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La clause d’agrément peut-elle empêcher un héritier de devenir associé d’une société civile ?

La société civile, société de personnes, par excellence, pourrait bien encore jouer son rôle de « société fermée » et empêcher, l’héritier de l’associé décédé, de participer à la vie sociale : il suffira de s’opposer à son entrée dans la société par un rejet d’agrément.

Mais, un héritier peut-il alors, en cette qualité, percevoir des dividendes alors même que son agrément a été refusé par les associés de la société civile ?

C’est à cette question que répond, par la négative, la décision rendue par la Première civile du 1er septembre 2020 (n° 19-14.604) : l’héritier non agréé ne peut revendiquer les bénéfices distribués.

Il est vrai, que seul la qualité d’associé, permet de participer au résultat et de prétendre, comme en l’espèce, à une part dans le produit de la vente des actifs.

La qualité d’héritier n’emporte donc pas, de plein droit, celle d’associé

Pour autant, la société civile n’est pas dissoute par le décès d’un associé.

Ses héritiers peuvent continuer la personne du défunt et, devenir à leur tour, associés. Mais ce principe de transmission suppose, en présence d’une clause d’agrément, un accord des associés survivants.

Et, les héritiers pourraient bien être déçus car, rien n’est moins sûr, comme en témoigne cette décision de la Première Civile.

L’intuitu personae demeure prégnant dans les sociétés de personnes.

L’article 1870 en est le reflet : il pose le principe de la transmission de plein droit aux héritiers et/ou légataires des parts de la société civile tout en ouvrant la faculté d’y déroger par l’insertion d’un agrément…

De fait, en l’absence d’agrément, l’attribution des parts sociales et celle de la qualité d’associé se réalise dès l’ouverture de la succession.

La saisine, telle que fixée par l’article 724 du Code civil, entraine alors la mise en possession des parts sociales.

L’héritier devrait donc, à la lecture de cette disposition légale, percevoir des dividendes.

Mais c’est sans compter sur le mécanisme des clauses d’agrément : celui-ci conditionne la qualité d’associé.

L’agrément peut quand à lui poser nombre de difficultés pratiques.

Ces clauses peuvent se révéler être d’une application fort complexe et les questions sont nombreuses.

Quel est, par exemple, la qualité de l’héritier en attente d’agrément ?

Ses droits sont temporairement gelés – Cass. com, 5 avril 2018, n° 16.25-058. A l’issue de la procédure d’agrément, il sera réputé être associé dès l’ouverture de la succession ou de l’envoi en possession, en fonction de la saisine.

Il est de notre compétence, d’attirer l’attention des futurs associés, lors de l’insertion d’une clause d’agrément dans les statuts, sur ses conséquences juridiques.

Il est aussi de notre compétence de veiller à leur rédaction claire, précise et maitrisée.

Les juges de droit sont venus éclaircir certaines de ces clauses en raison de l’emploi de termes imprécis, voir inconnus, en droit patrimonial de la famille.

Pour exemple, le terme d’ayant droit est parfois utilisé dans la rédaction de certaines clauses d’agrément.

La Cour de cassation a donc du, dans le silence des textes, l’assimiler au terme d’ayant -cause pour permettre le jeu d’une clause d’agrément – Cass.com., 5 avril 2018, n° 16-18.097.

L’ayant-cause est ainsi celui qui a acquis un droit ou une obligation de son auteur : un légataire à titre particulier ou un légataire à titre universel se trouve alors visé par le terme d’ayant-droit et pourrait être soumis, à ce titre, à l’agrément des associés en fonction de la rédaction de la clause.

Dans le même ordre d’idée, que signifie le terme d’héritier dans une clause d’agrément ?

Si ce terme désigne exclusivement les héritiers visés comme tels par le Code civil, cela ne permet pas d’y intégrer des légataires identifiés dans un testament.

De même, une clause d’agrément qui indiquerait que les associés en ligne directe de l’associé pré-décédé deviennent associés sous réserve d’un agrément n’englobera pas tous les héritiers ab intestat et ne concernera pas le conjoint survivant – Cass. com, 6 novembre 2012, n° 11-25-058.

On le voit la plume du rédacteur se doit d’être claire.

La clause d’agrément peut certes être un outil pour permettre à nos clients de maitriser les transmissions successorales. Elle suppose néanmoins que l’on réfléchisse en amont à son articulation avec le droit des successions pour éviter que les incertitudes sur son interprétation mettent en échec son fonctionnement et perturbent la vie sociale de la société.

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