Et si le gage immobilier m’était conté…

A première vue, cette sûreté réelle immobilière ressemble aux autres …

Objet de dispositions légales, insérées aux articles 2387 et suivants du Code civil, elle permet de garantir des dettes présentes ou futures du débiteur, ou même d’un tiers. Et, ce gage, peut grever tout droit réel quel qu’en soit sa nature – droit de propriété immobilière, démembrements, droits réels nés des baux à construction ou emphytéotique.

Mais, à l’analyse, cette sûreté immobilière est bien différente des autres….

Par nature, le gage immobilier est une sûreté emportant dépossession : la possession du bien ou du droit gagé est transférée entre les mains du créancier .

Le créancier a alors un droit de rétention doté d’une force particulière et opposable à la procédure collective.

Il détient alors la possession matérielle d’un bien ou d’un droit immobilier jusqu’au complet paiement de sa créance. Il en a la jouissance et en perçoit donc aussi les fruits à charge de les imputer sur les intérêts puis sur le capital de la dette – article 2389 du Code civil.

En cas de non paiement, il conservera les biens ou les droits de son débiteur et leurs fruits, tant que la créance garantie n’est pas payée. Mais, il ne pourra s’enrichir en réalisant sa sûreté : il aura droit au paiement de sa seule créance.

Le créancier rétenteur est donc titulaire d’un pouvoir de blocage sur le bien : s’il détient en gage des actifs stratégiques, il a un pouvoir redoutable et redouté.

Le créancier bénéficiaire d’un gage immobilier détient une sûreté efficace et le droit des procédures collectives s’en ai fait l’écho.

C’est là, l’essentiel : on ne peut jauger de l’efficacité de la sureté choisie sans analyser son efficience face à la procédure collective du débiteur.

Et, là ou d’autres suretés immobilières sont faiblardes, le gage immobilier révèle sa résistance pour le créancier gagiste.

Quel autre créancier, titulaire d’une sûreté réelle immobilière, peut se faire payer de la totalité de sa créance à la liquidation – article L.642-20-1 du Code de commerce aL. 1 et 3 – ou en présence d’un plan de cession – article L.642-12 du Code de commerce- car, son droit de rétention se reporte sur l’intégralité du prix de cession ? Aucun, sauf le créancier gagiste.

Quel autre créancier, titulaire d’une sûreté réelle immobilière, peut pendant la période d’observation, être payé de sa créance par le retrait contre paiement du bien retenu ? Aucun, sauf le créancier gagiste.

Quel autre créancier, titulaire d’une sureté réelle immobilière, peut continuer à percevoir les fruits du bien alors même que le débiteur est en procédure collective ? Aucun sauf le créancier gagiste.

Mais, alors pourquoi donc l’ancienne antichrèse modernisée par le Code civil sous couvert du gage immobilier, demeure t-elle, dans la pratique, d’une utilisation pour le moins confidentielle?

Peut être parce que le créancier n’a pas vocation à détenir un immeuble…

Certes, mais le législateur l’a bien compris.

L’article 2390 du Code civil, permet au « créancier (…), sans (en) perdre la possession, (de) donner l’immeuble à bail, soit à un tiers, soit au débiteur lui-même ». L’idée de l’antichrèse-bail, née de la pratique, est ainsi consacrée.

Le créancier disposant de la jouissance de l’immeuble peut le louer à son débiteur ou à un tiers et se décharger sur celui-ci des obligations d’entretien et de conservation de l’immeuble.

Cette faculté est sans incidence sur l’exercice de son droit de rétention : le créancier ne se dessaisit pas de son droit de gage, ni du bien ou du droit grevé.

Le débiteur ne peut d’ailleurs lui réclamer la restitution de l’immeuble ou du droit réel “avant l’entier acquittement de sa dette” – article 2391 du Code civil.

Le gage immobilier n’a plus rien de désuet : son modèle économique se défend.

Il ne peut, d’ailleurs pas, demeurer une pure hypothèse théorique de sûreté immobilière avec dépossession.

Cette sûreté est l’une des meilleures garanties immobilières , si ce n’est la meilleure, que connaisse le droit français, dans la mesure où son efficacité est préservée, y compris, en cas de procédure collective.

Enfin, le moindre coût du gage immobilier est un atout majeur.

En effet, si le gage immobilier est une clause du contrat de prêt, il n’est pas soumis à la taxe de publicité foncière mais simplement au salaire du conservateur – O,10% du principal garanti- lors de sa publication et lors de sa radiation et à un droit fixe d’enregistrement de 125 Euros. Il présente alors, par rapport, à l’hypothèque une économie de cout non négligeable.

Le gage immobilier, est donc une sûreté plus efficace et bien moins onéreuse que l’hypothèque.

Il offre aux prêteurs une solution incomparable : il élude purement et simplement le concours avec d’autres créanciers privilégiés, voir super-privilégiés !

Le gage immobilier ne peut demeurer dans l’ombre de l’hypothèque.

Le souhait est ainsi formé d’apprivoiser cette sûreté et de l’utiliser pour qu’elle ne demeure pas lettre morte dans la pratique notariale.

Le nantissement de créances notifié : une sûreté toujours aussi efficace !!

La guerre entre deux créanciers, dont la banque, bénéficiaire d’un nantissement sur créances vient d’être gagnée par celle-ci et ce, à l’encontre d’un créancier, par nature privilégié : l’administration fiscale.

Ainsi, à l’aune d’une décision du 2 juillet 2020 – pourvois n°19-11417/ 19-13636 – , la Cour de cassation affirme avec force que le créancier bénéficiaire d’un nantissement sur un contrat d’assurance vie “dispose d’un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés”.

Dès lors, l’avis à tiers détenteur, émis par l’administration fiscale, sur les créances, est voué à l’échec : elles ne peuvent être ainsi appréhendées.

La faculté de rachat est transférée du souscripteur à la banque, créancière nantie. Celle-ci est la seule à pouvoir disposer de cette créance.

Le principe est posé par l’article 2363 du Code civil : le créancier nanti, après notification, reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement.  

Clairement, cette sûreté est un gage de sécurité juridique pour son bénéficiaire.

A l’analyse, ce droit exclusif au paiement du créancier nanti, institué par l’article 2363 du Code civil, a les effets d’un droit de rétention.

Dès la notification, la créance appartient temporairement au créancier nanti  : cette propriété “fiduciaire” se transforme alors en pleine propriété en cas de défaillance du débiteur cédé.

C’est par la notification et, non par l’acte de nantissement, que le constituant se dépossède de sa créance et qu’ainsi,  le débiteur change de créancier, dans l’attente du remboursement de la dette nantie.

A notre sens, si le droit positif confère au créancier nanti un tel droit,  l’efficacité du nantissement de créances notifié est inaltérable.

Dans une décision déjà ancienne, la Chambre Commerciale juge le le 26 mai 2010 – n° 09-13388 -, le nantissement de créances de loyers efficient; alors même que le constituant est en procédure collective.

Les loyers sont, pendant la procédure de redressement, entre les mains du prêteur, créancier nanti et non entre les mains des organes de la procédure.  

Et, seul le prêteur, créancier nanti, peut prétendre au paiement de sa créance sur les loyers. Ils pourront ainsi lui être versés jusqu’à complet remboursement de celle-ci.

La Cour de cassation applique en réalité, à la lettre, l’article 2363 du Code civil : « après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu’en intérêts ».

Les incidences de la notification sont donc considérables : le nantissement de créances devient, par cette modalité, une véritable propriété-sûreté.

La décision de la deuxième Chambre Civile du 2 juillet 2020 se fait l’écho de la voie ainsi tracée il y a dix ans, par cette décision du 26 mai en 2010.

Le message est limpide : la notification emporte transfert de la créance du patrimoine du constituant vers celui du créancier nanti, rétenteur de la créance.

Celui-ci est  alors « rempli dans ses droits » et en reçoit, seul, valablement le paiement.

Et, si le débiteur cédé paie le constituant, malgré la notification, il aura mal payé. Il sera alors tenu de payer à nouveau et, cette fois, le créancier nanti : son paiement au constituant n’aura pas été libératoire.

Le nantissement notifié trouve alors, en ce droit exclusif au paiement, qui permet de retenir la créance, toute sa force.

Les incidences de la notification, par le jeu de l’article 2363 du Code civil, sont donc considérables : le nantissement de créances devient, par cette modalité, une véritable propriété-sûreté.

Pourtant, à la simple lecture de l’article 2362 du Code civil, les effets de la notification ne sont pas si clairs.

Cet article indique : « pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le nantissement de créance doit lui être notifié ou ce dernier doit intervenir à l’acte. À défaut, seul le constituant reçoit valablement paiement de la créance ».

La notification ou l’intervention à l’acte sont les formes possibles d’opposabilité de la créance au débiteur nanti : chacune d’elle réalise l’équivalent d’une mise en possession.

La notification aurait donc, pour seul effet, de rendre le nantissement opposable au débiteur de la créance nantie : à compter de sa date, le débiteur cédé sera valablement libéré de sa dette, au titre des créances concernées, entre les mains du créancier nanti ou, le cas échéant, entre celles de l’agent des sûretés

Mais, la lecture combinée de l’article 2362 et 2363 du Code civil entend ne pas limiter les effets de la notification à la seule opposabilité aux tiers.

La notification d’un nantissement valablement constitué donne à son bénéficiaire un droit exclusif : celui d’être payé de sa créance sur les sommes grevées, sans craindre le concours d’autres créanciers poursuivants.

Le créancier nanti est alors hors concours.

D’ailleurs le droit des assurances en son article L.132-10 du Code des assurances ouvre expressément le rachat des créances au créancier nanti et ce, nonobstant l’acceptation du bénéficiaire.

Les lendemains du nantissement de créances notifié sont donc toujours prometteurs – dans l’attente de la nouvelle réforme des sûretés initiée par la loi PACTE- pour le créancier nanti, quelle que soit la nature de la créance ainsi grevée.

Gageons que la pratique notariale s’en saisisse…

Le nantissement de créances authentique peut être utilisé comme une alternative peu couteuse pour le débiteur et efficiente pour son bénéficiaire.

L’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation : la seule notification de l’acte à l’acquéreur, sans lettre explicative, est régulière.

L’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation propose au contractant non professionnel, indépendamment de la qualité du vendeur, de revenir sur son engagement en présence d’un avant contrat, par le biais d’un délai de rétractation ou, en l’absence d’avant-contrat, par la voie du délai de réflexion.

Bien des questions se posent et se sont posées sur cette disposition légale à propos de son champ d’application, de la forme de la notification, de la qualité professionnel de l’acquéreur ou des modalités d’exercice de ce droit…

La dernière décision rendue à son propos est celle de la troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation du 9 juillet 2020 : elle se penche sur le contenu de la lettre de notification.

Suivant les termes mêmes de l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation, l’acte objet du droit de rétractation doit être “notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise (…)”.

La loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 précise simplement que dans les actes ou projet d’actes notifiés, seront rédigées de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions et aux modalités d’exercice du droit de rétractation ou de réflexion.

Le législateur appelle à une rédaction plus claire et plus pédagogique des clauses des actes relatives à l’exercice de ces droits.

En réalité, ce qui doit être notifié, lors de l’exercice du délai de rétractation, c’est l’acte signé par les parties.

S’agissant du délai de réflexion, c’est le projet d’acte qui est notifié : c’est un préalable indispensable à l’engagement éclairé des acquéreurs. Sa parfaite connaissance leur permet, de prendre ou non, la décision définitive d’acquérir.

La notification de l’acte a une finalité : porter à la connaissance des intéressés l’acte signé et ses annexes qui, par nature, font parties intégrantes de celui-ci.

En effet, l’acquéreur est censé réfléchir non seulement à son acquisition et aux conséquences de son financement mais aussi aux risques de cet achat en fonction de l’état de l’immeuble; risques qui lui sont communiqués par le biais des diagnostics techniques annexés à l’acte.

Mais en elle même, la notification de l’acte doit elle être accompagnée d’une lettre attirant l’attention de l’acquéreur sur sa faculté de rétractation dans le délai de dix jours?

Rien n’est moins sur.

La Haute juridiction estime que la simple notification de l’acte sans lettre d’accompagnement est suffisante.

Une lecture exégétique de l’article L.271-1 du Code de construction et de l’Habitation montre qu’il n’est pas exigé une lettre de notification accompagnant la copie de l’avant-contrat signé.

Il suffit alors que soit explicité, dans le compromis de vente notifié à l’acquéreur, le droit de rétractation reconnu à tout acquéreur non-professionnel.

Si l’acte adressé à l’acheteur précise les modalités d’exercice du droit de rétractation de l’acquéreur, aucune autre information n’est nécessaire dans la notification.

La Cour d’Appel ne l’entend pas ainsi : la notification s’accompagne d’une lettre explicative.

En son absence, elle en déduit l’irrégularité de la notification. Le délai n’a ainsi pas commencé à courir et l’acquéreur peut encore se rétracter.

Mais ce raisonnement ne convainc pas les juges de droit: il suffit, que soit explicité, dans l’acte, notifié à l’acquéreur, le droit de rétractation pour que la notification soit régulière.

Fait donc courir le délai de rétractation, la notification de la promesse synallagmatique de vente ouvrant droit à rétractation contenant une copie de l’acte sous seing privé de vente indiquant, dans une clause intitulée « droit de rétractation », les modalités d’exercice de ce droit.

Il est alors inutile de compléter cet envoi, par une lettre de notification, attirant l’attention de l’acquéreur sur sa faculté de rétractation dans un délai déterminé.

En effet, la lettre accompagnant la notification, est une condition de forme absente de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation

La Haute juridiction n’entend pas ajouter une condition supplémentaire à la notification prévue par l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation

Cette position récente vient conforter une jurisprudence antérieure de la troisième Chambre civile.

Ainsi, ajoute à l’exigence légale de notification, la Cour d’Appel qui retient que le délai de rétractation n’a pas couru au motif que la lettre recommandée ne faisait aucune référence à la faculté de rétractation ouverte aux acquéreurs – Cassation civile 3, 17 novembre 2010, n° 19.17.297, Bulletin. civil, III, n° 206 . Ce principe est réaffirmé dans une décision du 2 juin 2016 – Cassation civile 3, 2 juin 2016, n° 15-17.833. La Haute juridiction estime ici que l’agence immobilière n’est pas tenue de mentionner, dans la lettre de notification, la faculté de rétractation des acquéreurs : en l’occurrence, il s’agissait d’acquéreurs belges prétendant ignorer le régime du droit de rétractation…

Ainsi, le régime juridique du contenu de la lettre de notification semble être construit.

Celle-ci sera régulière même si le contenu de la notification se limite, sans plus amples explications, à l’acte et à ses annexes.

Cette précision allège un peu le formalisme légal de l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation.

Ce texte, d’ordre public de protection, doit protéger l’acquéreur d’un engagement irréfléchi.

Il ne doit certainement pas devenir une arme utilisée contre le vendeur et permettant à un acquéreur de soulever toutes les irrégularités imaginables pour parvenir, alors que les délais sont écoulés, à renoncer valablement à son acquisition et à retrouver, en fonction de la promesse signée, son indemnité d’immobilisation ou son dépôt de garantie.