Une société en formation peut-elle signer un avant-contrat ?
A cette question, la réponse est négative : l’acte accompli par une société en formation est entaché de nullité.
Cette dernière n’est pas immatriculée. Elle est dépourvue de personnalité juridique et ne peut agir pour elle-même – Cass. com., 10 févr. 2021, n° 19-10006.
Et pourtant, nombre d’avant-contrats semblent conclus par des sociétés en formation et, notamment par des sociétés civiles.
En réalité, il existe une distinction prétorienne entre les actes conclus par la société en formation via un tiers qui sont nuls. Et, ceux conclus par une personne physique agissant pour le compte de la société en formation qui sont, valables – voir Cass. com. 19 janvier 2022, n° 20-13.719.
Cette distinction, subtile dans nos actes, doit être appréhendée par les praticiens : la société en formation est née sans être née, existe sans exister et c’est ainsi, qu’elle peut, alors qu’elle n’est pas encore immatriculée mandater un tiers, signataire des actes, au nom et pour le compte de celle-ci.
Ce dispositif permet donc que des actes, conclus pour le compte d’une société qui n’a pas encore la personnalité morale, lui soient imputés, une fois cette personnalité acquise, par l’immatriculation.
C’est ici le reflet de l’article 1843 du Code civil.
A l’inverse, lorsque l’acte est signé par un tiers, représentant la société en formation, sans autre précision, le contrat est réputé conclu par la société elle-même – et non pour le compte de celle-ci. Dépourvue de personnalité juridique, la société ne peut signer ainsi l’acte et la nullité de celui-ci ne fait aucun doute.
Il y a donc lieu de distinguer les actes conclus par la société en formation – actes nuls- et ceux, conclus pour le compte de celle-ci qui sont valables.
Mais alors, si les statuts de la société donnent pouvoir à une personne, d’agir pour le compte de celle-ci non encore immatriculée, doit-elle intervenir expressément, en cette qualité, à l’acte ?
La réponse est positive : si les statuts donnent pouvoir à l’associé – au sens des statuts- d’agir pour le compte de la société en formation, il doit impérativement intervenir à l’acte en cette qualité et, de manière expresse – Cass. civ. 3ème , 12 octobre 2022, n° 21-19.999.
Le cas échéant, l’acte est nul : il n’est pas conclu pour le compte de la société civile, mais par la société elle-même, représentée par son associé.
Ainsi, le signataire d’un acte doit apparaître expressément comme agissant pour le compte de la société en formation et non comme représentant de ladite société
Les conséquences pratiques d’une telle solution ne sont pas négligeables : la décision de la troisième chambre civile du 12 octobre 2022 l’illustre parfaitement.
En l’espèce une société civile en cours d’immatriculation conclue une promesse synallagmatique de vente avec un vendeur, personne physique. Celui-ci ne réitère pas la promesse et la société fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l’un des immeubles du vendeur en garantie du paiement de la clause pénale, insérée dans la promesse.
Cependant, le vendeur soulève la nullité de cet avant-contrat et celle de l’inscription hypothécaire en raison de l’absence de personnalité juridique de la société civile au moment de la conclusion de la promesse : elle est conclue par la société en formation, représentée par son associé et, non par un associé mandaté pour agir, en son nom et pour son compte.
Les juges du fond puis les juges de droit suivent le raisonnement du vendeur.
La société signe l’acte pour elle-même, alors même que non immatriculée elle est dépourvue de la personnalité morale : la promesse est donc nulle et la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire, fondée sur cet acte, doit l’être aussi.
Dès lors, même si la société en formation est proche d’exister avant l’immatriculation, elle est cependant encore dans le néant, en tant que personne morale.
Les juges s’attachent à vérifier comment sont rédigés les actes accomplis pour le compte de cette personne morale en devenir.
Les praticiens sont alors tenus, pour ce type d’acte, a une rédaction précise et rigoureuse.
L’avant-contrat conclu par la société en formation elle-même, alors qu’elle est dépourvue de la personnalité juridique, est sanctionné par la nullité. À l’inverse, celui conclu par une personne agissant pour le compte de la société en formation n’encourt aucune sanction.
La promesse doit alors clairement contenir l’indication de ce que les actes sont faits pour une société en formation.
Ce n’est que par la voie de l’exception légale, ouverte par le droit commun de l’article 1846 du Code civil et par le droit spécial de l’article L. 210-6 du Code de commerce, qu’une société, sans existence légale, peut accomplir des actes juridiques.
Comme toute exception, celle-ci fait l’objet d’une interprétation stricte.
C’est ainsi que l’acte conclu par une société en formation, comme si elle était déjà créée – et non pour son compte – est entaché d’une nullité absolue. Il s’agit d’un acte fait par “un sujet inexistant” : la nullité absolue s’impose alors – voir en ce sens, CA Douai, 6 juillet 2017, n° 16/02902 .
Face à une telle nullité, aucune confirmation ou régularisation ultérieure viendra « sauver » l’acte.
Nous nous devons donc de rédiger avec attention l’acte conclu pour une société en formation et de respecter un formalisme bien précis : le signataire de l’acte indiquera qu’il agit au nom et pour le compte de cette société.
La sécurité juridique commande qu’aucune clause de l’acte laisse supposer que celui-ci est conclu par la société elle-même : mentionner uniquement que la société est en cours d’immatriculation et représentée par un ou plusieurs associés est insuffisant pour prouver que l’engagement est pris pour le compte de la société en devenir.