Lors de la liquidation d’un régime séparatiste, les praticiens sont bien souvent confrontés à des conjoints qui paient plus que leur proportion et rétribuent la part de l’autre époux, d’une manière plus ou moins significative.
Et, certains époux, vont solliciter le remboursement d’une créance, estimant avoir financé plus que de raison la vie maritale et, avoir largement dépassé leur contribution aux charges du mariage.
Face à une telle demande, les seuls textes du code civil sont insuffisants pour guider le praticien.
Et, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a, pas à pas, poser avec cohérence, les règles en la matière.
Dernièrement, dans une décision du 13 mai 2020 , la Cour de cassation affirme qu’aucune convention peut dispenser les époux de leur obligation de contribuer aux charges du mariage.
En l’espèce, le contrat de séparation de biens insérait une clause fréquemment utilisée dans ce type de contrat de mariage suivant laquelle “chacun des époux sera réputé s’être acquitté, jour par jour, de sa part contributive aux charges du mariage”.
Par principe, les charges du mariage doivent être assumées par les époux « à proportion de leurs facultés respectives » (art. 214 du code civil).
Elles comprennent les dépenses indispensables de logement, de nourriture, de vêtements et de transports, mais également les frais d’entretien et d’éducation des enfants communs.
Toutefois, il est loisible aux époux de prévoir, dans leur contrat de mariage, une clause prévoyant une répartition différente.
Pourront aussi être précisées dans l’acte certaines dépenses autres considérées, par les parties, comme relevant de la contribution aux charges du mariage.
Ces clauses visent le plus souvent le remboursement des mensualités de l’emprunt souscrit pour acquérir le logement familial ou, plus généralement, toutes les dépenses financées par l’un des époux à l’aide de ses deniers personnels concernant ledit logement ou tout autre bien acheté en indivision.
L’objectif est d’éviter ainsi, dans la mesure du possible, le contentieux récurrent des créances entre époux, rencontré en cas de divorce, dans la liquidation des régimes séparatistes.
Cette clause dite de “présomption de contribution aux charges du mariage” a donné lieu à un contentieux abondant.
Depuis une décision du 25 septembre 2013 (N°12-21.892), la haute juridiction est venue préciser qu’il s’agissait d’une présomption irréfragable interdisant tout recours d’un époux estimant avoir contribué plus que de raison aux charges du mariage.
Néanmoins, cet arrêt a été le premier d’une longue série de décisions précisant les effets de cette présomption : son caractère irréfragable n’empêche pas l’époux de rapporter la preuve contraire même si, celle-ci s’avère délicate. En effet, c’est aux juges du fond d’apprécier la portée exacte de cette clause, en fonction de la volonté des parties et des circonstances de chaque espèce.
Ainsi cette clause laisse la possibilité à celui qui estime avoir trop payé de le prouver mais lui interdit d’invoquer le fait que le conjoint à la place duquel il aurait payé n’a pas assez contribué aux charges (Civile, 1ère 7 février 2018 n° 17-13.276; 11 avril 2018, n° 17-17.457; 5 décembre 2018, 18-10.488). Le fait que la contribution soit excessive et ait excédé ses facultés contributives empêche en réalité la qualification de charges du mariage et permet à l’époux d’être remboursé. A l’inverse si le financement n’a pas excédé ses facultés, il relève de la contribution aux charges du mariage et aucune indemnité compensatrice ne pourra être réclamée (Civile, 1ère 7 février 2018) .
Mais la décision du 13 mai dernier portait sur une question nouvelle : la présence de cette clause empêche t-elle l’un des époux à contraindre l’autre à exécuter cette obligation ?
La réponse de la Haute juridiction est sans appel : la contribution aux charges du mariage est d’ordre public.
Peu importe la modalité de répartition de ces charges entre les époux, l’essentiel est de contribuer.
C’est exactement la règle édictée par l’article 214 du Code civil : la détermination des proportions de cette contribution relève de la loi sauf si les époux en décident autrement.
Toute répartition contributive est donc licite. C’est l’absence de contribution qui est illégale.
Et, cette obligation demeure lors d’une séparation de fait des époux et lors de l’instance en divorce. C’est d’ailleurs, depuis le 1er septembre 2020, au juge de la mise en état de décider de la durée maximale de la contribution aux charges du mariage, partie intégrante des mesures provisoires, en cas de divorce contentieux.
Dès lors, il est essentiel, lors de la rédaction des contrats de séparation de biens, de préciser aux époux les conséquences d’une clause de présomption de contribution aux charges du mariage et d’en préciser les contours : cette clause convient certainement pour les dépenses ordinaires et courantes mais elle peut devenir redoutable en présence d’autres dépenses, de nature différente, tel que l’acquisition d’un bien immobilier.
Au surplus, elle ne permet pas de s’abstenir de contribuer aux charges du mariage, obligation d’ordre public jusqu’au terme du lien marital.