Servitudes de cours communes et conditions d’éclairement des immeubles dans le PLU de la ville de Paris

Propos autour de la décision du Conseil d’Etat du 12 avril 2023, n° 451794

Le 12 avril dernier, le Conseil d’Etat se prononçait sur les articles UG 7.1 et UG 7.2 du PLU de la ville de Paris, portant respectivement sur les conditions d’éclairement des immeubles et les servitudes de cours communes entre des terrains contigus.

Les propriétaires d’appartements sur la parcelle voisine du projet entendaient annuler, en justice, le permis de construire, source pour eux de mécontentement.

D’une part, l’immeuble de six étages projeté allait faire perdre totalement leur ensoleillement aux salles de bains, alors même que ces pièces donnaient elles-mêmes sur un mur pignon mitoyen de l’immeuble, objet du permis.

Les magistrats se devaient donc d’examiner, si le projet autorisé, était de nature à pouvoir être interdit aux termes de l’article UG 7.1 du PLU de la ville de Paris.

En effet, l’implantation d’une construction en limite séparative peut être refusée, si elle a pour effet de porter gravement atteinte aux conditions d’éclairement de l’immeuble voisin.

Il y avait-il, en l’espèce, une telle atteinte ?

La réponse est négative car la gravité de l’atteinte doit s’apprécier en tenant compte des caractéristiques de la pièce, de sa destination et de l’incidence de son niveau d’éclairement sur les appartements concernés.

Manifestement, la perte d’ensoleillement d’une salle de bain n’est pas une atteinte suffisamment grave et ce d’autant plus que les fenêtres concernées étaient des “jours de souffrance” et donc, des ouvertures laissant passer la lumière sans offrir de vue et, destinées uniquement à offrir un apport lumineux.

Au surplus, il ne s’agissait pas ici d’une privation de lumière mais d’une perte d’ensoleillement

L’article UG 7.1 du PLU de la ville de Paris a d’ailleurs fait l’objet de décisions antérieures.

Une atteinte grave aux conditions d’éclairement suppose une obstruction significative de la lumière et non une simple diminution de la luminosité – CE, 20 octobre 2017, n° 399508- et, même si la construction a pour effet de priver les appartements situés dans des étages moins élevés des rayons directs du soleil, elle peut néanmoins être autorisée – CE, 22 novembre 2019 n°420948.

Le Conseil d’Etat se fonde alors sur un faisceau d’indices concordants pour démontrer l’absence d’atteinte grave aux conditions d’éclairement de l’immeuble.

Il est donc tenu compte de la destination des pièces, de leur qualité et de la configuration des appartements pour apprécier si la construction voisine porte réellement atteinte à l’éclairement général de l’appartement et peut être refusée au sens de l’article UG 7.1 du PLU de la ville de Paris.

En réalité les requérants ne disposaient pas ici de l’intérêt à agir dicté par l’article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme : le projet n’était pas de nature à affecter directement “les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance” de leurs appartements.

Ces derniers, reprochent alors au pétitionnaire l’institution d’une servitude de cour commune avec le propriétaire d’une parcelle contigüe non bâtie.

Cette servitude permettait l’ouverture de vue en limite séparative.

Elle offrait alors la possibilité de repousser les limites séparatives prises en compte pour l’application des règles de prospect.

L’article UG 7.2 du PLU de la ville de Paris autorise les propriétaires de terrains contigus à constituer entre leurs bâtiments des cours communes.

Ici il s’agissait d’instituer cette servitude entre un bâtiment et une parcelle n’en comportant pas. Les requérants estimaient ces servitudes possibles, simplement, entre deux terrains bâtis et donc, en l’espèce, irréalisables.

Leur argument n’a pu prospérer.

En effet, l’article L.471-1 du Code de l’Urbanisme pose le principe de validité d’une telle servitude entre deux fonds que le terrain comporte ou non des bâtiments .

La servitude de cour commune instituée tant par le Code de l’Urbanisme que par le PLU de la ville de Paris a comme finalité d’aménager les constructions présentes et/ou à venir par rapport aux limites séparatives de deux propriétés adjacentes.

De telles servitudes, au demeurant instituées pour des projets de constructions futures auraient, peu ou pas d’utilité, si elles étaient constituées uniquement entre deux terrains déjà bâtis.

Le conseil d’Etat a donc validé le projet de construction et estimé que la convention de cour commune était conforme à l’article UG 7.2 du PLU de la ville de Paris , même si l’une des parcelles ne comportait pas de bâtiment.

L’utilité de la servitude de cour commune prend ici tout son sens.

Une telle servitude ne permet pas de s’affranchir des règles de distance instituées par le PLU.

Mais, elle permet néanmoins de prendre en compte, pour apprécier ces règles de distance, non seulement le terrain du propriétaire qui souhaite construire, tel que délimité par la limite séparative, mais également une partie de la surface du fonds voisin sur lequel la servitude est établie – voir en ce sens, Réponse ministérielle n°13002, JO Sénat, 14 mai 2020, p.2237.

La servitude de cour commune institue donc un juste équilibre entre l’intérêt général garantit par le respect des règles d’urbanisme et l’intérêt du propriétaire désireux de construire et d’aménager de manière pertinente sa parcelle.

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 : vers un coup d’accélérateur pour les projets éoliens?

Les opérateurs d’énergies renouvelables l’attendaient avec impatience et ce, depuis l’instruction de la Direction générale de l’Energie et du Climat du 16 septembre 2022 –  Instruction n° ENER2226074C- annonçant de nouvelles mesures législatives concernant le traitement des dossiers éoliens par les services de l’Etat.

C’est chose faite : la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 fut promulguée le 10 mars 2023 et, validée pour la plupart de ses dispositions, par une décision du Conseil Constitutionnel du 9 mars 2023 – décision n°2023-848. Il ne manque plus que ses décrets d’application.

Plusieurs dispositions de ce texte sont destinées à favoriser le développement de l’éolien et, entendent ainsi tenir compte des particularismes territoriaux.

Le législateur veut sécuriser les opérateurs en instaurant une présomption d’intérêt public majeur.

Selon, le nouvel article L.411-2-1 du Code de l’Environnement, les projets d’installations et de stockages de production d’énergies renouvelables bénéficieront d’une telle présomption lorsqu’ils satisferont aux différents critères légaux.

Les conditions de cette présomption seront définies par un décret en Conseil d’Etat.

Celles-ci seront établies, à la lecture de l’article L.211-2-1 du Code de l’Energie, en tenant compte “du type de source d’énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)“.

Ce sont donc les futures dispositions du décret d’application qui vont rendre, en principe, moins difficile, la réalisation des installations et du stockage de l’énergie ainsi produite.

Dès lors, les projets éoliens, dans la lignée du règlement européen n° 2022/2577 du 22 décembre 2022, pourront bénéficier plus aisément d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte à des espèces protégées; prohibition instituée à l’article L.411-1 (I) du Code de l’environnement.

Cette dérogation n’est acquise que si le projet relève d’un “intérêt public supérieur”.

En effet, ces projets en tant que tels, présentent un risque caractérisé d’atteinte aux espèces protégées et/ou à leurs habitats. Si le risque existe, ils doivent faire l’objet d’une dérogation préfectorale.

L’article L. 411-2 du Code de l’Environnement subordonne l’octroi de cette dérogation à plusieurs conditions cumulatives : le projet sera justifié par une raison impérative d’intérêt public majeur, aucune solution de substitution ne doit être envisageable et la dérogation ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Toutefois, l’octroi de cette dérogation suscite depuis longtemps un contentieux important, source d’insécurité pour les porteurs de projet.

Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs rendu un avis le 9 décembre 2022 – avis n° 463563- énumérant les hypothèses pour lesquelles le pétitionnaire devait demander une dérogation tout en précisant les éléments d’appréciation dont l’autorité administrative devait tenir compte.

Pour autant, un tel avis était insuffisant dans le silence des textes pour apporter une sérénité suffisante en la matière.

Il était devenu indispensable, d’inscrire, dans le marbre, les conditions permettant à une installation de production et de stockage d’énergie renouvelable de bénéficier d’une telle dérogation.

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 mars dernier, notamment, de ce point précis.

Il était reproché au nouveau texte et, donc à l’article L.411-2-1 du Code de l’Environnement, de ne pas respecter l’objectif constitutionnel de protection de l’environnement; compte tenu des effets nocifs possibles des installations sur la santé des riverains et sur les espèces protégées et leurs habitats.

Ce faisant, pour les sages de la rue Montpensier, le législateur a respecté, avec ce nouvel article, cet objectif de protection de l’environnement.

Certes, l’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » mais, certaines limitations existent pour des motifs d’intérêts généraux et si elles sont proportionnées à l’objectif poursuivi. Ces limitations permettent d’autoriser, entre autres, un projet éolien.

Au-delà de cette présomption, le législateur a aussi entendu lever les blocages des opérateurs installant les radars de l’Armée ou de la Direction générale de l’Aviation civile – dont l’opposition à l’installation d’éoliennes est connue – à l’encontre des porteurs de projet éolien.

Un nouvel article L.515-45-1 du Code de l’Environnement incite les opérateurs éoliens à compenser la gêne provoquée par leurs projets sur les différents radars et ce, pour permettre une meilleure cohabitation entre radars et éoliennes. Ainsi, ces opérateurs peuvent prendre en charge l’installation et la maintenance d’équipements de compensation pour le fonctionnement des radars ou fournir des données d’observation à Météo-France.

Pour autant, la loi du 10 mars dernier comporte aussi des mesures de freinage et non d’accélération de l’éolien.

Un nouveau concept fait son apparition dans le texte de loi: celui de saturation visuelle.

Les autorisations environnementales devront, selon l’article L.515-44 du Code de l’Environnement, tenir compte « du nombre d’installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent déjà existantes dans le territoire concerné, afin de prévenir les effets de saturation visuelle en vue de protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 »

Cette notion est subjective : elle a la particularité de se situer à mi-chemin entre l’objectif de préservation des paysages et celui de protection de la commodité du voisinage, principes institués à l’article L.511-1 du Code de l’Environnement. Elle est aisément invoquée par les opposants et l’État pour s’opposer aux projets s’inscrivant dans une logique de densification éolienne – voir en ce sens, CAA DOUAI, 18 juillet 2022, n°21DA00632.

Il est à craindre, que ce concept de “saturation visuelle” donne lieu à de nombreux contentieux.

Au surplus, chaque schéma de cohérence territorial devra l’intégrer dans sa partie réglementaire, au titre des orientations en matière de préservation des paysages – article L.141-1 du Code de l’Urbanisme.

Enfin, la loi crée des zones d’accélération des énergies renouvelables – article L. 141-5-3 du Code de l’Energie.

Une fois ces zones créées, chaque commune dispose d’un droit de véto sur son territoire pour s’y opposer. Certaines d’entre elles, défavorables à l’éolien pourraient l’exercer pour interdire ou freiner l’avancement des projets.

A la question, de savoir si cette loi est un réel coup d’accélérateur pour les projets éoliens, la réponse semble en demi-teinte : les mesures telles qu’elles sont annoncées vont certainement permettre de concilier plus aisément les intérêts environnementaux et ceux propres aux parcs éoliens.

Elles vont aussi probablement faciliter l’intégration et la compréhension des projets au niveau des territoires et des acteurs locaux.

Mais, la création de zones d’accélération ou la notion de saturation visuelle risquent à nouveau de les entraver..

En la matière, concilier tous les intérêts en présence n’est décidément pas chose facile !