une durée identique si, l’acte de vente, n’est pas précédé d’un avant-contrat. Ce délai, exclusivement prévu par le texte, en faveur de l’acquéreur immobilier non professionnel et en présence d’un immeuble à usage d’habitation, s’applique d’ors et déjà, par des dispositions spéciales, à la vente d’un terrain à bâtir soumis à permis d’aménager ainsi que nous l’indique l’article L.442-8 du Code de l’urbanisme.

Si l’acte juridique est bien oeuvre de clauses et de conventions, les parties pourraient volontairement utiliser l’article L.271-1 du Code de la Construction et de l’Habitation, en tant que de besoin, dans des hypothèses autres que celles qui exigent un acquéreur non professionnel et un immeuble à usage d’habitation.

La Cour de cassation l’a d’ailleurs récemment indiqué dans une décision du 5 décembre 2019 : les juges de droit relèvent que l’acte juridique fait expressément référence à l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation et, qu’en conséquence l’acquéreur professionnel de l’immobilier, bénéficiait légitimement du délai de rétractation. Les vendeurs, eux, ne l’entendaient pas ainsi : analysant ce renvoi à l’article L.271-1 du Code de construction et de l’habitation comme une simple clause de style, ils en refusaient le bénéfice à l’acquéreur.

La haute juridiction ouvra alors le champ des possibles : le pourvoi des vendeurs est rejeté et il est donné effet à la clause de rétractation au bénéfice d’un acquéreur professionnel.

L’argumentation est la suivante : les vendeurs avaient accepté cette clause par la signature de l’acte et en avaient parfaitement connaissance puisque ils avaient donné mandat exprès au notaire de notifier ce droit de rétractation à l’acquéreur professionnel. Un tel mandat était bien le signe de l’existence d’une clause négociée et comprise. Ainsi, à aucun moment, il était permis de penser à une simple clause de style : peu importe la référence dans la clause à un « acquéreur non-professionnel » tel que visé dans l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation. Au cas présent, le fait pour la clause de se référer à la qualité de « non-professionnel » consiste à considérer l’acquéreur comme tel pour les besoins de l’acte, alors que sa véritable qualité de professionnel était connue des vendeurs.

Plus aucune hésitation est permise : l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation s’utilise hors de son champ d’application et en faveur d’acquéreurs professionnels et/ou d’immeubles à usage autre que d’habitation – comme par exemple les contrats de vente en l’état futur d’achèvement en secteur libre. En ces temps troublés par une crise sanitaire, un tel délai pourrait s’avérer protecteur et utile.

Et, la Cour de cassation en profite pour nous livrer un message claire et précis: qu’on se le tienne pour dit, les clauses de nos actes font la loi des parties.

La technique contractuelle reflétée dans nos actes s’adapte donc aux besoins précis de nos clients dans les limites légales fixées par le législateur.



Le silence de l’administration, une fois le délai d’instruction terminé, peut valoir décision de rejet et non permis tacite

Le Code de l’urbanisme prévoit les différents cas où le silence de l’administration à la fin du délai d’instruction vaut décision implicite de rejet.

Ainsi, l’article R. 424-2 du Code de l”urbanisme indique les cas de rejet tacite de l’autorisation : les travaux sont soumis à l’autorisation du ministre de la défense ou à une autorisation au titre des sites classés ou en instance de classement ou des réserves naturelles ; le projet fait l’objet d’une évocation par le ministre chargé des sites ou par le ministre chargé de la protection des réserves naturelles ; le projet porte sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques ; le projet est soumis à enquête publique en application du code de l’environnement ; il y a lieu de consulter l’Assemblée de Corse ;  le projet est situé dans un espace ayant vocation à être classé dans un futur parc national dont la création a été prise en considération par les communes pour avis ou dans un parc national existant ; le projet est soumis à une autorisation cinématographique ou commerciale et la demande a fait l’objet soit d’un refus de la commission départementale ou nationale compétente soit d’un avis défavorable  ; la délivrance du permis est subordonnée, à l’obtention d’une dérogation pour l’isolement acoustique prévue par l’article L.111-4-1du code de la construction et de l’habitation et que cette dérogation a été refusée.

Dans une décision du 12 février 2020 Le Conseil d’État (N° 411949) en déduit que « le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la demande de permis de construire porte sur une démolition soumise à permis en site inscrit, y compris lorsque cette demande porte également sur une construction ».

Cette décision est logique et découle d’une application stricte de l’article L.424-2 du Code de l’urbanisme puisque le silence de l’administration vaut décision implicite de rejet lorsque le projet porte sur une démolition soumise à permis en site inscrit.

Dans cette affaire, le pétitionnaire construisait de nouveaux bâtiments et en détruisait d’autres. Il aurait du, en réalité, demander un permis de construire et un permis de démolir ; ce dernier étant obligatoire en site inscrit où se situait la démolition. Il n’a demandé qu’un permis de construire pour le tout et son autorisation est rejetée du seul fait du silence gardé par l’administration.

Le bail commercial sur un terrain nu : à qui appartiennent les constructions futures ?

Certaines questions pratiques sont parfois déroutantes et viennent heurter nos convictions.

Tel est le cas du bail commercial sur un terrain nu, autorisé par l’article L.145-1 alinea1er , 2° du Code de commerce.

Un tel bail confère donc la possibilité au preneur d’édifier des constructions.

Là, est parfois l’étonnement.

L’édification des constructions par le preneur ne serait pas le seul apanage du bail à construction ou emphytéotique et pourrait apparaitre, au détour d’un dossier, dans d’autres baux parfois enregistrés et rarement publiés.

L’esprit s’étonne alors.

Ce bail n’est certes pas créateur de droit réel et pourtant… l’immeuble construit appartient au preneur en cours de bail et le terrain, au bailleur

Celui-ci impose souvent une destination précise et limite la cession du bail à un cédé ayant une activité similaire, avec son agrément, ou du moins, son intervention à l’acte. Et pourtant, le preneur est en cours de bail, propriétaire des constructions – Civile, 3ème 22 mars 2018, n° 17-15830 .

D’ailleurs, ce bail n’est pas en tant que tel créateur d’un droit réel reconnu par les textes et opposable aux tiers par sa publicité.

En revanche, il fait bien souvent référence au articles L.145-1 du Code de commerce; le cas échéant porte sur une activité industrielle et commerciale, a une durée de neuf ans, est résiliable par le preneur, par période triennale et, son processus de renouvellement,calqué sur celui des baux commerciaux.

Mais alors, rencontrant un tel bail, le notaire se doit de résoudre une question cruciale : à qui appartiennent les constructions ? Au bailleur ou au preneur? Et, si le bailleur entend vendre sa propriété, cette vente porte t’elle sur un terrain nu ou sur un terrain bâti?

Le dilemme n’est pas sans conséquences.

C’est le droit commun de l’accession ou le cas échéant, une clause dans le bail qui règlera le sort des constructions.

Dans le silence du bail, le droit des biens nous vient en aide.

L ‘article 555 du code civil règle le sort des constructions et ouvrages faits par un tiers sur le terrain d’autrui. Cette disposition est, bien entendu, applicable aux rapports entre propriétaires et locataires – Civile 3e, 10 nov. 1999, no 97-21.942.

Ainsi, « lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever.

A la fin du bail le jeu de l’accession permet alors au bailleur d’être propriétaire des constructions à condition -suivant les termes de l’article 555 du Code civil alinea 3 – de les racheter. C’est là une différence essentielle avec les principes légaux qui régissent bail à construction et emphytéotique : le bailleur, sauf clause contraire, profite des constructions et des améliorations et ce, sans indemnité.

Cette même disposition offre la faculté au bailleur d’imposer au preneur de les détruire, à sa charge.

Mais l’article 555 du Code civil est supplétif de volonté et les parties ont pu conventionnellement régler autrement le sort des constructions.

Elles peuvent prévoir un remise des constructions au bailleur avec ou sans indemnité ou un démantèlement, à la charge du preneur et donc, une remise en l’état du terrain. L’on pense irrémédiablement aux parcs éoliens dont les baux créateurs de droits réels adoptent souvent cette dernière alternative.

Néanmoins, le plus souvent, en matière de bail commercial, le bailleur choisira de conserver, sauf cas particuliers, les constructions édifiées par le preneur sur son terrain.

Mais, alors une autre question surgit :

celle de savoir, dans le silence du bail, à quel moment, le bailleur est propriétaire des constructions.

Est-ce au moment du renouvellement du bail ou au terme de la libération des lieux ?

En effet, il est une certitude : le bail renouvelé est un nouveau bail en matière commercial car le bail précédent a cessé par l’effet du congé – article L.145-12 du Code de commerce et Assemblée Plénière du 7 mai 2004, Bull civil, n° 9.

L’enjeu pratique est important : si le preneur reste provisoirement propriétaire des constructions jusqu’à la fin de la jouissance, il ne risque pas une augmentation de loyer lors du renouvellement du contrat et, au fur et à mesure des renouvellements les preneurs successifs deviennent à leur tour propriétaires des constructions.

Ou, à l’inverse, si le bailleur devient propriétaire des ouvrages à l’expiration du bail, il peut, au moment du renouvellement, loué un terrain bâti et non plus un terrain nu et en augmenter le loyer .

La Cour de cassation a tranché cette question.

Elle estime que le bail commercial renouvelé constitue un nouveau bail :  les constructions reviennent donc au bailleur par le jeu de l’accession dès le renouvellement du bail – Civile, 3ème, 27 septembre 2006 ; n° 05-13.981 Civile 3ème, 21 mai 2014, n° 13-10.257.

Mais, à condition que le bail ne vienne pas conventionnellement décider que le jeu de l’accession sera reporté à la libération des lieux par le preneur; l’immeuble devenant libre de toute occupation. .

Dans cette dernière hypothèse, il est essentiel d’analyser ,si elles existent, la ou les cession (s) successive (s) de droit au bail : elles porteront sur le bail, souvent sur le fonds de commerce mais aussi sur les constructions.

Dans ce cas, une fois les lieux libérés, le bailleur retrouvera la propriété des constructions, par le jeu de l’accession, à charge de les racheter au preneur et à charge pour le dernier preneur en place de les avoir achetées au cédant.

Dès lors de deux choses l’une :

– soit les constructions sont revenues au bailleur dès le premier congé avec offre de renouvellement ;

-soit les constructions appartiennent toujours au preneur par le biais du bail, des cessions et renouvellement successifs et ne seront la propriété du bailleur qu’une fois l’immeuble libre de toute occupation.

Vente en l’état futur d’achèvement: retour sur une distinction d’importance entre secteur libre et protégé

Les montages de projets en VEFA nous amènent à avoir une idée claire et précise de la qualification des lots. De celle-ci se déduira le régime juridique de la vente : secteur libre ou secteur protégé.

Au fil du temps, le droit positif nous est venu en aide et des critères de distinction sont nés.

En pratique, il est nécessaire de s’interroger sur l’usage de la construction : un immeuble relèvera du secteur protégé, uniquement s’il s’agit d’un immeuble à usage partiel ou total d’habitation. A l’inverse, un autre usage constituera une vente en secteur libre.

Cette distinction, en apparence simple, s’avère parfois complexe au regard de la multitude de projet qui voient le jour.

L’article L. 261-10 du Code de Construction et de l’Habitation défini la vente en secteur protégé à l’aide de trois éléments : l’objet du contrat – transfert de propriété-, l’usage de l’immeuble -habitation ou mixte-  et l’obligation de verser des fonds avant l’achèvement. Ainsi “tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation et comportant l’obligation pour l’acheteur d’effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l’achèvement de la construction (…)”.

C’est alors, en premier lieu, l’usage du local qui détermine le champ d’application du secteur protégé : peu importe la qualité de l’acquéreur, le nombre de locaux acquis ou le mode d’exploitation.

La question posée apparaît simple : l’immeuble est-il ou non affecté à l’habitation ou est-il exclusivement destiné à une activité professionnelle ou commerciale ?

Une nuance s’impose : un usage d’habitation au sens du Code de la construction et de l’habitation ne doit pas être confondu avec la destination d’habitation au sens du Code de l’urbanisme.

Usage et destination sont deux notions distinctes.

Pour distinguer le secteur libre du secteur protégé, c’est l’usage qui compte et non la destination.

Le principe de l’indépendance des différentes législations applicables commande de considérer ces deux notions comme non fongibles et autonomes l’une par rapport à l’autre.

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Versailles rappelle, dans une décision du 19 janvier 2006 – n° 04VE00237- à propos de la création d’un foyer destiné à l’hébergement des enfants en difficulté que “les dispositions du Code de la Construction et de l’Habitation ne sauraient, compte tenu de l’indépendance des législations applicables en matière de construction et d’urbanisme, être prises en compte pour déterminer si le projet comporte un changement de destination des locaux existants au sens des dispositions précitées du plan d’occupation des sols“.

Et, la circulaire UHC/DH2 du 22 mars 2006, n°2006-19 sur l’application des mesures relatives au changement d’usage des locaux d’habitation indique : “ le terme « usage » a remplacé le terme « affectation », ce dernier étant souvent source de confusion avec la notion de « destination » utilisée en matière de permis de construire” (art.I.1)

Par conséquent et ce, même si les surfaces telles qu’indiquées dans le permis de construire sont à destination d’habitation, cela n’induit et ne prouve en aucune façon qu’un tel usage est celui qu’il faudrait retenir pour l’application de l’article L.261-10 Code de Construction et de l’Habitation.

La destination d’habitation est donc distincte de l’usage d’habitation tel que défini dans le Code de Construction et de l’Habitation.

D’ailleurs, si l’opération emporte acquisition de locaux qui seront effectivement utilisés à usage d’habitation, seule une vente soumise aux règles du secteur protégé pourra être conclue;  peu importe que les locaux destinés à l’habitation soient situés dans un immeuble, allant faire l’objet d’une exploitation commerciale

Ainsi, la vente d’une résidence pour séniors, destinée à être mise en exploitation dans le cadre d’un bail commercial, relève du secteur protégé, dès lors que les locaux sont loués meublés et accueillent la résidence principale de ses occupants – Cassation, 3ème Civile., 7 janvier 2016, n°14-29655 et 14-29676.

Dans ces décisions, les hauts Magistrats relèvent notamment “que (…) les lots vendus étaient des appartements meublés à usage d’habitation principale, avec chacun salle de douches, toilettes, cuisine, destinés à être habités à l’année par des personnes âgées, la Cour d’appel a pu en déduire que l’usage d’habitation des locaux vendus était caractérisé et que l’article L.261-10 du Code de la construction et de l’habitation était applicable ».

Il en est de même lorsque le contrat de réservation a pour objet la vente d’une partie de l’immeuble à usage d’habitation avec mise en place d’une copropriété, comme le reflète ensuite l’acte authentique de vente précisant que les lieux vendus sont à usage d’habitation – Cass. civile 3ème, 23 mai 2019, n° 17-17.908.

A l’inverse, une résidence dans laquelle “les pensionnaires” font uniquement des séjours temporaires fera l’objet d’une vente en secteur libre.

Tel est d’ailleurs le critère utilisé par les juges du fond pour les immeubles à usage touristique.

L’immeuble à usage hôtelier fait parti du secteur libre – CA Pau, 12 janvier 2017 , n°14/04634 ; CA Versailles, 17 juin 2019, n° 17/04516 – même donné à bail pour sa gestion; sauf, bien entendu si la consistance des logements permet une habitation pérenne. L’article L.631-7 du Code de construction et de l’habitation dernier alinea reflète cette position : les courts séjours répétés du type location en airbnb, relèvent d’un usage autre que l’habitation.

En pratique, si les lots vendus ne sont pas de l’habitation totale ou partielle au sens du droit positif, la vente sera alors soumise au secteur libre.

Les ventes du secteur libre apparaissent comme des formes édulcorées de ventes d’immeubles à construire et se rapprochent des ventes de droit commun.

Le secteur libre permet, en effet, de revenir à la liberté contractuelle et au principe d’autonomie de la volonté.

Les règles du secteur protégé ou certaines d’entre elles pourront donc être choisies librement par les parties car elles ressortent- en dehors de leur champ d’application impératif – de la liberté contractuelle.

Par conséquent et à l’analyse, alors même que nous nous situons dans le secteur libre, nous avons la possibilité d’opter pour l’application de règles du secteur protégé, plus protectrices de l’acquéreur immobilier. Ce choix sera dicté souvent par des intérêts économiques et commerciaux et il peut s’avérer efficace.

Si la rédaction de l’acte indique expressément le choix volontaire de se soumettre à un telle ou telle règle du secteur protégé, alors que la vente est en secteur libre, le contrat de vente ne sera pas requalifiable en vente d’un immeuble à usage d’habitation en secteur protégé.

Et, sur ce point notre plume se doit d’être claire et précise.

Changement de destination et urbanisme : tour d’horizon d’une question délicate.

Destination et usage sont des termes courants de notre pratique notariale d’où naissent certaines questions, pour le moins complexes.

En effet, l’immeuble au coeur de notre métier, est un bien pérenne et évolutif au fil du temps : construit pour de l’habitation, il va se transformer en un local professionnel, puis commercial puis redevenir partiellement d’habitation en abritant une profession libérale puis des locations touristiques de courte durée.

Son propriétaire, bien que titulaire d’un droit de propriété constitutionnel, ne peut faire abstraction de l’environnement de son bien.

Qu’il soit situé dans un centre ville historique, sur une zone commerciale, sur un territoire rural ou au bord du littoral, l’immeuble a un environnement qui va dicter sa destination actuelle et future.

Celle-ci est détachée de la matérialité du bien immobilier. Son propriétaire et, le cas échéant, l’occupant n’en ont pas la maitrise.

L’affectation et la destination de l’immeuble leur échappe car elles sont devenues, objet de réglementations contraignantes indépendantes les unes des autres.

L’usage ou l’affectation du bien est factuel : c’est une situation de fait qui reflète la manière d’utiliser le bien.

Mais certains changements d’usage font l’objet d’une réglementation particulière.

Tout changement, vers un usage autre que celui d’habitation est soumis aux articles L.631-7 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation. Ces normes ne concernent pas uniquement les villes de plus de 200.0000 habitants et celles du départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne car d’autres communes peuvent choisir de s’y soumettre – article L.631-9 du Code de la Construction et de l’Habitation.

Ainsi, il est toujours prudent de vérifier auprès de la commune concernée, s’il existe ou non, sur le territoire du lieu de situation de l’immeuble, une telle réglementation pouvant donner lieu à une autorisation administrative.

La destination est quant à elle une autre notion, indépendante de l’usage.

Elle est régie par le Code de l’urbanisme et notamment par les articles R.151-27 et R.151-28 de ce Code.

Elle est aussi distincte du sens qui pourrait lui être donné dans le cadre des règlements de copropriété.

Pour autant, le régime des changements de destination n’est pas sans lien avec celui qui s’applique aux changements d’usage ou à la copropriété mais l’obtention des uns ne garantit pas l’obtention des autres, de même que la légalité des uns n’est pas conditionnée par la légalité des autres, quand bien même ils relèveraient de la même autorité administrative

Mais, bien entendu, il est nécessaire de faire preuve de pragmatisme : la destination d’un bâtiment s’apprécie au regard de son usage principal. Et celui-ci résultera généralement du permis de construire en vertu duquel il a été édifié ou le cas échéant d’autorisations postérieures.

En leur absence ou en présence de bâtiments anciens, dépourvus à l’époque de toute autorisation ou dont la destination initiale s’est perdue ou n’a plus de sens, le praticien peut être amené à se poser la question suivante : faut-il se livrer à une étude historique de l’immeuble pour rechercher l’usage effectif qui en a été fait depuis sa construction ?

Qu’on se le tienne pour dit : le Conseil d’Etat nous en dispense. Lorsque l’affectation originelle s’est perdue du fait de son abandon depuis plusieurs années, il convient de se fonder sur les caractéristiques propres de l’immeuble pour en déduire sa destination actuelle – CE 5° et 6° ch.-r., 28 décembre 2018, n° 408743.

Néanmoins, toute construction doit avoir l’une des destinations énumérées à l’article R.151-27 du Code de l’Urbanisme et donc est soit de l’habitation, soit du commerce et activités de service, soit des équipements d’intérêt collectif et services publics, soit une exploitations agricole et forestière ou enfin d’ autres activités du secteur secondaire ou tertiaire ; étant entendu que chacune d’elles comprend des sous destinations énumérées à l’article R.521-8 du Code de l’Urbanisme.

Un changement de destination consiste donc à transformer la destination légale d’une surface plancher existante en une autre destination légale.

Il suppose non seulement une autorisation d’urbanisme mais aussi que les règles d’aménagement du territoire ne s’y opposent pas.

Ainsi, les changements de destination doivent être possibles sur le territoire du bien concerné.

Pour exemple, dans des zones naturelles et notamment en zone agricole, le changement de destination n’est pas de principe – article L. 111-4 du Code de l’urbanisme : en zone N, le document d’urbanisme en vigueur peut désigner des bâtiments qui seuls pourront faire l’objet d’un tel changement et, à condition que celui-ci ne compromette pas l’activité agricole ou paysagère du site. Il est aussi possible de les limiter en zone urbaine : ceux-ci peuvent être autorisés que s’ils créent de l’habitation ou à l’inverses des bureaux ou services…

Au delà, certains documents d’urbanisme les interdisent.

Dans certaines villes, d’importantes surfaces de locaux destinés à des activité commerciales sont vacants du fait de l’impossibilité d’en changer la destination et de les transformer en logement. Il est alors pertinent de proposer à la commune une révision simplifiée du document d’urbanisme pour permettre la réalisation d’un projet de rénovation permettant l’utilisation de tels espaces.

Ainsi s’il est possible au regard du document d’urbanisme applicable, ce changement de destination suppose l’obtention, a minima d’une déclaration préalable – article R.421-17 (b) du Code de l’urbanisme – et au maximum d’un permis de construire en fonction de l’importance des travaux – article R.421-14 (c) du Code de l’urbanisme.

Mais au delà, un tel changement se doit aussi d’être rendu possible par les ultimes “gardiens” de la destination de l’immeuble – article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965- puis du lot : le règlement de copropriété et l’assemblée générale des copropriétaires.

Un copropriétaire ne peut porter atteinte à la destination de l’immeuble par l’usage qu’il fait de son lot et celui-ci peut faire l’objet de restrictions d’affectations justifiées par la destination globale de l’immeuble.

Cette question est parfois épineuse dans nos dossiers.

Lorsque l’autorisation préalable de l’assemblée générale de la copropriété est requise pour changer la destination d’une partie privative; celà n’empêche pas le copropriétaire de solliciter l’autorisation exigée en droit de l’urbanisme et de l’obtenir – CE, 23 octobre 2020, n° 42547.

Mais, en pratique, en cas de refus de la copropriété, il ne pourra adopter la destination voulue et ce, même si l’autorité administrative lui a délivré son feu vert!

L’obtention d’un changement de destination peut s’avérer être un véritable périple. Il est donc judicieux de respecter une certaine chronologie dans l’obtention des différentes habilitations.

En présence d’un immeuble soumis au statut de la copropriété, il convient de s’assurer au préalable, auprès de celle-ci, de la possibilité d’un tel changement et ce, avant toute demande d’autorisation d’urbanisme. Si cette dernière s’accompagne d’une autorisation administrative, au titre de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation – car le changement de destination entraine changement d’usage-, il sera prudent, là encore, de l’obtenir avant l’autorisation d’urbanisme.

Le propriétaire n’est donc pas maître de la destination de l’immeuble : la fonction sociale de la propriété immobilière est une réalité.

Elle fait alors appel à notre analyse : il nous faut méthodiquement démêler ce lacis en apparence inextricable pour, au terme de ce périple, obtenir la satisfaction d’un changement de destination dans le respect des différentes réglementations.

Chambre d’hôtes ou location de courte durée : l’autorisation pour changement d’usage de l’article L.631-7 est-elle requise?

La location, à des fins touristiques de chambres chez l’habitant n’a pas toujours fait l’objet d’une réglementation.

La chambre d’hôtes était une appellation d’usage relevant de chartes ou labels proposés par les organisations professionnelles de l’hébergement touristique.

Avec la loi no 2006-437 du 14 avril 2006, ces locations ont trouvé un cadre juridique précis à l’article L.324-3 du Code du tourisme.

Ainsi, les chambres d’hôtes sont “des chambres meublées situées chez l’habitant en vue d’accueillir des touristes , à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées assorties de prestations“.

Celles-ci comprennent donc le plus souvent, outre la mise à disposition d’un logis meublé, différentes prestations comme l’accueil de la clientèle, le service d’un petit-déjeuner et plus généralement de repas, la fourniture de linge de maison, le nettoyage de la chambre, l’accès au réseau internet, la mise à disposition d’un parking privatif, l’accès à une piscine, la location de bicyclettes…

La première mise en location est soumise à une obligation de déclaration. L’article L. 324-4 du Code du tourisme précise que “toute personne qui met à la location une ou plusieurs chambres d’hôtes doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune du lieu de l’habitation concernée“.

Le cadre juridique de la chambre d’hôte et la procédure déclarative auprès du maire visent à permettre de mieux identifier ce produit d’hébergement touristique et à faciliter la perception, par les communes, de la taxe de séjour.

La location de chambre d’hôtes n’est donc pas, en soi, soumise à l’autorisation de changement d’usage institué par l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation.

Elle n’est pas non plus concernée par la législation sur les locations meublés de tourisme puisque le décret no 2019-1325 du 9 décembre 2019 est venu ajuster l’article D. 324-1 pour écarter la chambre d’hôtes de la définition du meublé de tourisme.

Pour autant , la frontière entre deux régimes distincts, celui de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation et celui de l’article L.324-3 du Code du tourisme, peut parfois être ténue : la location d’une chambre d’hôtes peut s’avérer être une location de courte durée d’un logement indépendant.

En témoigne, la décision n° 18-22.142 de la Cour de cassation du 24 septembre 2020 statuant sur cette question.

Le locataire d’une maison et d’un appartement, situés dans le même immeuble, à Paris, est condamné par la Haute Juridiction pour avoir loué l’appartement sans autorisation de changement d’usage et en se prévalant de l’article L.324-4 du Code du tourisme et donc du cadre juridique des chambres d’hôtes.

Cependant, le fait de louer sur une courte période l’intégralité de son appartement, non constitutive d’une annexe de sa résidence principale, n’est pas de la location de chambre d’hôtes et nécessite une autorisation pour changement d’usage.

La location de chambres d’hôtes n’est pas la location d’un logement autonome non constitutive d’une annexe du bailleur.

En réalité le critère est clair : la location d’un bien immobilier indépendant entre dans le cadre du changement d’usage.

A l’inverse, y échappe les chambres meublées situées chez l’habitant c’est-à-dire dans sa résidence, qu’il s’agisse du même corps de bâtiment ou d’un bâtiment annexe : elles sont des chambres d’hôtes soumises à l’article L.324-3 du Code du tourisme.

A partir du moment où la location porte sur un bâtiment autonome et totalement indépendant, il ne s’agit plus d’une chambre d’hôtes mais de locations soumises à l’autorisation pour changement d’usage.

La Haute juridiction a donc considéré , dans la décision du 24 septembre dernier, que cette location entrait dans le cadre du dernier alinea de l’article L.631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation : elle consistait en la location d’un local meublé, destiné à l’habitation de manière répétée, pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

L’absence de cette autorisation conduit au paiement d’une amende civile prescrite par l’article L.651-2 du Code de Construction et de l’Habitation et au retour à l’usage classique d’habitation ; autrement dit à la cessation de l’activité de location pour le loueur à moins de régulariser la situation…

Il est donc essentiel, d’établir avec précisions le projet de location envisagée et d’étudier, au cas par cas, la situation de l’immeuble loué.

Pour éviter l’application dans certaines communes de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation, l’immeuble doit être matériellement une partie prenante ou une annexe de la résidence du bailleur et celui-ci doit, au surplus, offrir certains services à ses hôtes.

C’est à ce seul titre qu’il pourra ainsi bénéficier du statut particulier instauré, pour les chambres d’hôtes, par l’article L.324-3 du Code du tourisme.

La clause d’agrément peut-elle empêcher un héritier de devenir associé d’une société civile ?

La société civile, société de personnes, par excellence, pourrait bien encore jouer son rôle de “société fermée” et empêcher, l’héritier de l’associé décédé, de participer à la vie sociale : il suffira de s’opposer à son entrée dans la société par un rejet d’agrément.

Mais, un héritier peut-il alors, en cette qualité, percevoir des dividendes alors même que son agrément a été refusé par les associés de la société civile ?

C’est à cette question que répond, par la négative, la décision rendue par la Première civile du 1er septembre 2020 (n° 19-14.604) : l’héritier non agréé ne peut revendiquer les bénéfices distribués.

Il est vrai, que seul la qualité d’associé, permet de participer au résultat et de prétendre, comme en l’espèce, à une part dans le produit de la vente des actifs.

La qualité d’héritier n’emporte donc pas, de plein droit, celle d’associé

Pour autant, la société civile n’est pas dissoute par le décès d’un associé.

Ses héritiers peuvent continuer la personne du défunt et, devenir à leur tour, associés. Mais ce principe de transmission suppose, en présence d’une clause d’agrément, un accord des associés survivants.

Et, les héritiers pourraient bien être déçus car, rien n’est moins sûr, comme en témoigne cette décision de la Première Civile.

L’intuitu personae demeure prégnant dans les sociétés de personnes.

L’article 1870 en est le reflet : il pose le principe de la transmission de plein droit aux héritiers et/ou légataires des parts de la société civile tout en ouvrant la faculté d’y déroger par l’insertion d’un agrément…

De fait, en l’absence d’agrément, l’attribution des parts sociales et celle de la qualité d’associé se réalise dès l’ouverture de la succession.

La saisine, telle que fixée par l’article 724 du Code civil, entraine alors la mise en possession des parts sociales.

L’héritier devrait donc, à la lecture de cette disposition légale, percevoir des dividendes.

Mais c’est sans compter sur le mécanisme des clauses d’agrément : celui-ci conditionne la qualité d’associé.

L’agrément peut quand à lui poser nombre de difficultés pratiques.

Ces clauses peuvent se révéler être d’une application fort complexe et les questions sont nombreuses.

Quel est, par exemple, la qualité de l’héritier en attente d’agrément ?

Ses droits sont temporairement gelés – Cass. com, 5 avril 2018, n° 16.25-058. A l’issue de la procédure d’agrément, il sera réputé être associé dès l’ouverture de la succession ou de l’envoi en possession, en fonction de la saisine.

Il est de notre compétence, d’attirer l’attention des futurs associés, lors de l’insertion d’une clause d’agrément dans les statuts, sur ses conséquences juridiques.

Il est aussi de notre compétence de veiller à leur rédaction claire, précise et maitrisée.

Les juges de droit sont venus éclaircir certaines de ces clauses en raison de l’emploi de termes imprécis, voir inconnus, en droit patrimonial de la famille.

Pour exemple, le terme d’ayant droit est parfois utilisé dans la rédaction de certaines clauses d’agrément.

La Cour de cassation a donc du, dans le silence des textes, l’assimiler au terme d’ayant -cause pour permettre le jeu d’une clause d’agrément – Cass.com., 5 avril 2018, n° 16-18.097.

L’ayant-cause est ainsi celui qui a acquis un droit ou une obligation de son auteur : un légataire à titre particulier ou un légataire à titre universel se trouve alors visé par le terme d’ayant-droit et pourrait être soumis, à ce titre, à l’agrément des associés en fonction de la rédaction de la clause.

Dans le même ordre d’idée, que signifie le terme d’héritier dans une clause d’agrément ?

Si ce terme désigne exclusivement les héritiers visés comme tels par le Code civil, cela ne permet pas d’y intégrer des légataires identifiés dans un testament.

De même, une clause d’agrément qui indiquerait que les associés en ligne directe de l’associé pré-décédé deviennent associés sous réserve d’un agrément n’englobera pas tous les héritiers ab intestat et ne concernera pas le conjoint survivant – Cass. com, 6 novembre 2012, n° 11-25-058.

On le voit la plume du rédacteur se doit d’être claire.

La clause d’agrément peut certes être un outil pour permettre à nos clients de maitriser les transmissions successorales. Elle suppose néanmoins que l’on réfléchisse en amont à son articulation avec le droit des successions pour éviter que les incertitudes sur son interprétation mettent en échec son fonctionnement et perturbent la vie sociale de la société.

Et si le gage immobilier m’était conté…

A première vue, cette sûreté réelle immobilière ressemble aux autres …

Objet de dispositions légales, insérées aux articles 2387 et suivants du Code civil, elle permet de garantir des dettes présentes ou futures du débiteur, ou même d’un tiers. Et, ce gage, peut grever tout droit réel quel qu’en soit sa nature – droit de propriété immobilière, démembrements, droits réels nés des baux à construction ou emphytéotique.

Mais, à l’analyse, cette sûreté immobilière est bien différente des autres….

Par nature, le gage immobilier est une sûreté emportant dépossession : la possession du bien ou du droit gagé est transférée entre les mains du créancier .

Le créancier a alors un droit de rétention doté d’une force particulière et opposable à la procédure collective.

Il détient alors la possession matérielle d’un bien ou d’un droit immobilier jusqu’au complet paiement de sa créance. Il en a la jouissance et en perçoit donc aussi les fruits à charge de les imputer sur les intérêts puis sur le capital de la dette – article 2389 du Code civil.

En cas de non paiement, il conservera les biens ou les droits de son débiteur et leurs fruits, tant que la créance garantie n’est pas payée. Mais, il ne pourra s’enrichir en réalisant sa sûreté : il aura droit au paiement de sa seule créance.

Le créancier rétenteur est donc titulaire d’un pouvoir de blocage sur le bien : s’il détient en gage des actifs stratégiques, il a un pouvoir redoutable et redouté.

Le créancier bénéficiaire d’un gage immobilier détient une sûreté efficace et le droit des procédures collectives s’en ai fait l’écho.

C’est là, l’essentiel : on ne peut jauger de l’efficacité de la sureté choisie sans analyser son efficience face à la procédure collective du débiteur.

Et, là ou d’autres suretés immobilières sont faiblardes, le gage immobilier révèle sa résistance pour le créancier gagiste.

Quel autre créancier, titulaire d’une sûreté réelle immobilière, peut se faire payer de la totalité de sa créance à la liquidation – article L.642-20-1 du Code de commerce aL. 1 et 3 – ou en présence d’un plan de cession – article L.642-12 du Code de commerce- car, son droit de rétention se reporte sur l’intégralité du prix de cession ? Aucun, sauf le créancier gagiste.

Quel autre créancier, titulaire d’une sûreté réelle immobilière, peut pendant la période d’observation, être payé de sa créance par le retrait contre paiement du bien retenu ? Aucun, sauf le créancier gagiste.

Quel autre créancier, titulaire d’une sureté réelle immobilière, peut continuer à percevoir les fruits du bien alors même que le débiteur est en procédure collective ? Aucun sauf le créancier gagiste.

Mais, alors pourquoi donc l’ancienne antichrèse modernisée par le Code civil sous couvert du gage immobilier, demeure t-elle, dans la pratique, d’une utilisation pour le moins confidentielle?

Peut être parce que le créancier n’a pas vocation à détenir un immeuble…

Certes, mais le législateur l’a bien compris.

L’article 2390 du Code civil, permet au « créancier (…), sans (en) perdre la possession, (de) donner l’immeuble à bail, soit à un tiers, soit au débiteur lui-même ». L’idée de l’antichrèse-bail, née de la pratique, est ainsi consacrée.

Le créancier disposant de la jouissance de l’immeuble peut le louer à son débiteur ou à un tiers et se décharger sur celui-ci des obligations d’entretien et de conservation de l’immeuble.

Cette faculté est sans incidence sur l’exercice de son droit de rétention : le créancier ne se dessaisit pas de son droit de gage, ni du bien ou du droit grevé.

Le débiteur ne peut d’ailleurs lui réclamer la restitution de l’immeuble ou du droit réel “avant l’entier acquittement de sa dette” – article 2391 du Code civil.

Le gage immobilier n’a plus rien de désuet : son modèle économique se défend.

Il ne peut, d’ailleurs pas, demeurer une pure hypothèse théorique de sûreté immobilière avec dépossession.

Cette sûreté est l’une des meilleures garanties immobilières , si ce n’est la meilleure, que connaisse le droit français, dans la mesure où son efficacité est préservée, y compris, en cas de procédure collective.

Enfin, le moindre coût du gage immobilier est un atout majeur.

En effet, si le gage immobilier est une clause du contrat de prêt, il n’est pas soumis à la taxe de publicité foncière mais simplement au salaire du conservateur – O,10% du principal garanti- lors de sa publication et lors de sa radiation et à un droit fixe d’enregistrement de 125 Euros. Il présente alors, par rapport, à l’hypothèque une économie de cout non négligeable.

Le gage immobilier, est donc une sûreté plus efficace et bien moins onéreuse que l’hypothèque.

Il offre aux prêteurs une solution incomparable : il élude purement et simplement le concours avec d’autres créanciers privilégiés, voir super-privilégiés !

Le gage immobilier ne peut demeurer dans l’ombre de l’hypothèque.

Le souhait est ainsi formé d’apprivoiser cette sûreté et de l’utiliser pour qu’elle ne demeure pas lettre morte dans la pratique notariale.