Le droit de préférence de l’article L.146-45-1 du Code de commerce ne profite pas au preneur à bail commercial d’un local industriel

Propos autour de la décision n° 22-16.034 de la troisième Chambre Civile du 29 juin 2023

La question posée à la Haute juridiction est, simple, en la forme : le droit de préférence du preneur à bail commercial, au titre de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, est-il applicable aux locaux industriels ?

En l’espèce, le locataire bénéficiait d’un bail commercial soumis aux articles L.145-1 et suivants du Code de commerce.

La destination contractuelle des lieux loués était la fabrication d’agglomérés et, la préfabrication de certains éléments de construction.

Il s’agissait donc non pas d’un local commercial mais d’un véritable local industriel.

Cependant, le statut des baux commerciaux s’applique, d’après l’article L.145-1 du Code de commerce aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité que ce fond appartienne à un commerçant ou à un industriel, immatriculé au registre du commerce et des sociétés.

Il était donc logique, une fois ce statut applicable, qu’il le soit dans son ensemble en ce compris l’article L.145-46-1 du Code de commerce.

Mais, la Haute juridiction ne l’entend pas ainsi. Elle adopte, dans cet arrêt, à la valeur de décision de principe, une interprétation stricte de l’article L. 145-46-1 : cette disposition du Code de commerce, vise le locataire “d’un local à usage commercial ou artisanal” et, les locaux industriels en sont absents.

Le droit de préférence institué par l’article L.145-46-1 du Code de commerce concerne uniquement un local artisanal et/ou commercial et non un local industriel et ce, même si le preneur est titulaire d’un bail commercial .

Les juges de droit ne s’arrêtent pas en si bon chemin : ils donnent, aussi, aux praticiens une définition pragmatique du local industriel.

C’est un “local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers (..)”.

Le local doit donc être principalement un local industriel. Et, toute activité commerciale accessoire n’opérera aucune modification quant à l’application éventuelle du droit de préférence tel qu’issu du Code de commerce.

A l’inverse, si l’activité commerciale est l’activité principale, peu importe l’existence d’une activité industrielle accessoire, l’article L.145-46-1 du Code de commerce sera applicable.

Nous devons alors, en cas de vente de l’immeuble, déterminer, face à un locataire aux activités plurales, laquelle de ces activités est principale afin d’en déduire la nature du local occupé et l’application ou non du droit de préférence légal.

Il s’agit ici certes d’une questions de fait mais aussi de droit. La destination contractuelle inscrite dans le bail commercial prend ici toute son importance si elle est conforme à son usage réel.

Dans cette décision, les termes du bail, laissaient entendre un usage industriel et non commercial. Et l’affectation réelle du local était bien industrielle.

Qu’on se le tienne pour dit : dès lors qu’un bail commercial portera sur un local abritant une activité industrielle – aujourd’hui définie par la Cour de cassation- , le locataire n’aura aucun droit de préférence légal.

La plume du rédacteur d’actes saura alors devenir pertinente pour laisser au locataire une priorité d’acquisition : la rédaction d’un pacte de préférence conventionnel va s’imposer.

Le locataire d’un bien immobilier industriel pourra ainsi, par le biais d’une clause de l’acte, bénéficier d’un droit de préférence sur le local, droit conventionnel inscrit dans le marbre de la convention.

En d’autres termes, seul le local commercial ou artisanal entre dans le champ d’application de l’article L.145-46-1 du Code de commerce et ce, conformément à une analyse exégétique de ce texte.

Mais alors, qu’adviendra-t-il de notre pratique en matière de bureaux après cette première décision des juges de droit ?

Le droit positif vient en effet de trancher la question des locaux industriels mais celle relative à l’applicabilité du droit de préférence aux bureaux n’a pas encore fait l’objet d’un arrêt de la Cour de cassation.

Des juridictions d’appel estiment que les bureaux loués destinés à une activité commerciale au sens de l’article L.110-1 du Code de commerce sont des locaux à usage commercial – CA Paris, 5-3, 1er décembre 2021, n° 20/00194 ; CA Rennes, 11 janvier 2022, n° 20/01661. Et, le locataire bénéficie alors du droit de préférence légal.

A l’inverse, et en raisonnement par analogie avec les locaux industriels, il serait logique que les bureaux loués pour une activité professionnelle soient exclus du droit de préférence légal; étant entendu qu’ils sont nullement visés à l’article L.145-1 du Code de commerce.

Les juges du fond s’attachent à l’usage effectif des locaux par le locataire nonobstant la destination contractuelle des lieux loués; destination ne laissant pas toujours entendre une activité commerciale.

Pas à pas la Haute juridiction, soucieuse de respecter la lettre du texte de l’article L.145-46-1 du Code de commerce entend en donner une interprétation stricte.

Un constat s’impose : les juges de droit devront un jour prochain se pencher sur la question des bureaux.

En effet, l’amendement n°148 visant à étendre le droit de préférence prévu à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce aux bureaux de professionnels non commerçants pratiquant une activité libérale ne fut pas adopté.

Tout comme les locaux industriels, les praticiens ont besoin d’une définition précise de la notion de bureaux pour acquérir la certitude qu’ils sont, soit soumis à l’article L.146-45-1 du Code de commerce soit, exclus.

Propriétaires de terrains : attention à ne pas devenir détenteurs de déchets !

A quel moment les objets accumulés sur un terrain deviennent-ils des déchets au sens de l’article L.541-1-1 du Code de l’Environnement pour lesquels le détenteur et/ou le propriétaire risque d’être sanctionné par la police des déchets ?

Le Conseil d’Etat répond à cette interrogation dans une décision du 26 juin 2023 – n° 457040.

Ainsi, des objets hétéroclites déposés par le détenteur sur un terrain dont il est propriétaire peuvent être regardés comme des déchets, au sens de l’article L.541-1-1 du Code de l’Environnement.

Juridiquement, le déchet correspond à « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ».

En pratique, cela signifie que tout objet dont on veut se défaire ou dont on doit se défaire serait constitutif d’un déchet.

Et, les producteurs ou détenteurs de celui-ci sont les seuls chargés de son élimination dont ils sont, d’ailleurs, responsables. L’article L. 541-1-1 du Code de l’Environnement définit le producteur de déchets de la manière suivante : « toute personne dont l’activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ».

Mais, à défaut, de pouvoir identifier un producteur, la gestion des déchets incombe au détenteur.

Selon ce même article, est détenteur de déchets : « le producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ».

Au surplus, conformément à l’article L. 556-3 du Code de l’Environnement, en l’absence de producteur ou de détenteur connu des déchets, le propriétaire du terrain sur lequel ils sont déposés peut être regardé comme le détenteur au sens de l’article L. 541-2 du Code de l’Environnement et en être le seul garant.

A l’inverse, le seul fait d’être propriétaire du terrain où se trouve le déchet n’implique pas d’en être le détenteur.

Il est néanmoins nécessaire de rapporter la preuve d’une absence de négligence fautive quant au traitement de ces déchets pour ne pas être tenu pour responsable de leur abandon -CE, 13 octobre 2017, n° 397031.

En effet, le propriétaire négligent sera obligé, à tout le moins, de l’élimination à ses frais des déchets se trouvant sur son terrain.

De deux choses l’une :

Le propriétaire découvre qu’un tiers a abandonné des déchets sur son terrain.

Il aura alors intérêt à informer sans délai la commune du lieu de situation de l’immeuble et faire constater les faits; tout en démontrant qu’il demeure étranger à cet abandon.

Seul, le véritable détenteur en sera alors responsable.

Ou, le propriétaire est également le détenteur des déchets, par négligence.

Cet abandon de déchets ou dépôt sauvage sera alors susceptible de sanctions à son encontre.

L’article L. 541-3 (I) du Code de l’Environnement encadre les pouvoirs de l’autorité administrative en cas d’abandon, de dépôt ou de gestion illégale des déchets :

« […] Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application (..) l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt et, après l’avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours (..) peut lui ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 euros et le mettre en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé.

Et, la loi « climat et résilience » insère un nouveau délit à l’article L. 541-46 du Code de l’environnement : le non-respect de la mise en demeure visée par l’article L.541-3 (I) du Code de l’Environnement est puni de trois ans d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende lorsque cette infraction expose directement la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable.

Force est alors de constater que, pas à pas, un cadre juridique se construit pour lutter contre le fléau de l’abandon des déchets.

Les propriétaires de terrains peuvent, dès lors, se voir rappeler à l’ordre !

Dans ce contexte, les magistrats du Conseil d’Etat estiment que lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter le caractère de déchets au regard de l’article L. 541-1-1 du Code de l’Environnement; alors même qu’ils y sont déposés par le propriétaire du terrain.

Après cette décision, un bien sera aussi qualifié de déchet au vu de son état et de ses conditions de dépôt : une appréciation pragmatique est alors adoptée.

Les magistrats entendent ainsi certainement simplifier l’exercice, par les maires, de la police administrative des déchets.

Ils sont, en effet, tenus de contrôler ces dépôts sur leur territoire : il faut alors acquérir de façon tangible la certitude de l’abandon du bien par son détenteur.

Ces critères s’ajoutent à celui du caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable -Conseil d’Etat, 24 novembre 2021, n°437105 : ainsi, et “aux fins d’apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de ces dispositions, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable” .

Mais demeure néanmoins une interrogation d’importance : comment acquérir la certitude qu’un bien fera ou non l’objet d’une réutilisation sans transformation préalable ?

Le Conseil d’Etat ne nous apporte aucune réponse.

Cette décision du 26 juin 2023 précise simplement : est insuffisante, l’affirmation du propriétaire du terrain indiquant qu’il n’entendait pas se défaire du bien – mais sans pour autant indiquer son utilisation ultérieure- pour contester la présence de déchets sur son terrain et ce, lorsque les autres critères sont remplis.

Il est en effet un principe constant : nul ne peut se constituer de preuve à soi-même. Le propriétaire du terrain devait , pour se décharger de sa responsabilité, apporter des éléments de preuve extérieurs. Une simple déclaration de sa part est irrecevable.

L’abandon des déchets n’est donc pas l’apanage des installations classées : un pouvoir spécial de police instauré à l’article L.541-3 du Code de l’Environnement est le gardien de l’abandon de déchets et ce, quel que soit la qualité de leurs auteurs.

Les propriétaires de terrains n’en sont donc pas exempts !

L’héritier réservataire, le légataire universel et la déclaration de succession : une trilogie délicate

Retour sur la décision du Conseil constitutionnel du 1er juin 2023 n° 2023-1051 QPC

L’héritier réservataire est-il tenu de déposer, en présence d’un légataire universel, une déclaration de succession dans les six mois du décès?

Le Conseil constitutionnel a répondu par l’affirmative, à l’occasion, d’une question prioritaire de constitutionnalité.

La doctrine administrative, il est vrai, est claire sur ce sujet.

Ainsi, « le délai fixé par la loi est le même pour tous. Il s’applique même aux héritiers ou légataires mineurs. Ce délai court du jour du décès, sans que l’administration ait à prouver l’acceptation des héritiers, donataires ou légataires. Le principe est applicable même lorsque les successibles contestent la validité du testament laissé par le défunt. Ainsi, en principe, tout héritier apparent doit déclarer la succession dans le délai légal, même s’il n’a pas encore obtenu la délivrance de son legs ou si la dévolution héréditaire est contestée »(V. BOI-ENR-DMTG-10-60-50, 30 oct. 2014, § 40).

Le seul cas particulier est celui de la contestation des droits successoraux pouvant donner lieu à un report du délai de l’article 641 du Code Général des Impôts et ce, à certaines conditions – Cass. com, 5 mars 1991, n° 89-18298.

Mais un légataire universel, est, dès le jour du décès, immédiatement saisi de l’intégralité de l’actif successoral.

L’héritier réservataire obtient, quant à lui, le règlement de sa réserve héréditaire par le paiement, le cas échéant, de l’indemnité de réduction lui revenant, lorsque ses droits sont déterminés.

Celui-ci a intérêt à fixer rapidement le montant de sa créance, afin d’éviter toute source de difficulté relative à l’état et la valorisation des biens à l’ouverture de la succession.

Mais, la fixation et le paiement de cette indemnité prennent du temps, même si les parties s’entendent à l’amiable.

Et, le délai afférent à la déclaration de succession reste, quant à lui, limité par la réglementation fiscale : l’application cumulatives des articles 724 alinéa 1 du Code civil et 641 et 1701 du Code Général des Impôts conduisent à un règlement des droits de succession dans un délai de six mois à compter du jour du décès.

Il apparait alors délicat de concilier ce délai de six mois et le temps réel de la succession !

En présence d’un légataire universel ces dispositions légales conduisent, dans certaines circonstances, l’héritier réservataire à payer les droits de succession avant le règlement de sa créance d’indemnité de réduction.

Même si héritiers et légataires se mettent d’accord et évitent ainsi un contentieux, le temps de l’accord est incompressible et dépasse souvent le délai légal de 6 mois.

Tel est le cas, dans cette décision, du 1er juin 2023.

L’administration fiscale notifie aux héritiers une proposition de rectification, du fait d’un dépôt hors délai de la déclaration de succession – intérêts de retard et une majoration de 10 % .

Le dépôt a eu lieu après le délai de 6 mois en raison de la signature d’un protocole d’accord sur le montant de l’indemnité de réduction.

La question prioritaire de constitutionnalité est donc fondée sur l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 posant le principe d’égalité devant les charges publiques  – Cass. com., 5 avril 2023, n° 23-40.001.

Ainsi, lorsque la perception d’un revenu ou d’une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource.

Dès lors, il apparait contraire à ce principe, d’obliger ici l’héritier à déposer la déclaration et à régler les droits dans ce délai légal de 6 mois.

Toutefois, le Conseil Constitutionnel estime qu’en présence d’un légataire universel, les héritiers réservataires sont tenus de verser des droits de succession au titre des biens non encore transmis et dont ils n’auraient pas encore perçu la contre-valeur imposable.

Ce n’est donc pas contraire à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme.

Les sages du Palais Royal considèrent que le versement de l’indemnité à l’héritier réservataire, retardé du fait de la présence d’un légataire universel, est sans incidence sur l’appréciation des capacités contributives de l’héritier .

S’agissant de l’héritier réservataire, créancier d’une indemnité de réduction, il ne peut donc pas différer l’exigibilité des droits de mutation afférents à sa part réservataire en invoquant le retard du légataire universel dans le paiement de sa créance.

Ainsi,  il est dans l’obligation de verser le montant des droits dus alors même qu’il n’aurait pas encore reçu le paiement de sa créance.

Les héritiers réservataire peuvent-ils alors demander au légataire le remboursement des pénalités de retard payées à l’administration fiscale ?

La réponse est négative.

L’application exégétique des articles 1705 et 1709 du Code général des Impôts – désignant les débiteurs des droits de succession – conduit la Cour de cassation à considérer que le légataire universel ne peut être tenu du règlement des droits de succession d’un bien, dont il n’est pas le bénéficiaire final – Cass. 1re civ., 10 juill. 1990, n° 88-19.475.

La position de l’administration fiscale, confortée par le Conseil Constitutionnel, s’en trouve renforcée : elle ne tiendra pas compte des circonstances empêchant le redevable de transmettre la déclaration de succession dans les 6 mois du décès notamment lorsqu’il lui est impossible, dans ce délai, de connaitre le montant de l’émolument qu’il doit recueillir.

La question est alors de sécuriser l’héritier réservataire agissant en réduction du leg universel.

Ne pourrions-nous pas suggérer au législateur d’attribuer à l’héritier réservataire une sûreté sur les biens légués tant que sa créance au titre de l’indemnité de réduction n’est pas payée?

Légalement, il suffirait de modifier l’article 924 du Code civil en attribuant, par exemple, un droit de rétention sur ces biens au profit de l’héritier réservataire et ce, dans l’attente du paiement de sa créance ou, un privilège légal du fait de sa qualité d’héritier.

A défaut, l’on ne peut que constater la situation de fragilité dans laquelle se trouve cet héritier, contraint de payer des droits, sans pouvoir connaitre de manière précise leur étendue et le quantum de l’indemnité de réduction.

Servitudes de cours communes et conditions d’éclairement des immeubles dans le PLU de la ville de Paris

Propos autour de la décision du Conseil d’Etat du 12 avril 2023, n° 451794

Le 12 avril dernier, le Conseil d’Etat se prononçait sur les articles UG 7.1 et UG 7.2 du PLU de la ville de Paris, portant respectivement sur les conditions d’éclairement des immeubles et les servitudes de cours communes entre des terrains contigus.

Les propriétaires d’appartements sur la parcelle voisine du projet entendaient annuler, en justice, le permis de construire, source pour eux de mécontentement.

D’une part, l’immeuble de six étages projeté allait faire perdre totalement leur ensoleillement aux salles de bains, alors même que ces pièces donnaient elles-mêmes sur un mur pignon mitoyen de l’immeuble, objet du permis.

Les magistrats se devaient donc d’examiner, si le projet autorisé, était de nature à pouvoir être interdit aux termes de l’article UG 7.1 du PLU de la ville de Paris.

En effet, l’implantation d’une construction en limite séparative peut être refusée, si elle a pour effet de porter gravement atteinte aux conditions d’éclairement de l’immeuble voisin.

Il y avait-il, en l’espèce, une telle atteinte ?

La réponse est négative car la gravité de l’atteinte doit s’apprécier en tenant compte des caractéristiques de la pièce, de sa destination et de l’incidence de son niveau d’éclairement sur les appartements concernés.

Manifestement, la perte d’ensoleillement d’une salle de bain n’est pas une atteinte suffisamment grave et ce d’autant plus que les fenêtres concernées étaient des “jours de souffrance” et donc, des ouvertures laissant passer la lumière sans offrir de vue et, destinées uniquement à offrir un apport lumineux.

Au surplus, il ne s’agissait pas ici d’une privation de lumière mais d’une perte d’ensoleillement

L’article UG 7.1 du PLU de la ville de Paris a d’ailleurs fait l’objet de décisions antérieures.

Une atteinte grave aux conditions d’éclairement suppose une obstruction significative de la lumière et non une simple diminution de la luminosité – CE, 20 octobre 2017, n° 399508- et, même si la construction a pour effet de priver les appartements situés dans des étages moins élevés des rayons directs du soleil, elle peut néanmoins être autorisée – CE, 22 novembre 2019 n°420948.

Le Conseil d’Etat se fonde alors sur un faisceau d’indices concordants pour démontrer l’absence d’atteinte grave aux conditions d’éclairement de l’immeuble.

Il est donc tenu compte de la destination des pièces, de leur qualité et de la configuration des appartements pour apprécier si la construction voisine porte réellement atteinte à l’éclairement général de l’appartement et peut être refusée au sens de l’article UG 7.1 du PLU de la ville de Paris.

En réalité les requérants ne disposaient pas ici de l’intérêt à agir dicté par l’article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme : le projet n’était pas de nature à affecter directement “les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance” de leurs appartements.

Ces derniers, reprochent alors au pétitionnaire l’institution d’une servitude de cour commune avec le propriétaire d’une parcelle contigüe non bâtie.

Cette servitude permettait l’ouverture de vue en limite séparative.

Elle offrait alors la possibilité de repousser les limites séparatives prises en compte pour l’application des règles de prospect.

L’article UG 7.2 du PLU de la ville de Paris autorise les propriétaires de terrains contigus à constituer entre leurs bâtiments des cours communes.

Ici il s’agissait d’instituer cette servitude entre un bâtiment et une parcelle n’en comportant pas. Les requérants estimaient ces servitudes possibles, simplement, entre deux terrains bâtis et donc, en l’espèce, irréalisables.

Leur argument n’a pu prospérer.

En effet, l’article L.471-1 du Code de l’Urbanisme pose le principe de validité d’une telle servitude entre deux fonds que le terrain comporte ou non des bâtiments .

La servitude de cour commune instituée tant par le Code de l’Urbanisme que par le PLU de la ville de Paris a comme finalité d’aménager les constructions présentes et/ou à venir par rapport aux limites séparatives de deux propriétés adjacentes.

De telles servitudes, au demeurant instituées pour des projets de constructions futures auraient, peu ou pas d’utilité, si elles étaient constituées uniquement entre deux terrains déjà bâtis.

Le conseil d’Etat a donc validé le projet de construction et estimé que la convention de cour commune était conforme à l’article UG 7.2 du PLU de la ville de Paris , même si l’une des parcelles ne comportait pas de bâtiment.

L’utilité de la servitude de cour commune prend ici tout son sens.

Une telle servitude ne permet pas de s’affranchir des règles de distance instituées par le PLU.

Mais, elle permet néanmoins de prendre en compte, pour apprécier ces règles de distance, non seulement le terrain du propriétaire qui souhaite construire, tel que délimité par la limite séparative, mais également une partie de la surface du fonds voisin sur lequel la servitude est établie – voir en ce sens, Réponse ministérielle n°13002, JO Sénat, 14 mai 2020, p.2237.

La servitude de cour commune institue donc un juste équilibre entre l’intérêt général garantit par le respect des règles d’urbanisme et l’intérêt du propriétaire désireux de construire et d’aménager de manière pertinente sa parcelle.

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 : vers un coup d’accélérateur pour les projets éoliens?

Les opérateurs d’énergies renouvelables l’attendaient avec impatience et ce, depuis l’instruction de la Direction générale de l’Energie et du Climat du 16 septembre 2022 –  Instruction n° ENER2226074C- annonçant de nouvelles mesures législatives concernant le traitement des dossiers éoliens par les services de l’Etat.

C’est chose faite : la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 fut promulguée le 10 mars 2023 et, validée pour la plupart de ses dispositions, par une décision du Conseil Constitutionnel du 9 mars 2023 – décision n°2023-848. Il ne manque plus que ses décrets d’application.

Plusieurs dispositions de ce texte sont destinées à favoriser le développement de l’éolien et, entendent ainsi tenir compte des particularismes territoriaux.

Le législateur veut sécuriser les opérateurs en instaurant une présomption d’intérêt public majeur.

Selon, le nouvel article L.411-2-1 du Code de l’Environnement, les projets d’installations et de stockages de production d’énergies renouvelables bénéficieront d’une telle présomption lorsqu’ils satisferont aux différents critères légaux.

Les conditions de cette présomption seront définies par un décret en Conseil d’Etat.

Celles-ci seront établies, à la lecture de l’article L.211-2-1 du Code de l’Energie, en tenant compte “du type de source d’énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)“.

Ce sont donc les futures dispositions du décret d’application qui vont rendre, en principe, moins difficile, la réalisation des installations et du stockage de l’énergie ainsi produite.

Dès lors, les projets éoliens, dans la lignée du règlement européen n° 2022/2577 du 22 décembre 2022, pourront bénéficier plus aisément d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte à des espèces protégées; prohibition instituée à l’article L.411-1 (I) du Code de l’environnement.

Cette dérogation n’est acquise que si le projet relève d’un “intérêt public supérieur”.

En effet, ces projets en tant que tels, présentent un risque caractérisé d’atteinte aux espèces protégées et/ou à leurs habitats. Si le risque existe, ils doivent faire l’objet d’une dérogation préfectorale.

L’article L. 411-2 du Code de l’Environnement subordonne l’octroi de cette dérogation à plusieurs conditions cumulatives : le projet sera justifié par une raison impérative d’intérêt public majeur, aucune solution de substitution ne doit être envisageable et la dérogation ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Toutefois, l’octroi de cette dérogation suscite depuis longtemps un contentieux important, source d’insécurité pour les porteurs de projet.

Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs rendu un avis le 9 décembre 2022 – avis n° 463563- énumérant les hypothèses pour lesquelles le pétitionnaire devait demander une dérogation tout en précisant les éléments d’appréciation dont l’autorité administrative devait tenir compte.

Pour autant, un tel avis était insuffisant dans le silence des textes pour apporter une sérénité suffisante en la matière.

Il était devenu indispensable, d’inscrire, dans le marbre, les conditions permettant à une installation de production et de stockage d’énergie renouvelable de bénéficier d’une telle dérogation.

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 mars dernier, notamment, de ce point précis.

Il était reproché au nouveau texte et, donc à l’article L.411-2-1 du Code de l’Environnement, de ne pas respecter l’objectif constitutionnel de protection de l’environnement; compte tenu des effets nocifs possibles des installations sur la santé des riverains et sur les espèces protégées et leurs habitats.

Ce faisant, pour les sages de la rue Montpensier, le législateur a respecté, avec ce nouvel article, cet objectif de protection de l’environnement.

Certes, l’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » mais, certaines limitations existent pour des motifs d’intérêts généraux et si elles sont proportionnées à l’objectif poursuivi. Ces limitations permettent d’autoriser, entre autres, un projet éolien.

Au-delà de cette présomption, le législateur a aussi entendu lever les blocages des opérateurs installant les radars de l’Armée ou de la Direction générale de l’Aviation civile – dont l’opposition à l’installation d’éoliennes est connue – à l’encontre des porteurs de projet éolien.

Un nouvel article L.515-45-1 du Code de l’Environnement incite les opérateurs éoliens à compenser la gêne provoquée par leurs projets sur les différents radars et ce, pour permettre une meilleure cohabitation entre radars et éoliennes. Ainsi, ces opérateurs peuvent prendre en charge l’installation et la maintenance d’équipements de compensation pour le fonctionnement des radars ou fournir des données d’observation à Météo-France.

Pour autant, la loi du 10 mars dernier comporte aussi des mesures de freinage et non d’accélération de l’éolien.

Un nouveau concept fait son apparition dans le texte de loi: celui de saturation visuelle.

Les autorisations environnementales devront, selon l’article L.515-44 du Code de l’Environnement, tenir compte « du nombre d’installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent déjà existantes dans le territoire concerné, afin de prévenir les effets de saturation visuelle en vue de protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 »

Cette notion est subjective : elle a la particularité de se situer à mi-chemin entre l’objectif de préservation des paysages et celui de protection de la commodité du voisinage, principes institués à l’article L.511-1 du Code de l’Environnement. Elle est aisément invoquée par les opposants et l’État pour s’opposer aux projets s’inscrivant dans une logique de densification éolienne – voir en ce sens, CAA DOUAI, 18 juillet 2022, n°21DA00632.

Il est à craindre, que ce concept de “saturation visuelle” donne lieu à de nombreux contentieux.

Au surplus, chaque schéma de cohérence territorial devra l’intégrer dans sa partie réglementaire, au titre des orientations en matière de préservation des paysages – article L.141-1 du Code de l’Urbanisme.

Enfin, la loi crée des zones d’accélération des énergies renouvelables – article L. 141-5-3 du Code de l’Energie.

Une fois ces zones créées, chaque commune dispose d’un droit de véto sur son territoire pour s’y opposer. Certaines d’entre elles, défavorables à l’éolien pourraient l’exercer pour interdire ou freiner l’avancement des projets.

A la question, de savoir si cette loi est un réel coup d’accélérateur pour les projets éoliens, la réponse semble en demi-teinte : les mesures telles qu’elles sont annoncées vont certainement permettre de concilier plus aisément les intérêts environnementaux et ceux propres aux parcs éoliens.

Elles vont aussi probablement faciliter l’intégration et la compréhension des projets au niveau des territoires et des acteurs locaux.

Mais, la création de zones d’accélération ou la notion de saturation visuelle risquent à nouveau de les entraver..

En la matière, concilier tous les intérêts en présence n’est décidément pas chose facile !

La sous-location de “courtes durées” : le locataire n’est pas exempté de responsabilité !

Le locataire de sa résidence principale à usage d’habitation – au sens de l’article 2 de la loi n°89-462du 6 juillet 1989 – peut sous louer ce bien, de “courte durée”.

Bien entendu, cette sous-location doit être autorisée par le bailleur – article 8 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989- puisqu’elle est, de principe, interdite.

A défaut, le bailleur peut résoudre le bail et, en outre, réclamer le versement de dommages et intérêts.

Il se voit aussi attribuer les fruits civils constitués par les sous-loyers.

Ils appartiennent au propriétaire, par accession, si la sous location n’est pas autorisée – Cass. 3ème civ. 12 sept. 2019, n°18-20727.

Cette solution, favorable aux bailleurs leur permet ainsi de recouvrir l’intégralité des sous-loyers perçus.

Néanmoins, un locataire autorisé peut, de facto, faire de la location meublée au même titre que le propriétaire du local.

D’ailleurs la question posée à la Haute Juridiction, le 5 février dernier, était de savoir si le locataire, dument avalisé à sous-louer un local meublé d’habitation – au sens de l’article 8 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989- peut se voir infliger une amende civile pour violation de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation.

En effet, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation, celle-ci devrait être, très logiquement, requise pour ce type de sous-location.

Il est ainsi précisé au dernier alinéa de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation : “le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage (…)”.

Et, l’article L.651-2 du même Code indique : “toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L.631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé”.

Une lecture exégétique de l’article L.651-2 du Code de la Construction et de l’Habitation conduit inexorablement à la responsabilité du sous-locataire puisque “toute personne” peut être condamnée au titre de l’article L.631-7 du même Code.

La Haute juridiction répond alors positivement à la question de la responsabilité du locataire .

Elle approuve la Cour d’appel de Paris d’avoir affirmé qu’il appartient au locataire de s’assurer de l’autorisation du changement d’usage et ce, même si au terme du contrat de location, le propriétaire lui garantit la licéité de ce type de sous-location.

Pas à pas le régime juridique de la sous-location, encadré par l’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et par les articles L.631-7 et suivant du Code de construction et de l’Habitation, se construit.

Concrètement deux situations peuvent se présenter.

Soit, la sous-location est régulière : le locataire a l’autorisation écrite du propriétaire pour sous louer – celui-ci peut, négocier alors, la perception d’une partie du loyer.

Et, il est alors tenu alors, sauf si le propriétaire a déjà l’autorisation et même si le logement loué est sa résidence principale, dans les communes concernées, de solliciter une autorisation au titre de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation.

Au surplus, si le conseil municipal du lieu du logement loué décide de soumettre à déclaration préalable au titre de l’article L.324-1-1 du Code du tourisme les meublés de tourisme , le locataire aura la responsabilité de cette déclaration. Mais celle-ci est facultative lorsque le local constitue la résidence principale du loueur et qu’il ne le sous-loue donc pas plus de 4 mois dans l’année.

Soit, la sous-location est irrégulière : le locataire n’a pas l’autorisation du propriétaire pour sous-louer et/ou il n’a pas respecté les dispositions légales sur le changement d’usage.

La commune a alors une action contre le locataire au titre de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation et va solliciter le paiement d’une amende civile.

Et, le propriétaire peut alors – au delà même de la résolution du bail- démultiplier la rentabilité de son bien en sollicitant le versement de l’ensemble des sous-loyers perçus irrégulièrement – voir Cass 3ème civile, 12 septembre 2019, n°18-20727.

Qu’on se le tienne pour dit : il n’est pas si simple, pour un locataire, d’exercer une activité de loueur de meublés car les autorisations sont multiples et les sanctions sévères.

Quant aux gestionnaires d’immeuble, ils sont exonérés de toute responsabilité au titre de la législation sur le changement d’usage : « celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique, en méconnaissance de l’article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l’article L. 324-2-1 du Code du tourisme, n’encourt pas l’amende civile prévue » (Cass. civ. 3, 9 novembre 2022, cinq arrêts, n° 21-20.464, n°21-20.467, n°21-20.466, n°21-20.465, n°21-20.468.

Une nouvelle déclaration obligatoire, avant le 1er juillet 2023, pour les propriétaires de locaux d’habitation !

Depuis le 1er janvier 2023 et avant le 1er juillet de chaque année, les propriétaires, personnes physiques ou morales de biens immobiliers, sont tenus de déclarer les modalités d’occupation de leurs biens et ce même s’ils sont vacants.

Cette nouvelle déclaration est née de la réforme de la taxe d’habitation instaurée par l’article 16 de la loi de finance n° 2019-1479 du 28 décembre 2019. Fut ainsi organisée la suppression, à terme, de cette taxe pour l’ensemble des résidences principales.

Ainsi, entre 2021 et 2023 est abrogée, de façon progressive, la taxe d’habitation de la résidence principale, pour les 20 % de contribuables y demeurant assujettis et ce, depuis le début de sa suppression en 2020.

Ces derniers bénéficient d’une exonération de 30 % en 2021 et d’une exonération de 65 % en 2022, avant sa suppression totale sur les résidences principales en 2023.

Cette taxe était initialement établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables (art. 1407ode Général des Impôts).

Dans l’assiette de celle-ci, sont notamment compris, les locaux meublés affectés à l’habitation principale ou secondaire, ainsi que les locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes qui ne sont pas retenus pour l’établissement de la cotisation foncière des entreprises (CFE).

À compter des impositions établies au titre de 2023, seuls les locaux autres que ceux affectés à l’habitation
principale, à savoir les résidences secondaires, les locaux non affectés à l’habitation principale et les logements vacants, seront soumis à cette taxe.

Cette taxe est désormais la « taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale ».

Une nouvelle obligation déclarative est donc instaurée pour permettre à l’administration d’avoir connaissance de l’usage des biens immobiliers et ainsi, émettre la taxe, le cas échéant, les concernant.

Elle fait l’objet d’une codification à l’article 1418 du Code Général des Impôts, en vigueur depuis le 1er janvier 2023.

Les propriétaires de résidences secondaires et autres locaux meublés, non affectés à l’habitation principale, seront tenus de faire cette déclaration par voie électronique à l’administration fiscale, avant le 1er juillet de chaque année.

Les informations transmises sont relatives à la nature de l’occupation de ces locaux (s’ils s’en réservent la jouissance) ou à l’identité du ou des occupants desdits locaux (s’ils sont occupés par des tiers).

En cas de manquement à cette obligation déclarative, d’inexactitude ou d’omission déclarative, une amende de 150 € par local pourra être appliquée (art. 1770 terdecies du Code Général des Impôts).

Une dispense de déclaration est néanmoins prévue lorsqu’aucun changement, dans les informations transmises, n’est intervenu depuis la dernière déclaration.

En d’autres termes, un propriétaire qui détient un bien immobilier à usage locatif ou une résidence secondaire ne sera pas tenu, une fois sa déclaration effectuée en 2023, de la réitérer avant le 1er juillet 2024 si la situation d’occupation du bien est identique. A l’inverse, si sa résidence secondaire est, après le 1er juillet 2023, louée à un tiers, une nouvelle déclaration sera nécessaire avant le 1er juillet 2024.

En pratique, sur le site des impôts, un nouveau service en ligne, nommé « Gérer mes biens immobiliers », est accessible depuis août 2021.

Il est utilisé pour dématérialiser les déclarations foncières, liquider les taxes d’urbanisme et permettre à chaque propriétaire d’avoir une vision de l’ensemble de ses propriétés bâties situées en France et de leurs caractéristiques.

Depuis le 1er janvier 2023, ce service permet de déclarer en ligne la situation d’occupation de ses biens immobiliers.

Il est donc nécessaire, pour ceux concernés, d’effectuer cette déclaration avant le 30 juin 2023 minuit !

L’usucapion d’un immeuble par une commune

Propos autour de la décision de la Cour de Cassation du 4 janvier 2023 – pourvoi n° D21-18.993.

En 2011, à la question de savoir « si les communes peuvent se prévaloir de l’acquisition de biens au profit de leur domaine public par la voie de la prescription acquisitive trentenaire », il était répondu par le ministère délégué aux collectivités territoriales : « cette modalité d’acquisition de biens ne figure pas parmi celles que prévoit le [CGPPP] » – JOAN 22 mars 2011, p. 2727.

Cette réponse ministérielle venait, en son temps, démentir la jurisprudence judiciaire antérieure – Cass. 3ème civ. 4 janv. 2011, n° 09-72.708 ; Lyon, 1er mars 2011, n° 09/04162.

Elle fut, néanmoins, corroborée par une autre réponse, excluant, à nouveau, l’acquisition par prescription au profit des communes – Réponse min n° 16103, JO Sénat 8 mars 2012, p.643.

Il est vrai, la possession au sens du droit civil c’est à dire non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire est une notion ignorée du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques – CGPPP.

Le principe d’imprescriptibilité des biens du domaine public a eu, pour effet, d’exclure du droit public, la question de la prescription acquisitive ou de l’usucapion qui constitue, en droit civil, par le biais de la possession, un moyen régulier d’acquérir la propriété d’un bien.

Mais, le 4 Janvier dernier, la Haute juridiction indique clairement, dans une décision de principe, que les personnes publiques peuvent acquérir par prescription acquisitive et ce, alors même que les juges du fond émettaient une position contraire.

Des décisions antérieures existaient en ce sens – Cass. 3ème civ, 3 juin 2014, n° 13-15625 , Cass. 3ème; 1er février 2018, n° 16.23200.

Mais, pour l’essentiel et depuis la doctrine ministérielle, ce contentieux judiciaire était propre aux chemins ruraux, immeubles appartenant au domaine privé de l’Etat – art. L.161-1 du Code rural.

Mais alors et, quel que soit la nature de l’immeuble une fois acquis – domaine public ou privé -, les personnes publiques peuvent-elles acquérir par prescription dans les conditions du droit civil ?

La réponse donnée, par la Haute Juridiction, le 4 janvier 2023 apparait sans appel.

La commune est bien fondée à revendiquer, au visa des articles 712 et 2258 du Code civil, la propriété d’une parcelle, sur le fondement de l’usucapion.

Le principe semble donc acquis : si les conditions de la possession telles qu’elles sont indiquées à l’article 2261 du Code civil sont réunies, une commune peut prescrire un bien ou un droit réel immobilier, à l’issue d’un délai de prescription de trente ans, ramené à dix ans si celui-ci est acquis de bonne foi et par un juste titre.

Ce mode d’acquisition de la propriété, né du droit civil peut être revendiqué par une commune et, semble t-il, par l’ensemble des personnes publiques.

Ces dernières bénéficient légalement, par application du Code civil, d’une possession “virtuelle” pour leur permettre de devenir propriétaire et ce, dans deux cas précis.

Selon l’article 539 du Code civil, « les biens des personnes qui décèdent sans héritier ou dont les successions sont abandonnées appartiennent à l’État ».

Ces biens entrent alors dans le domaine privé de l’État qui en est, au départ, possesseur jusqu’à ce qu’il exerce ses droits de déshérence menant à l’appropriation définitive qui aura un effet rétroactif au jour du décès du de cujus.

Selon l’article 713 du Code civil, modifié par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022, “les biens qui n’ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés” même si, cette dernière peut y renoncer.

A ces modes d’appropriation de biens au bénéfice des personnes publiques, l’on peut donc ajouter l’usucapion.

La possession telle qu’elle est requise par l’article 2261 du Code civil permet de consolider des situations de fait et, par ce biais, d’acquérir un immeuble et/ou des droits réels immobiliers par l’écoulement du temps.

La maîtrise factuelle de la chose, par une possession utile au sens du Code civil, profite alors aussi aux personnes publiques.

Ainsi et fort heureusement, le droit positif vient contredire les réponse ministérielles de 2011 et 2012.

Le principe selon lequel le CGPPP fixerait une liste exhaustive des procédés d’acquisition par les personnes publiques, ne permettant pas d’en invoquer d’autres et, notamment la prescription acquisitive reste aujourd’hui lettre morte.

En effet, s’il n’existe que des procédés d’acquisition prévus par le CGPPP, les personnes publiques ne pourraient, entre autres, pour devenir propriétaires conclurent un contrat de crédit-bail et/ou une vente en l’état futur d’achèvement.

Il est donc temps d’oublier la doctrine ministérielle de 2011 et 2012.

La Cour de cassation n’a jamais empêché une personne publique de bénéficier de la prescription acquisitive.

En effet, avant les réponses ministérielles en sens contraire. elle admettait ce mode d’acquisition de la propriété.

Ainsi la prescription est admise sur une voie pour laquelle la commune ne disposait d’aucun titre mais pouvait se prévaloir d’une possession plus que trentenaire, attestée par des travaux d’entretien anciens et une affectation continue à la circulation générale – CE, 16 nov. 1991, n° 71102, Jurisdata, n° 1991-047477.

De même, une commune justifiant d’actes de possession trentenaire, par des aménagements publics, un entretien constant et une ouverture au public de la totalité d’une place servant au passage public et à la circulation générale doit être considérée comme le propriétaire de ladite place – Casss. 3ème civ. 25 février 2004, n° 02-20.481.

La décision des juges de droit du 4 janvier 2023 est donc la bienvenue.

La possession pour les communes devient, sans doute possible, une voie d’acquisition de la propriété d’un bien immobilier.

La notion de possession a manifestement trouvé son chemin dans le droit patrimonial des personnes publiques.

La nullité d’une promesse de vente de plus de 18 mois est relative : un second souffle pour le promettant désireux de signer l’acte réitératif d’une telle promesse ?

Le principe est connu de tous : les promesses de vente de biens immobiliers ou de droits réels, promesses de bail à construction ou emphytéotique, authentiques ou unilatérales, portant sur des immeubles ou sur des droits à vocation industriels ou commerciaux, liées ou non à la création d’habitations individuelles ou d’immeubles collectifs, font, obligatoirement, l’objet d’un acte authentique et ce, dès lors qu’elles sont consenties par une personne physique et, que leur durée initiale excède dix-huit mois ou, que leur prorogation, porte leur durée totale de l’acte à plus de dix-huit mois.

Cette norme, issue de l’article L.290-1 du Code de la Construction et de l’Habitation est complétée par l’article L.290-2 du même code. Ce dernier concerne les promesse unilatérales de vente et, fixe, pour l’indemnité d’immobilisation, un montant minimal à verser, à savoir 5% du prix de vente.

Cette indemnité d’immobilisation est le prix de l’option. Le vendeur consent au bénéficiaire l’exclusivité du droit réel ou du bien immobilier qu’il détient.

Ainsi, pendant 18 mois minimum, le vendeur ne peut, en principe, céder son bien à un tiers et le bénéficiaire de l’option conserve la liberté de ne pas opter et donc, de ne pas acheter. L’indemnité sera d’ailleurs due, uniquement, si l’option n’est pas levée par le futur acquéreur et ce, nonobstant l’accomplissement des conditions suspensives prévues au sein de l’acte.

L’irrespect du formalisme de l’article L.290-1 du Code de Construction et de l’Habitation est sanctionnée par la nullité de la promesse qu’elle soit unilatérale ou synallagmatique.

Un acte authentique est donc requis pour la formation de ces promesses de vente de longue durée.

Cette exigence est née, au départ, de l’idée de protéger le promettant, personne physique, face à un professionnel de l’immobilier disposant d’une longue durée pour réitérer, ou non, l’acte authentique ou décider de lever, ou non, l’option.

Le notaire est apparu la personne idoine pour informer le vendeur des conséquences de la paralysie de son bien ou droit immobilier pendant plus de 18 mois et, pour le conseiller au mieux.

L’article L.290-1 du Code de la Construction et de l’Habitation détermine, ainsi, le seul mode admissible d’expression de la volonté des parties, désireuses de signer une promesse de longue durée.

Sans acte authentique, l’accord de volonté n’existe pas et il est donc nul. Cette affirmation sans nuance peut être, néanmoins, éprouvée par la nature de la nullité encourue.

Celle-ci n’est pas précisée par le Code de la Construction et de l’Habitation. Il convient donc, dans le silence du droit spécial, de revenir aux dispositions du Code civil pour connaitre l’essence de cette nullité.

En droit, la nullité absolue est la sanction de la violation d’une règle d’intérêt général -article 1179 du Code civil. Elle est ouverte à tout ceux, pourvus d’un intérêt à agir, voulant contester l’acte. Elle est non susceptible de confirmation.

A l’inverse, la nullité relative protège un intérêt particulier : elle peut être confirmée et, doit être invoquée uniquement par la partie que la loi entend protéger – article 1181 du Code civil.

La question est donc de savoir si l’article L.290-1 du Code de la Construction et de l’Habitation institue un ordre public de protection ou de direction.

Sans doute possible, cette disposition entend garantir au vendeur promettant – particulier profane ou averti ou professionnel agissant en son nom – qu’il a bien conscience de la portée de son acte, engendrant l’immobilisation de son bien ou de son droit immobilier pendant de longs mois, voire quelques années.

C’est donc, en toute vraisemblance, une règle d’ordre public de protection relevant du régime des nullités relatives, institué par l’article 1181 du Code civil.

Et, c’est alors, en toute logique que la Cour de cassation l’a entérinée dans une décision du 26 novembre 2020 – n° 19-14.601- venant, ainsi, confirmer la solution des juges du fond – CA Nimes, 22 octobre 2020, n° 18/03080.

Cette décision statue sur la validité d’un protocole sous seing privé, annexé à un contrat de bail. Aux termes du protocole, les parties s’accordaient sur la vente de l’appartement loué, dans un délai de vingt-quatre mois, prorogable ensuite de douze mois. Les locataires, bénéficiaires de ce protocole, entendaient l’annuler pour non respect du formalisme de l’article L.290-1 du Code de la Construction et de l’Habitation.

La Haute Juridiction adopte la position de la Cour d’Appel : elle rappelle que cette disposition légale protège le seul vendeur. Il est alors aussi le seul à pouvoir agir en nullité, celle-ci étant donc relative.

Cette décision statue sur la validité d’un protocole sous seing privé, annexé à un contrat de bail. Aux termes du protocole, les parties s’accordaient sur la vente de l’appartement loué, dans un délai de vingt-quatre mois, prorogable ensuite de douze mois. Les locataires, bénéficiaires de ce protocole, entendaient l’annuler pour non respect du formalisme de l’article L.290-1 du Code de la Construction et de l’Habitation.

La Haute Juridiction adopte la position de la Cour d’Appel : elle rappelle que cette disposition légale protège le seul vendeur. Il est alors aussi le seul à pouvoir agir en nullité, celle-ci étant donc relative.

La Haute Juridiction adopte la position de la Cour d’Appel : elle rappelle que cette disposition légale protège le seul vendeur. Il est alors aussi le seul à pouvoir agir en nullité, celle-ci étant donc relative.

Cette précision apportée par la Cour de cassation, le 26 novembre dernier, pourrait avoir une portée pratique considérable.

Ainsi, seul le vendeur peut invoquer la nullité d’une promesse sous seing privé de plus de 18 mois.

S’il ne l’invoque pas, l’acte perdure. Il sera donc suivi de la réitération de la promesse par acte authentique.

Cette réitération vaut-elle confirmation de la promesse affectée par la nullité relative?

Pour y répondre, il convient d’analyser les conditions de la confirmation posées par le Code Civil.

La confirmation telle qu’instaurée par l’article 1182 du Code civil suppose que son auteur renonce expressément à se prévaloir de la nullité. Elle ne peut intervenir qu’après la conclusion de l’acte affecté par la cause de nullité. Et, elle est soumise à aucune modalité et, peut être tacite, c’est à dire résulter de l’exécution volontaire de l’acte prétendument nul – article 1182 al.3 du Code civil.

Dès lors, l’acte réitératif pourrait valoir confirmation tacite.

Toutefois, il est prudent et même recommandé de prévoir une clause dans l’acte de vente, actant de la confirmation.

Celle-ci reflètera la connaissance par le vendeur de la nullité de la promesse et sa volonté de renoncer à cette nullité par la réitération de l’acte. La vente sera signée et la nullité de la promesse confirmée.

Le processus contractuel ira alors à son terme.

Et, une nouvelle fois, notre plume se calquera sur le droit positif pour rédiger des clauses et des actes, véritables miroirs de la volonté des parties.


Division primaire, lotissements, permis valant division : retour sur ces distinctions, à l’aune, de la décision du Conseil d’Etat du 12 novembre 2020

La faculté de diviser sa propriété et de parceller une unité foncière témoignent de la libre disposition de nos droits.

Pourtant, chacun de nous le sait : à chaque division foncière projetée dans nos dossiers, les règles d’urbanisme viennent la contrôler, lui donner un régime et nous obligent parfois à l’amender .

Au final, la maitrise de l’opération immobilière suppose d’avoir orchestré et choisi, la division foncière idoine, parmi celles proposées par le législateur. Le défi est donc de trouver laquelle correspondra le mieux à la finalité envisagée par l’aménageur.

Comme un écho, résonne alors cette équation : construire puis diviser ou diviser puis construire ?

La dichotomie est posée : diviser puis construire caractérise une division foncière constitutive d’une opération de lotissement au sens de l’article L.442-1 du Code de l’Urbanisme.

Cette opération suppose d’avoir obtenu “le permis de diviser ” en propriété ou en jouissance, avant toute construction.

Il se traduit par l’obtention d’une déclaration préalable ou d’un permis d’aménager – article L.442-4 du Code de l’Urbanisme -, étant entendu qu’aucune promesse de vente ne peut se signer sans détenir celui-ci. La prudence suppose d’ailleurs qu’il soit purger de tout recours et de tout retrait au jour de la signature de l’avant-contrat.

Réciproquement, construire puis diviser ne serait pas une opération de lotissement et ouvrirait à l’aménageur le champ des possibles.

Telle est l’idée du permis valant division institué par l’article R. 431-24 du Code de l’Urbanisme ou du permis appelant une division primaire résultant de l’article R.442-1 (a) du Code de l’Urbanisme.

Ces deux formes de divisions permettent d’obtenir, avant toute modification parcellaire, l’autorisation de construire.

L’une, suppose une demande de permis de construire, sur une ou plusieurs unité foncières contigues, sur lesquelles plusieurs bâtiments vont se construire.

La demande portant sur une telle opération est un permis de droit commun néanmoins complété par les pièces indiquées à l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme : le plan de division, pierre angulaire de l’opération, est un préalable indispensable à ce permis spécifique car, essentiel à son instruction. Et, en présence de voies et d’espaces communs, il est nécessaire aussi de transmettre aux services instructeurs, l’organisation envisagée pour ces derniers : association foncière urbaine, copropriété…

Pour le permis valant division,c’est de l’autorisation d’urbanisme initiale que nait la division

Cette division ne sera pas réalisée avant l’obtention du permis mais interviendra avant l’achèvement du projet : la division du terrain d’assiette suppose un projet de constructions inachevées. Mais, si celle-ci intervient après l’achèvement, le permis valant division devient un permis de droit commun – CAA, Lyon, 4 Juillet 2017, n° 15LY01615 – et la division aussi.

Celle-ci consistera alors à diviser une propriété bâtie et, en fonction du territoire sur laquelle elle est située, une autorisation sous forme de déclaration préalable -article L.115-3 du Code de l’Urbanisme – pourrait être requise pour parvenir à morceler cette unité foncière en plusieurs parcelles bâties.

A ce permis valant division, s’ajoute une catégorie de divisions foncières, dites “primaires, instituées par l’article R.442-1 (a) du Code de l’Urbanisme : l’autorisation de construire portera sur une partie de l’unité foncière alors même que la division de terrain sera réalisée plus tard, une fois le permis obtenu. Les constructions envisagées doivent être autres qu’une maison individuelle au sens de l’article L.231-1 du Code de construction et de l’Habitation.

Contrairement au permis valant division, les pièces requises pour cette demande de permis ne sont autres que celles d’un permis de droit commun. et aucun plan de division est exigé par le législateur.

Le permis de construire visé par l’article R.442-1 (a) est alors en tous points un permis de droit commun. 

Partant, celui-ci s’il est en cours de validité, peut alors faire l’objet d’un permis modificatif.

La division dite “primaire” ne constitue donc pas un préalable indispensable à l’obtention du permis. Et d’ailleurs, si tel était le cas, cette division relèverait de la procédure de lotissement.

Elles constituent donc une division foncière, non pas dispensée de permis d’aménager et de déclaration préalable propres aux lotissements mais, elle est, plus simplement, exclut du champ d’application de cette règlementation et n’est pas contrôlée en tant que telle.

C’est ainsi que le permis valant division primaire est autonome et se suffit à lui même : le service instructeur appréciera ce permis de manière isolée sans tenir compte d’aménagements éventuels liés à d’autres permis potentiels tandis que l’aménageur poursuit une opération d’ensemble révélée plus tard et à son terme. La technique des divisions primaires successives n’est pas prête de demeurer lettre morte…

Mais alors, la demande de permis liée à une « division primaire » peut elle faire l’objet d’un permis modificatif éventuel et doit elle être déposée sur l’assiette de la propriété ou sur la seule partie où le pétitionnaire sera habilité à réaliser l’opération immobilière envisagée ?

C’est à ces questions pratiques que nous répond le Conseil d’Etat, dans sa décision du 12 novembre 2020 – n° 421590.

Une division primaire s’opère, par définition, après l’obtention du permis de construire, lequel porte donc à sa date de délivrance sur une unité foncière non divisée.

Dès lors, le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, même si cette dernière est informée de la division à venir. 

Le service instructeur examine donc la demande initiale de permis à la date de la demande, abstraction faite de sa division future. Par conséquent, cette demande portera sur la totalité de l’assiette de la propriété et non sur la parcelle destinée à être bâtie.

Il en est de même du permis modificatif : ce permis sera apprécié, sans tenir compte, sur le terrain d’assiette de la division intervenue. Celui-ci pourrait donc porter en amont, sur la modification de l’assiette foncière du projet depuis le permis initial puisque celui-ci est délivré uniquement au regard de la totalité de la parcelle.

A l’exclusion des opérations de lotissement, on le voit, les divisions foncières ont encore de beaux jours devant elles.

Néanmoins, la prudence est de mise : la frontière est ténue entre diviser puis construire ou construire puis diviser.

Il nous faut veiller à ce que chacune de ces divisions ne puissent pas être requalifiées en opération de lotissement et partant en constituer une fraude.

Chaque utilisation de ces différentes techniques de division corresponde à une hypothèse précise dont nous sommes, en quelque sorte, les gardiens.