Divorce, procédure collective et insaisissabilité de la résidence principale : un triptyque parfois complexe.

Bref propos sur la décision de la Cour de cassation du 18 mai 2022 (n° 20-22768).

L’article 206 de la loi n° 2015-990 du 6 aout 2015, codifié à l’article L.526-1 du Code de commerce, institue un principe d’insaisissabilité automatique, sans aucune formalité, des droits de l’entrepreneur individuel sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale.

Les créanciers de la procédure collective de l’entrepreneur ne pourront, en principe, si l’insaisissabilité est acquise avant le jugement d’ouverture, exercer une quelconque poursuite sur cet immeuble et ce, même s’il constitue, peu ou prou, à leurs yeux, le seul patrimoine “solvable”.

Ainsi, déçus bien souvent du peu d’actifs mobiliers permettant le remboursement de leurs créances, ils se heurteront à cette insaisissabilité.

Le régime de cette insaisissabilité dépend de la nature de l’immeuble : résidence principale ou autres biens fonciers (terrains, résidences secondaires, immeubles de rapport) de l’entrepreneur.

La première est insaisissable de plein droit, y compris, lorsque l’immeuble est utilisé seulement partiellement pour l’activité, ou lorsque l’entreprise y est domiciliée (art. L. 123-10 du Code de commerce). Cette insaisissabilité sera opposable à tous les créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité de l’entrepreneur.

Quant à ses autres biens fonciers personnels, l’entrepreneur pourra toujours les préserver des poursuites de ses créanciers professionnels en effectuant une déclaration notariée d’insaisissabilité (art. L. 526-1 alinéa 2 du Code de commerce).

Mais, s’il vend un immeuble déclaré insaisissable, seul le prix de vente de la résidence principale le sera et, uniquement, en cas de remploi, dans un délai d’un an, pour l’acquisition d’une autre résidence principale (art. L.526-3 du Code de commerce).

Dès lors, un entrepreneur qui vend un bien foncier, déclaré insaisissable, pour acquérir sa résidence principale, court le risque d’être saisi, par ses créanciers professionnels, sur le prix de vente du bien et ce, avant de le réinvestir dans sa résidence principale, de droit, non saisissable.

Mais quelle est donc la situation de l’entrepreneur en procédure collective et fraichement divorcé ?

Plus spécifiquement les créanciers de la procédure sont-ils toujours empêchés de saisir l’immeuble si, la volonté des parties et/ou un juge aux affaires familiales, attribue (nt) la jouissance exclusive de la résidence principale à l’épouse ?

De facto, l’entrepreneur perd sa résidence principale.

Si c’est avant l’ouverture de la procédure collective, il y a fort à parier que cet immeuble (même si c’est un bien commun des époux) sera saisissable par les créanciers de la procédure pour les dettes nées lors de l’activité professionnelle.

C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans sa décision du 18 mai 2022. Et, la réponse est limpide.

L’effet réel de la procédure collective permet d’inclure l’immeuble, lors de la liquidation, dans la cession des actifs

Le patrimoine du débiteur est figé au moment du jugement d’ouverture : le caractère saisissable ou non de l’immeuble s’apprécie au moment de l’ouverture de la procédure collective (Cass. com., 29 mai 2019, n° 18-16097) .

De deux choses l’une :

Si, à la date du jugement d’ouverture de la procédure, l’immeuble n’est plus la résidence principale de l’entrepreneur, en raison des effets du divorce, ce bien est saisissable : il devient alors un actif réalisable et pourra être cédé lors de la liquidation judiciaire ou, en amont, au cours d’un plan de sauvegarde ou de redressement voire même, pendant la période d’observation. Saisissable par tous les créanciers de l’entrepreneur individuel, l’immeuble est, à nouveau, le gage commun de ces derniers.

Si au moment du jugement d’ouverture, l’immeuble est toujours la résidence principale de l’entrepreneur, il demeure insaisissable par les créanciers de la procédure. Pour cet immeuble, la procédure collective n’existe pas.

Bien entendu, si l’entrepreneur conscient de ses difficultés financières effectue, sur ses autres biens fonciers, des déclarations notariés d’insaisissabilité, le risque de nullité est réelle en procédure de redressement et de liquidation. De telles déclarations sont nulles pendant la période suspecte telle que décidée par le Tribunal (art. L.632-1 (13) du Code de commerce) ou dans les six mois précédant la date de cessation des paiements (art L. 632-1 II du Code de commerce).

Dès lors, un bien saisissable ou insaisissable au jour de l’ouverture de la procédure, le demeure, le temps de la faillite

Mais qu’advient t-il si l’immeuble devient saisissable après l’ouverture de la procédure du fait d’une instance en divorce ? L’hypothèse est celle de l’entrepreneur individuel qui quitte sa résidence principale après l’ouverture de la procédure. L’effet réel de la procédure collective commande que cette insaisissabilité demeure le temps de la procédure.

Mais, si l’épouse s’est vue attribuer un immeuble devenu saisissable par le départ de son conjoint, la question posée est, pour elle, cruciale : elle risque de perdre son logement.

En effet, le liquidateur a alors le pouvoir d’agir en licitation et partage.

Le droit des procédures collectives s’invite ainsi dans notre pratique notariale : il s’impose à nous et nous nous devons d’être conscients des enjeux.

Il est nécessaire de les entrevoir pour permettre aux clients d’organiser au mieux leur séparation, le temps du déroulement de la procédure.

L’entrepreneur doit rester dans l’immeuble s’il veut le faire échapper aux créanciers de la procédure.

Le conjoint désireux de bénéficier de la jouissance exclusive de la résidence de la famille doit être patient : voulant l’obtenir dans l’immédiat, il court alors le risque de devoir s’en défaire.

Les discussions sur l’insaisissabilité de la résidence principale ont encore de beaux jours devant elles : la récente loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante (loi n° 2022-172 du 14 février 2022) en sera, un nouvel exemple, sans doute possible.

Promesse de vente et société en formation : la vigilance du rédacteur d’acte est de rigueur !

Une société en formation peut-elle signer un avant-contrat ?

A cette question, la réponse est négative : l’acte accompli par une société en formation est entaché de nullité.

Cette dernière n’est pas immatriculée. Elle est dépourvue de personnalité juridique et ne peut agir pour elle-même – Cass. com., 10 févr. 2021, n° 19-10006.  

Et pourtant, nombre d’avant-contrats semblent conclus par des sociétés en formation et, notamment par des sociétés civiles.

En réalité, il existe une distinction prétorienne entre les actes conclus par la société en formation via un tiers qui sont nuls. Et, ceux conclus par une personne physique agissant pour le compte de la société en formation qui sont, valables – voir Cass. com. 19 janvier 2022, n° 20-13.719.

Cette distinction, subtile dans nos actes, doit être appréhendée par les praticiens : la société en formation est née sans être née, existe sans exister et c’est ainsi, qu’elle peut, alors qu’elle n’est pas encore immatriculée mandater un tiers, signataire des actes, au nom et pour le compte de celle-ci.

Ce dispositif permet donc que des actes, conclus pour le compte d’une société qui n’a pas encore la personnalité morale, lui soient imputés, une fois cette personnalité acquise, par l’immatriculation.

C’est ici le reflet de l’article 1843 du Code civil.

A l’inverse, lorsque l’acte est signé par un tiers, représentant la société en formation, sans autre précision, le contrat est réputé conclu par la société elle-même – et non pour le compte de celle-ci. Dépourvue de personnalité juridique, la société ne peut signer ainsi l’acte et la nullité de celui-ci ne fait aucun doute.

Il y a donc lieu de distinguer les actes conclus par la société en formation – actes nuls- et ceux, conclus pour le compte de celle-ci qui sont valables.

Mais alors, si les statuts de la société donnent pouvoir à une personne, d’agir pour le compte de celle-ci non encore immatriculée, doit-elle intervenir expressément, en cette qualité, à l’acte ?

La réponse est positive : si les statuts donnent pouvoir à l’associé – au sens des statuts- d’agir pour le compte de la société en formation, il doit impérativement intervenir à l’acte en cette qualité et, de manière expresse – Cass. civ. 3ème , 12 octobre 2022, n° 21-19.999.

Le cas échéant, l’acte est nul : il n’est pas conclu pour le compte de la société civile, mais par la société elle-même, représentée par son associé.

Ainsi, le signataire d’un acte doit apparaître expressément comme agissant pour le compte de la société en formation et non comme représentant de ladite société

Les conséquences pratiques d’une telle solution ne sont pas négligeables : la décision de la troisième chambre civile du 12 octobre 2022 l’illustre parfaitement.

En l’espèce une société civile en cours d’immatriculation conclue une promesse synallagmatique de vente avec un vendeur, personne physique. Celui-ci ne réitère pas la promesse et la société fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l’un des immeubles du vendeur en garantie du paiement de la clause pénale, insérée dans la promesse.

Cependant, le vendeur soulève la nullité de cet avant-contrat et celle de l’inscription hypothécaire en raison de l’absence de personnalité juridique de la société civile au moment de la conclusion de la promesse : elle est conclue par la société en formation, représentée par son associé et, non par un associé mandaté pour agir, en son nom et pour son compte.

Les juges du fond puis les juges de droit suivent le raisonnement du vendeur.

La société signe l’acte pour elle-même, alors même que non immatriculée elle est dépourvue de la personnalité morale : la promesse est donc nulle et la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire, fondée sur cet acte, doit l’être aussi.

Dès lors, même si la société en formation est proche d’exister avant l’immatriculation, elle est cependant encore dans le néant,  en tant que personne morale.

Les juges s’attachent à vérifier comment sont rédigés les actes accomplis pour le compte de cette personne morale en devenir.

Les praticiens sont alors tenus, pour ce type d’acte, a une rédaction précise et rigoureuse.

L’avant-contrat conclu par la société en formation elle-même, alors qu’elle est dépourvue de la personnalité juridique, est sanctionné par la nullité. À l’inverse, celui conclu par une personne agissant pour le compte de la société en formation n’encourt aucune sanction.

La promesse doit alors clairement contenir l’indication de ce que les actes sont faits pour une société en formation.

Ce n’est que par la voie de l’exception légale, ouverte par le droit commun de l’article 1846 du Code civil et par le droit spécial de l’article L. 210-6 du Code de commerce, qu’une société, sans existence légale, peut accomplir des actes juridiques.

Comme toute exception, celle-ci fait l’objet d’une interprétation stricte.

C’est ainsi que l’acte conclu par une société en formation, comme si elle était déjà créée – et non pour son compte – est entaché d’une nullité absolue. Il s’agit d’un acte fait par “un sujet inexistant” : la nullité absolue s’impose alors – voir en ce sens, CA Douai, 6 juillet 2017, n° 16/02902 .

Face à une telle nullité, aucune confirmation ou régularisation ultérieure viendra « sauver » l’acte.

Nous nous devons donc de rédiger avec attention l’acte conclu pour une société en formation et de respecter un formalisme bien précis : le signataire de l’acte indiquera qu’il agit au nom et pour le compte de cette société.

La sécurité juridique commande qu’aucune clause de l’acte laisse supposer que celui-ci est conclu par la société elle-même : mentionner uniquement que la société est en cours d’immatriculation et représentée par un ou plusieurs associés est insuffisant pour prouver que l’engagement est pris pour le compte de la société en devenir.

Instruction des autorisations d’urbanisme : les services instructeurs tenus de respecter la liste règlementaire des pièces exigibles !

Retour sur la décision du Conseil d’Etat du 9 décembre 2022 – n° 454521-

Le délai d’instruction d’une autorisation d’urbanisme court – art. R 423-19 du Code de l’urbanisme – à compter de la réception en mairie d’un dossier complet et, donc d’un dossier doté de l’ensemble des pièces, requises par la loi et, transmis au service instructeur – art. R. 431-4 du Code de l’urbanisme.

En cas de pièces manquantes, l’administration doit notifier au pétitionnaire la liste de celles-ci et ce, dans un délai d’un mois, suivant le dépôt du dossier.

A défaut de notification dans ce délai, le dossier est réputé complet dès sa réception en mairie – art. R.423-22 du Code de l’urbanisme : il s’agit alors du point de départ du délai d’instruction.

Selon une lecture exégétique des textes du Code de l’urbanisme, la liste des pièces prévue pour chacune des autorisations est limitative – art. L.423-1 du Code de l’urbanisme tel qu’issu de la loi ELAN : il s’agit d’ailleurs de pièces générales toujours obligatoires et de celles propres au projet envisagé. Aucune autre information ou pièces ne peut être exigée par l’autorité compétente – art. R.423-38 du Code de l’Urbanisme.

Pour autant, nombre de services instructeurs sollicitent des pièces autres et non visées par les textes.

Cet usage permet de reporter, de facto, le point de départ du délai d’instruction à une date ultérieure et d’autant le terme du délai d’instruction de la demande d’autorisation.

Pourtant, le facteur “temps” est lui aussi une pièce maitresse d’un projet immobilier.

Comment, face à une telle demande, le pétitionnaire doit-il répondre à l’autorité compétente ?

Doit-il considérer que la pièce demandée n’étant pas exigée par les textes, la demande est illégale ? Et, comprendre alors que le délai d’instruction n’est pas interrompu et qu’à son terme, le cas échéant, il bénéficiera d’une décision tacite.

Ou, finalement, doit-il estimer que la liste des pièces fixée par le Code de l’urbanisme est un leurre ?

L’administration pourrait ainsi demander n’importe quelles pièces et rallonger les délais d’instruction.

C’est en ce sens que le Conseil d’Etat s’est prononcé le 9 décembre 2015 considérant qu’une demande illégale de pièces “ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition » – Commune d’Asnières-sur-Nouère, n°390273.

Dès lors, aucune autorisation tacite n’en résultait au terme du délai d’instruction.

Rien ne dissuade alors le service instructeur d’avoir un comportement dilatoire pour gagner du temps en prolongeant ainsi la durée de l’instruction.

En effet, lorsqu’une telle pièce est ainsi demandée dans le délai d’un mois – art. R 423-22 du Code de l’urbanisme- , le pétitionnaire a trois mois pour la produire et le délai, dans cet attente, cesse de courir. Une fois cette pièce produite, alors même que la demande est illégale, le délai d’instruction repart et, à son terme, un refus est toujours possible, et ce, sans rapport avec la pièce complémentaire exigée.

Fort heureusement, le 9 décembre dernier, le Conseil d’Etat, adopte une lecture exégétique des textes : il opère un revirement indispensable et attendu par les praticiens et les porteurs de projet immobilier.

La Haute juridiction décide, dans un arrêt de principe, qu’en présence d’une demande illégale de pièces complémentaires, le délai d’instruction de l’ensemble des autorisations d’urbanisme – déclaration, permis de construire, d’aménager, de démolir- n’est pas interrompu : une décision tacite nait alors, à la fin de l’instruction.

Il est toujours envisageable d’exiger des pièces autres que celles visées par le Code de l’urbanisme mais cette pratique est désormais vouée à l’échec : le délai d’instruction est hors d’atteinte et, à son terme, une autorisation tacite sera acquise.

C’est en réalité un retour à l’orthodoxie juridique entamé timidement par une décision du Conseil d’Etat en date du 13 novembre 2019 – n° 419067 : était illégale la décision de refus d’une autorisation fondée sur une pièce “hors liste” du Code de l’urbanisme.

Toutefois, les termes de l’article R. 423-41 du Code de l’urbanisme sont nettement plus rigoureux.

Une demande de production de pièce manquante ne portant pas sur l’une des pièces énumérées par le présent code n’a pas pour effet de modifier les délais d’instruction.

Dès lors, au terme du délai d’instruction, l’autorisation est acquise sous réserve des hypothèses de l’article R.424-2 du Code de l’urbanisme où le silence de l’administration vaut décision implicite de rejet – projets sur des immeubles inscrits au titre des monuments historiques, faisant l’objet d’une autorisation d’exploitation commerciale etc…

Reste alors à obtenir, pour preuve de l’autorisation tacite, le certificat mentionné à l’article R.424-13 du Code de l’urbanisme.

Malgré ce revirement, les opérationnels, dont les enjeux sont importants, choisiront parfois de transmettre certaines pièces “hors liste” et d’accepter l’allongement des délais de l’instruction. Ils sont ici guidés par la peur d’un refus ou d’un retrait de l’autorisation.

Cette position est compréhensible.

Cependant cette décision du Conseil d’Etat ouvre la voie vers une autre dialectique.

Concilier les intérêts en présence est alors indispensable notamment pour ne pas créer des tensions susceptibles de surgir lorsque le pétitionnaire estimera être titulaire d’un permis tacite alors que les services instructeurs ne l’entendront pas ainsi !

La mise en œuvre du droit de préférence de L.331-19 du Code forestier ne donne pas naissance à une offre de vente au profit de son bénéficiaire !

Propos autour de la décision de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation du 28 septembre 2023 (n° 22-15.576).

Afin de lutter contre le morcellement des forêts, le législateur a institué un droit de préférence au profit de propriétaire (s) forestier (s) d’une ou plusieurs parcelle (s) contiguë(s) en cas de vente d’une parcelle boisée d’une superficie de moins de 4 hectares.

Ce droit légal d’acquisition prioritaire contribue ainsi à la restructuration des petites parcelles boisées morcelées, en permettant une nouvelle unité foncière avec les parcelles forestières voisines.

Ce droit de préférence suppose, pour pouvoir trouver à s’appliquer, qu’un propriétaire vende une parcelle boisée, classée au cadastre en nature de bois et d’une superficie totale inférieure à quatre hectares.

Ainsi, s’agissant des biens susceptibles d’être soumis à cette préférence légale, l’article L. 331-19 alinéa 1er du Code forestier, dispose qu’il doit s’agir “d’une propriété classée au cadastre en nature de bois et forêts“, d’une superficie précise et limitée.

La parcelle vendue doit réellement être constituée de bois et, être classée comme telle au cadastre – catégorie 5.

En revanche, s’agissant de la parcelle contiguë de celle vendue, elle doit seulement être en nature réelle de bois, c’est-à-dire porter effectivement des plantations, des semis et/ou des boisements d’une certaine densité.

Et, la nature du classement au cadastre de ladite parcelle est indifférente.

En effet, la référence faite par la loi aux indications du cadastre est réalisée uniquement afin de déterminer l’identité des “propriétaires”, bénéficiaires du droit de préférence, de sorte de limiter le champ des recherches qui doivent être accomplies aux seuls propriétaires figurant au cadastre.

Ces indications cadastrales ont alors une portée et une valeur juridiques : elles permettent d’établir des droits de priorité au profit de ceux identifiés comme propriétaires et des obligations pour ceux qui possèdent les parcelles visées par l’article L.331-19 du Code forestier.

Le droit prétorien, en la matière, est assez rare.

La décision rendue par la Cour de cassation en date du 28 septembre 2023 mérite donc d’être signalée.

Elle répond à la question de savoir si le propriétaire forestier, titulaire d’un droit de préférence en vertu de l’article L. 331-19 du Code forestier peut obtenir la vente forcée de la parcelle lorsque le vendeur refuse de la lui vendre et, choisit, de renoncer à la vente.

Pour exercer la purge de ce droit, le vendeur est tenu de notifier aux propriétaires d’une parcelle boisée contiguë le prix et les conditions de la cession projetée, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou, lorsque le nombre de notifications est égal ou supérieur à dix, par voie d’affichage en mairie durant un mois doublée d’une publication d’un avis dans un journal d’annonces légales -art. L.331-19 alinéa 2 du Code forestier.

Tout propriétaire d’une parcelle boisée contiguë dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification pour faire connaître au vendeur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par remise contre récépissé, qu’il exerce son droit de préférence aux prix et conditions qui lui sont indiqués par le vendeur.

Lorsque plusieurs propriétaires de parcelles contiguës exercent leur droit de préférence, le vendeur choisit librement celui auquel il souhaite céder son bien.

Mais, l’article L.331-19 du Code forestier ne précise pas la valeur juridique de cette notification : emporte t-elle offre de vente ou indique t-elle une simple intention de vendre ?

C’est au législateur, en principe, d’indiquer la valeur des notifications réalisées en application d’un droit de priorité qu’il soit de préemption ou de préférence.

Ces dernières sont souvent assimilées à des offres de vente : tel est le cas notamment du droit de préemption du preneur à bail organisé par l’article L.412-8 al.2 du Code rural ou de celui du locataire au titre de l’article 15 II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Sur ce point l’article L.331-19 du Code forestier est silencieux.

Mais alors, que se passe-t-il si le vendeur entend ne plus céder sa parcelle alors même qu’un des bénéficiaires du droit de préférence manifeste sa volonté d’acquérir ?

Les juges de droit répondent de manière pragmatique : ce vendeur peut renoncer à céder sa parcelle. Il n’y a pas eu, de sa part, une offre de vente et, il demeure libre de contracter ou pas.

Ainsi, transmettre le projet de vente aux bénéficiaires du droit de préférence n’est pas un engagement de vendre et ne vaut pas offre ferme de vendre au bénéficiaire.

C’est alors une simple formalité ouvrant une phase de discussion pouvant mener vers un accord contractuel.

Le doute sur la valeur de la notification de l’article L. 331-19 du Code forestier n’existe plus. Elle ne vaut pas promesse unilatérale de vente au sens de l’article 1589 du Code civil.

Cette décision de principe est un retour approprié à l’orthodoxie juridique des droits de préférence.

La volonté du vendeur retrouve une place plus juste : il est libre de contracter.

Dès lors, si le bénéficiaire du droit manifeste sa volonté d’acquérir, l’expression de cette volonté n’induit pas l’obligation de lui vendre le bien mais simplement de ne pas le vendre à un tiers.

La liberté contractuelle du vendeur est ainsi sauvegardé autant que sa propriété.

Le “coliving”, un logement comme un autre ?

Lorsque nos modes de vie évoluent et donnent lieu à la création de nouveaux concepts tels que le “coliving” ou encore le “coworking”, les rédacteurs des plans locaux d’urbanisme sont appelés à réfléchir sur la manière d’appréhender ces notions pour les intégrer dans les différentes destinations des constructions autorisées, sur un territoire donné.

Les auteurs des PLU ont, en effet, toute latitude, dans le respect des règles nationales d’urbanisme, pour préciser l’affectation des sols – commerce, habitation – ou la nature des activités autorisées et/ou interdites; et, définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions.

Ils peuvent aussi préciser la destination et la sous-destination des bâtiments tel que définies par le Code de l’Urbanisme en ses articles R. 151-27 et R. 151-28.

Chaque destination principale – exploitation agricole et forestière ; habitation ; commerce et activités de service ; équipement d’intérêt collectif et services publics ; autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire- est subdivisée en « sous-destinations ».

L’article R. 151-28 du Code de l’Urbanisme indique ces 20 sous-destinations contenues dans les destinations précédentes.

Un arrêté du 10 novembre 2016, complété par une fiche technique élaborée par le ministère du Logement et de l’Habitat durable – Fiche technique n° 6, Réforme des destinations de construction, publiée en 2015 par le ministère du Logement et de l’Habitat durable- explicite le contenu des sous-destinations récemment modifié par un décret n° 2020-78 du 31 janvier 2020.

Les porteurs de projet sont tenus de prendre en compte l’ensemble de ces destinations et sous-destinations réglementées par les plans locaux d’urbanisme auxquels ils sont soumis.

Et, l’option faite par le constructeur, dans sa demande d’autorisation d’urbanisme d’une sous-destination précise n’est pas neutre notamment lorsqu’il s’agit de l’hébergement et du logement.

Très concrètement, la sous-destination hébergement, permet d’éviter des contraintes applicables uniquement aux logements telle que les servitudes de mixité sociale et l’obligation de création de places de stationnement.

La viabilité économique du projet de construction dépend donc aussi du choix de la destination et de la sous-destination de la construction dans le dépôt de l’autorisation initiale.

A ce titre, le choix de la sous-destination hébergement propre au “coliving” suppose de ne pas construire ou rénover de véritables logements.

Ainsi, si le principe du “vivre ensemble” est simple, il est néanmoins à la croisée des chemins d’une pluralité de règles et souvent, aux frontières, de notions existantes.

C’est dire que, confronté aux projets de “coliving”, le législateur doit concevoir pas à pas son cadre juridique.

Le droit positif lui emboîte néanmoins le pas : en témoigne une décision d’importance de la Cour d’Appel de Bordeaux du 6 juillet 2023 – n° 22BXO1135.

Dans cette affaire, le constructeur titulaire d’une autorisation pour bâtir du “coliving” construisit, en réalité, de véritables logements.

Les services de la mairie rendus sur place ont constaté dans le bâtiment l’existence de chambres équipées de salle d’eau et de toilettes individuelles étant entendu que leurs portes disposaient chacune d’une serrure et d’un œilleton.

Par ailleurs, les annonces pour la location de ces chambres sur le site internet « moncoliving.fr », précisaient leurs différentes éléments d’équipement et notamment la présence de réfrigérateurs, de plaques de cuisson amovibles ou même, parfois d’un lave-linge.

Les juges du fond considèrent alors que le bâtiment est constitué de logements neufs. En tant que tels, ces derniers ne respectent donc pas le nombre de place de stationnement requises dans le plan local d’urbanisme de Bordeaux métropole.

Cette décision en témoigne : les juges administratifs, pas à pas, face au silence du législateur, posent des critères factuels permettant de faire entrer ou non le “coliving” dans une des sous-destinations de la destination habitation de l’article R.151-27 du Code de l’Urbanisme.

Si les locataires de ces derniers, disposent, d’une totale autonomie et ne dépendent pas des services proposés dans les parties communes des bâtiments, il s’agit alors d’habitats indépendants dotés, en plus, d’espaces communs utilisables par tous.

Cet habitat sera intégré dans la sous-destination logement de l’article R.151-28 du Code de l’Urbanisme.

A l’inverse, si l’immeuble est doté d’espaces partagés et d’espaces privatifs, propres à chaque locataire mais, ne leur permettant pas de vivre en totale autonomie, il s’agit d’un “coliving”.

Le “coliving” quant à lui sera assimilé à la sous-destination hébergement. Il n’est pas un simple assemblage de logements indépendants mais une véritable structuration immobilière du “vivre ensemble”.

Il est donc temps que le législateur se saisisse de cette nouvelle notion : les défis juridiques sont nombreux tant le “coliving” offre des réalités diverses, inconnues jusqu’alors de l’immobilier résidentiel.

La difficulté réelle est donc de distinguer ce qui relève du logement ou de l’hébergement dans la destination habitation.

Rien n’est définitivement figé, autant que rien n’est complètement résolu et certaines questions restent en suspens.

Mais il est une certitude : les porteurs de projet ne peuvent faire passer des logements “classiques” pour du “coliving” pour augmenter le nombre de logements autorisés par le permis de construire. Les autorités administratives aidées par le droit positif ont aujourd’hui suffisamment de critères factuels pour détecter une telle tentative.

Le droit de préférence de l’article L.146-45-1 du Code de commerce ne profite pas au preneur à bail commercial d’un local industriel

Propos autour de la décision n° 22-16.034 de la troisième Chambre Civile du 29 juin 2023

La question posée à la Haute juridiction est, simple, en la forme : le droit de préférence du preneur à bail commercial, au titre de l’article L.145-46-1 du Code de commerce, est-il applicable aux locaux industriels ?

En l’espèce, le locataire bénéficiait d’un bail commercial soumis aux articles L.145-1 et suivants du Code de commerce.

La destination contractuelle des lieux loués était la fabrication d’agglomérés et, la préfabrication de certains éléments de construction.

Il s’agissait donc non pas d’un local commercial mais d’un véritable local industriel.

Cependant, le statut des baux commerciaux s’applique, d’après l’article L.145-1 du Code de commerce aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité que ce fond appartienne à un commerçant ou à un industriel, immatriculé au registre du commerce et des sociétés.

Il était donc logique, une fois ce statut applicable, qu’il le soit dans son ensemble en ce compris l’article L.145-46-1 du Code de commerce.

Mais, la Haute juridiction ne l’entend pas ainsi. Elle adopte, dans cet arrêt, à la valeur de décision de principe, une interprétation stricte de l’article L. 145-46-1 : cette disposition du Code de commerce, vise le locataire “d’un local à usage commercial ou artisanal” et, les locaux industriels en sont absents.

Le droit de préférence institué par l’article L.145-46-1 du Code de commerce concerne uniquement un local artisanal et/ou commercial et non un local industriel et ce, même si le preneur est titulaire d’un bail commercial .

Les juges de droit ne s’arrêtent pas en si bon chemin : ils donnent, aussi, aux praticiens une définition pragmatique du local industriel.

C’est un “local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers (..)”.

Le local doit donc être principalement un local industriel. Et, toute activité commerciale accessoire n’opérera aucune modification quant à l’application éventuelle du droit de préférence tel qu’issu du Code de commerce.

A l’inverse, si l’activité commerciale est l’activité principale, peu importe l’existence d’une activité industrielle accessoire, l’article L.145-46-1 du Code de commerce sera applicable.

Nous devons alors, en cas de vente de l’immeuble, déterminer, face à un locataire aux activités plurales, laquelle de ces activités est principale afin d’en déduire la nature du local occupé et l’application ou non du droit de préférence légal.

Il s’agit ici certes d’une questions de fait mais aussi de droit. La destination contractuelle inscrite dans le bail commercial prend ici toute son importance si elle est conforme à son usage réel.

Dans cette décision, les termes du bail, laissaient entendre un usage industriel et non commercial. Et l’affectation réelle du local était bien industrielle.

Qu’on se le tienne pour dit : dès lors qu’un bail commercial portera sur un local abritant une activité industrielle – aujourd’hui définie par la Cour de cassation- , le locataire n’aura aucun droit de préférence légal.

La plume du rédacteur d’actes saura alors devenir pertinente pour laisser au locataire une priorité d’acquisition : la rédaction d’un pacte de préférence conventionnel va s’imposer.

Le locataire d’un bien immobilier industriel pourra ainsi, par le biais d’une clause de l’acte, bénéficier d’un droit de préférence sur le local, droit conventionnel inscrit dans le marbre de la convention.

En d’autres termes, seul le local commercial ou artisanal entre dans le champ d’application de l’article L.145-46-1 du Code de commerce et ce, conformément à une analyse exégétique de ce texte.

Mais alors, qu’adviendra-t-il de notre pratique en matière de bureaux après cette première décision des juges de droit ?

Le droit positif vient en effet de trancher la question des locaux industriels mais celle relative à l’applicabilité du droit de préférence aux bureaux n’a pas encore fait l’objet d’un arrêt de la Cour de cassation.

Des juridictions d’appel estiment que les bureaux loués destinés à une activité commerciale au sens de l’article L.110-1 du Code de commerce sont des locaux à usage commercial – CA Paris, 5-3, 1er décembre 2021, n° 20/00194 ; CA Rennes, 11 janvier 2022, n° 20/01661. Et, le locataire bénéficie alors du droit de préférence légal.

A l’inverse, et en raisonnement par analogie avec les locaux industriels, il serait logique que les bureaux loués pour une activité professionnelle soient exclus du droit de préférence légal; étant entendu qu’ils sont nullement visés à l’article L.145-1 du Code de commerce.

Les juges du fond s’attachent à l’usage effectif des locaux par le locataire nonobstant la destination contractuelle des lieux loués; destination ne laissant pas toujours entendre une activité commerciale.

Pas à pas la Haute juridiction, soucieuse de respecter la lettre du texte de l’article L.145-46-1 du Code de commerce entend en donner une interprétation stricte.

Un constat s’impose : les juges de droit devront un jour prochain se pencher sur la question des bureaux.

En effet, l’amendement n°148 visant à étendre le droit de préférence prévu à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce aux bureaux de professionnels non commerçants pratiquant une activité libérale ne fut pas adopté.

Tout comme les locaux industriels, les praticiens ont besoin d’une définition précise de la notion de bureaux pour acquérir la certitude qu’ils sont, soit soumis à l’article L.146-45-1 du Code de commerce soit, exclus.

Propriétaires de terrains : attention à ne pas devenir détenteurs de déchets !

A quel moment les objets accumulés sur un terrain deviennent-ils des déchets au sens de l’article L.541-1-1 du Code de l’Environnement pour lesquels le détenteur et/ou le propriétaire risque d’être sanctionné par la police des déchets ?

Le Conseil d’Etat répond à cette interrogation dans une décision du 26 juin 2023 – n° 457040.

Ainsi, des objets hétéroclites déposés par le détenteur sur un terrain dont il est propriétaire peuvent être regardés comme des déchets, au sens de l’article L.541-1-1 du Code de l’Environnement.

Juridiquement, le déchet correspond à « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ».

En pratique, cela signifie que tout objet dont on veut se défaire ou dont on doit se défaire serait constitutif d’un déchet.

Et, les producteurs ou détenteurs de celui-ci sont les seuls chargés de son élimination dont ils sont, d’ailleurs, responsables. L’article L. 541-1-1 du Code de l’Environnement définit le producteur de déchets de la manière suivante : « toute personne dont l’activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ».

Mais, à défaut, de pouvoir identifier un producteur, la gestion des déchets incombe au détenteur.

Selon ce même article, est détenteur de déchets : « le producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ».

Au surplus, conformément à l’article L. 556-3 du Code de l’Environnement, en l’absence de producteur ou de détenteur connu des déchets, le propriétaire du terrain sur lequel ils sont déposés peut être regardé comme le détenteur au sens de l’article L. 541-2 du Code de l’Environnement et en être le seul garant.

A l’inverse, le seul fait d’être propriétaire du terrain où se trouve le déchet n’implique pas d’en être le détenteur.

Il est néanmoins nécessaire de rapporter la preuve d’une absence de négligence fautive quant au traitement de ces déchets pour ne pas être tenu pour responsable de leur abandon -CE, 13 octobre 2017, n° 397031.

En effet, le propriétaire négligent sera obligé, à tout le moins, de l’élimination à ses frais des déchets se trouvant sur son terrain.

De deux choses l’une :

Le propriétaire découvre qu’un tiers a abandonné des déchets sur son terrain.

Il aura alors intérêt à informer sans délai la commune du lieu de situation de l’immeuble et faire constater les faits; tout en démontrant qu’il demeure étranger à cet abandon.

Seul, le véritable détenteur en sera alors responsable.

Ou, le propriétaire est également le détenteur des déchets, par négligence.

Cet abandon de déchets ou dépôt sauvage sera alors susceptible de sanctions à son encontre.

L’article L. 541-3 (I) du Code de l’Environnement encadre les pouvoirs de l’autorité administrative en cas d’abandon, de dépôt ou de gestion illégale des déchets :

« […] Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application (..) l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt et, après l’avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours (..) peut lui ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 euros et le mettre en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé.

Et, la loi « climat et résilience » insère un nouveau délit à l’article L. 541-46 du Code de l’environnement : le non-respect de la mise en demeure visée par l’article L.541-3 (I) du Code de l’Environnement est puni de trois ans d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende lorsque cette infraction expose directement la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable.

Force est alors de constater que, pas à pas, un cadre juridique se construit pour lutter contre le fléau de l’abandon des déchets.

Les propriétaires de terrains peuvent, dès lors, se voir rappeler à l’ordre !

Dans ce contexte, les magistrats du Conseil d’Etat estiment que lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter le caractère de déchets au regard de l’article L. 541-1-1 du Code de l’Environnement; alors même qu’ils y sont déposés par le propriétaire du terrain.

Après cette décision, un bien sera aussi qualifié de déchet au vu de son état et de ses conditions de dépôt : une appréciation pragmatique est alors adoptée.

Les magistrats entendent ainsi certainement simplifier l’exercice, par les maires, de la police administrative des déchets.

Ils sont, en effet, tenus de contrôler ces dépôts sur leur territoire : il faut alors acquérir de façon tangible la certitude de l’abandon du bien par son détenteur.

Ces critères s’ajoutent à celui du caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable -Conseil d’Etat, 24 novembre 2021, n°437105 : ainsi, et “aux fins d’apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de ces dispositions, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable” .

Mais demeure néanmoins une interrogation d’importance : comment acquérir la certitude qu’un bien fera ou non l’objet d’une réutilisation sans transformation préalable ?

Le Conseil d’Etat ne nous apporte aucune réponse.

Cette décision du 26 juin 2023 précise simplement : est insuffisante, l’affirmation du propriétaire du terrain indiquant qu’il n’entendait pas se défaire du bien – mais sans pour autant indiquer son utilisation ultérieure- pour contester la présence de déchets sur son terrain et ce, lorsque les autres critères sont remplis.

Il est en effet un principe constant : nul ne peut se constituer de preuve à soi-même. Le propriétaire du terrain devait , pour se décharger de sa responsabilité, apporter des éléments de preuve extérieurs. Une simple déclaration de sa part est irrecevable.

L’abandon des déchets n’est donc pas l’apanage des installations classées : un pouvoir spécial de police instauré à l’article L.541-3 du Code de l’Environnement est le gardien de l’abandon de déchets et ce, quel que soit la qualité de leurs auteurs.

Les propriétaires de terrains n’en sont donc pas exempts !

L’héritier réservataire, le légataire universel et la déclaration de succession : une trilogie délicate

Retour sur la décision du Conseil constitutionnel du 1er juin 2023 n° 2023-1051 QPC

L’héritier réservataire est-il tenu de déposer, en présence d’un légataire universel, une déclaration de succession dans les six mois du décès?

Le Conseil constitutionnel a répondu par l’affirmative, à l’occasion, d’une question prioritaire de constitutionnalité.

La doctrine administrative, il est vrai, est claire sur ce sujet.

Ainsi, « le délai fixé par la loi est le même pour tous. Il s’applique même aux héritiers ou légataires mineurs. Ce délai court du jour du décès, sans que l’administration ait à prouver l’acceptation des héritiers, donataires ou légataires. Le principe est applicable même lorsque les successibles contestent la validité du testament laissé par le défunt. Ainsi, en principe, tout héritier apparent doit déclarer la succession dans le délai légal, même s’il n’a pas encore obtenu la délivrance de son legs ou si la dévolution héréditaire est contestée »(V. BOI-ENR-DMTG-10-60-50, 30 oct. 2014, § 40).

Le seul cas particulier est celui de la contestation des droits successoraux pouvant donner lieu à un report du délai de l’article 641 du Code Général des Impôts et ce, à certaines conditions – Cass. com, 5 mars 1991, n° 89-18298.

Mais un légataire universel, est, dès le jour du décès, immédiatement saisi de l’intégralité de l’actif successoral.

L’héritier réservataire obtient, quant à lui, le règlement de sa réserve héréditaire par le paiement, le cas échéant, de l’indemnité de réduction lui revenant, lorsque ses droits sont déterminés.

Celui-ci a intérêt à fixer rapidement le montant de sa créance, afin d’éviter toute source de difficulté relative à l’état et la valorisation des biens à l’ouverture de la succession.

Mais, la fixation et le paiement de cette indemnité prennent du temps, même si les parties s’entendent à l’amiable.

Et, le délai afférent à la déclaration de succession reste, quant à lui, limité par la réglementation fiscale : l’application cumulatives des articles 724 alinéa 1 du Code civil et 641 et 1701 du Code Général des Impôts conduisent à un règlement des droits de succession dans un délai de six mois à compter du jour du décès.

Il apparait alors délicat de concilier ce délai de six mois et le temps réel de la succession !

En présence d’un légataire universel ces dispositions légales conduisent, dans certaines circonstances, l’héritier réservataire à payer les droits de succession avant le règlement de sa créance d’indemnité de réduction.

Même si héritiers et légataires se mettent d’accord et évitent ainsi un contentieux, le temps de l’accord est incompressible et dépasse souvent le délai légal de 6 mois.

Tel est le cas, dans cette décision, du 1er juin 2023.

L’administration fiscale notifie aux héritiers une proposition de rectification, du fait d’un dépôt hors délai de la déclaration de succession – intérêts de retard et une majoration de 10 % .

Le dépôt a eu lieu après le délai de 6 mois en raison de la signature d’un protocole d’accord sur le montant de l’indemnité de réduction.

La question prioritaire de constitutionnalité est donc fondée sur l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 posant le principe d’égalité devant les charges publiques  – Cass. com., 5 avril 2023, n° 23-40.001.

Ainsi, lorsque la perception d’un revenu ou d’une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource.

Dès lors, il apparait contraire à ce principe, d’obliger ici l’héritier à déposer la déclaration et à régler les droits dans ce délai légal de 6 mois.

Toutefois, le Conseil Constitutionnel estime qu’en présence d’un légataire universel, les héritiers réservataires sont tenus de verser des droits de succession au titre des biens non encore transmis et dont ils n’auraient pas encore perçu la contre-valeur imposable.

Ce n’est donc pas contraire à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme.

Les sages du Palais Royal considèrent que le versement de l’indemnité à l’héritier réservataire, retardé du fait de la présence d’un légataire universel, est sans incidence sur l’appréciation des capacités contributives de l’héritier .

S’agissant de l’héritier réservataire, créancier d’une indemnité de réduction, il ne peut donc pas différer l’exigibilité des droits de mutation afférents à sa part réservataire en invoquant le retard du légataire universel dans le paiement de sa créance.

Ainsi,  il est dans l’obligation de verser le montant des droits dus alors même qu’il n’aurait pas encore reçu le paiement de sa créance.

Les héritiers réservataire peuvent-ils alors demander au légataire le remboursement des pénalités de retard payées à l’administration fiscale ?

La réponse est négative.

L’application exégétique des articles 1705 et 1709 du Code général des Impôts – désignant les débiteurs des droits de succession – conduit la Cour de cassation à considérer que le légataire universel ne peut être tenu du règlement des droits de succession d’un bien, dont il n’est pas le bénéficiaire final – Cass. 1re civ., 10 juill. 1990, n° 88-19.475.

La position de l’administration fiscale, confortée par le Conseil Constitutionnel, s’en trouve renforcée : elle ne tiendra pas compte des circonstances empêchant le redevable de transmettre la déclaration de succession dans les 6 mois du décès notamment lorsqu’il lui est impossible, dans ce délai, de connaitre le montant de l’émolument qu’il doit recueillir.

La question est alors de sécuriser l’héritier réservataire agissant en réduction du leg universel.

Ne pourrions-nous pas suggérer au législateur d’attribuer à l’héritier réservataire une sûreté sur les biens légués tant que sa créance au titre de l’indemnité de réduction n’est pas payée?

Légalement, il suffirait de modifier l’article 924 du Code civil en attribuant, par exemple, un droit de rétention sur ces biens au profit de l’héritier réservataire et ce, dans l’attente du paiement de sa créance ou, un privilège légal du fait de sa qualité d’héritier.

A défaut, l’on ne peut que constater la situation de fragilité dans laquelle se trouve cet héritier, contraint de payer des droits, sans pouvoir connaitre de manière précise leur étendue et le quantum de l’indemnité de réduction.

Servitudes de cours communes et conditions d’éclairement des immeubles dans le PLU de la ville de Paris

Propos autour de la décision du Conseil d’Etat du 12 avril 2023, n° 451794

Le 12 avril dernier, le Conseil d’Etat se prononçait sur les articles UG 7.1 et UG 7.2 du PLU de la ville de Paris, portant respectivement sur les conditions d’éclairement des immeubles et les servitudes de cours communes entre des terrains contigus.

Les propriétaires d’appartements sur la parcelle voisine du projet entendaient annuler, en justice, le permis de construire, source pour eux de mécontentement.

D’une part, l’immeuble de six étages projeté allait faire perdre totalement leur ensoleillement aux salles de bains, alors même que ces pièces donnaient elles-mêmes sur un mur pignon mitoyen de l’immeuble, objet du permis.

Les magistrats se devaient donc d’examiner, si le projet autorisé, était de nature à pouvoir être interdit aux termes de l’article UG 7.1 du PLU de la ville de Paris.

En effet, l’implantation d’une construction en limite séparative peut être refusée, si elle a pour effet de porter gravement atteinte aux conditions d’éclairement de l’immeuble voisin.

Il y avait-il, en l’espèce, une telle atteinte ?

La réponse est négative car la gravité de l’atteinte doit s’apprécier en tenant compte des caractéristiques de la pièce, de sa destination et de l’incidence de son niveau d’éclairement sur les appartements concernés.

Manifestement, la perte d’ensoleillement d’une salle de bain n’est pas une atteinte suffisamment grave et ce d’autant plus que les fenêtres concernées étaient des “jours de souffrance” et donc, des ouvertures laissant passer la lumière sans offrir de vue et, destinées uniquement à offrir un apport lumineux.

Au surplus, il ne s’agissait pas ici d’une privation de lumière mais d’une perte d’ensoleillement

L’article UG 7.1 du PLU de la ville de Paris a d’ailleurs fait l’objet de décisions antérieures.

Une atteinte grave aux conditions d’éclairement suppose une obstruction significative de la lumière et non une simple diminution de la luminosité – CE, 20 octobre 2017, n° 399508- et, même si la construction a pour effet de priver les appartements situés dans des étages moins élevés des rayons directs du soleil, elle peut néanmoins être autorisée – CE, 22 novembre 2019 n°420948.

Le Conseil d’Etat se fonde alors sur un faisceau d’indices concordants pour démontrer l’absence d’atteinte grave aux conditions d’éclairement de l’immeuble.

Il est donc tenu compte de la destination des pièces, de leur qualité et de la configuration des appartements pour apprécier si la construction voisine porte réellement atteinte à l’éclairement général de l’appartement et peut être refusée au sens de l’article UG 7.1 du PLU de la ville de Paris.

En réalité les requérants ne disposaient pas ici de l’intérêt à agir dicté par l’article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme : le projet n’était pas de nature à affecter directement “les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance” de leurs appartements.

Ces derniers, reprochent alors au pétitionnaire l’institution d’une servitude de cour commune avec le propriétaire d’une parcelle contigüe non bâtie.

Cette servitude permettait l’ouverture de vue en limite séparative.

Elle offrait alors la possibilité de repousser les limites séparatives prises en compte pour l’application des règles de prospect.

L’article UG 7.2 du PLU de la ville de Paris autorise les propriétaires de terrains contigus à constituer entre leurs bâtiments des cours communes.

Ici il s’agissait d’instituer cette servitude entre un bâtiment et une parcelle n’en comportant pas. Les requérants estimaient ces servitudes possibles, simplement, entre deux terrains bâtis et donc, en l’espèce, irréalisables.

Leur argument n’a pu prospérer.

En effet, l’article L.471-1 du Code de l’Urbanisme pose le principe de validité d’une telle servitude entre deux fonds que le terrain comporte ou non des bâtiments .

La servitude de cour commune instituée tant par le Code de l’Urbanisme que par le PLU de la ville de Paris a comme finalité d’aménager les constructions présentes et/ou à venir par rapport aux limites séparatives de deux propriétés adjacentes.

De telles servitudes, au demeurant instituées pour des projets de constructions futures auraient, peu ou pas d’utilité, si elles étaient constituées uniquement entre deux terrains déjà bâtis.

Le conseil d’Etat a donc validé le projet de construction et estimé que la convention de cour commune était conforme à l’article UG 7.2 du PLU de la ville de Paris , même si l’une des parcelles ne comportait pas de bâtiment.

L’utilité de la servitude de cour commune prend ici tout son sens.

Une telle servitude ne permet pas de s’affranchir des règles de distance instituées par le PLU.

Mais, elle permet néanmoins de prendre en compte, pour apprécier ces règles de distance, non seulement le terrain du propriétaire qui souhaite construire, tel que délimité par la limite séparative, mais également une partie de la surface du fonds voisin sur lequel la servitude est établie – voir en ce sens, Réponse ministérielle n°13002, JO Sénat, 14 mai 2020, p.2237.

La servitude de cour commune institue donc un juste équilibre entre l’intérêt général garantit par le respect des règles d’urbanisme et l’intérêt du propriétaire désireux de construire et d’aménager de manière pertinente sa parcelle.

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 : vers un coup d’accélérateur pour les projets éoliens?

Les opérateurs d’énergies renouvelables l’attendaient avec impatience et ce, depuis l’instruction de la Direction générale de l’Energie et du Climat du 16 septembre 2022 –  Instruction n° ENER2226074C- annonçant de nouvelles mesures législatives concernant le traitement des dossiers éoliens par les services de l’Etat.

C’est chose faite : la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 fut promulguée le 10 mars 2023 et, validée pour la plupart de ses dispositions, par une décision du Conseil Constitutionnel du 9 mars 2023 – décision n°2023-848. Il ne manque plus que ses décrets d’application.

Plusieurs dispositions de ce texte sont destinées à favoriser le développement de l’éolien et, entendent ainsi tenir compte des particularismes territoriaux.

Le législateur veut sécuriser les opérateurs en instaurant une présomption d’intérêt public majeur.

Selon, le nouvel article L.411-2-1 du Code de l’Environnement, les projets d’installations et de stockages de production d’énergies renouvelables bénéficieront d’une telle présomption lorsqu’ils satisferont aux différents critères légaux.

Les conditions de cette présomption seront définies par un décret en Conseil d’Etat.

Celles-ci seront établies, à la lecture de l’article L.211-2-1 du Code de l’Energie, en tenant compte “du type de source d’énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)“.

Ce sont donc les futures dispositions du décret d’application qui vont rendre, en principe, moins difficile, la réalisation des installations et du stockage de l’énergie ainsi produite.

Dès lors, les projets éoliens, dans la lignée du règlement européen n° 2022/2577 du 22 décembre 2022, pourront bénéficier plus aisément d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte à des espèces protégées; prohibition instituée à l’article L.411-1 (I) du Code de l’environnement.

Cette dérogation n’est acquise que si le projet relève d’un “intérêt public supérieur”.

En effet, ces projets en tant que tels, présentent un risque caractérisé d’atteinte aux espèces protégées et/ou à leurs habitats. Si le risque existe, ils doivent faire l’objet d’une dérogation préfectorale.

L’article L. 411-2 du Code de l’Environnement subordonne l’octroi de cette dérogation à plusieurs conditions cumulatives : le projet sera justifié par une raison impérative d’intérêt public majeur, aucune solution de substitution ne doit être envisageable et la dérogation ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Toutefois, l’octroi de cette dérogation suscite depuis longtemps un contentieux important, source d’insécurité pour les porteurs de projet.

Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs rendu un avis le 9 décembre 2022 – avis n° 463563- énumérant les hypothèses pour lesquelles le pétitionnaire devait demander une dérogation tout en précisant les éléments d’appréciation dont l’autorité administrative devait tenir compte.

Pour autant, un tel avis était insuffisant dans le silence des textes pour apporter une sérénité suffisante en la matière.

Il était devenu indispensable, d’inscrire, dans le marbre, les conditions permettant à une installation de production et de stockage d’énergie renouvelable de bénéficier d’une telle dérogation.

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 mars dernier, notamment, de ce point précis.

Il était reproché au nouveau texte et, donc à l’article L.411-2-1 du Code de l’Environnement, de ne pas respecter l’objectif constitutionnel de protection de l’environnement; compte tenu des effets nocifs possibles des installations sur la santé des riverains et sur les espèces protégées et leurs habitats.

Ce faisant, pour les sages de la rue Montpensier, le législateur a respecté, avec ce nouvel article, cet objectif de protection de l’environnement.

Certes, l’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » mais, certaines limitations existent pour des motifs d’intérêts généraux et si elles sont proportionnées à l’objectif poursuivi. Ces limitations permettent d’autoriser, entre autres, un projet éolien.

Au-delà de cette présomption, le législateur a aussi entendu lever les blocages des opérateurs installant les radars de l’Armée ou de la Direction générale de l’Aviation civile – dont l’opposition à l’installation d’éoliennes est connue – à l’encontre des porteurs de projet éolien.

Un nouvel article L.515-45-1 du Code de l’Environnement incite les opérateurs éoliens à compenser la gêne provoquée par leurs projets sur les différents radars et ce, pour permettre une meilleure cohabitation entre radars et éoliennes. Ainsi, ces opérateurs peuvent prendre en charge l’installation et la maintenance d’équipements de compensation pour le fonctionnement des radars ou fournir des données d’observation à Météo-France.

Pour autant, la loi du 10 mars dernier comporte aussi des mesures de freinage et non d’accélération de l’éolien.

Un nouveau concept fait son apparition dans le texte de loi: celui de saturation visuelle.

Les autorisations environnementales devront, selon l’article L.515-44 du Code de l’Environnement, tenir compte « du nombre d’installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent déjà existantes dans le territoire concerné, afin de prévenir les effets de saturation visuelle en vue de protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 »

Cette notion est subjective : elle a la particularité de se situer à mi-chemin entre l’objectif de préservation des paysages et celui de protection de la commodité du voisinage, principes institués à l’article L.511-1 du Code de l’Environnement. Elle est aisément invoquée par les opposants et l’État pour s’opposer aux projets s’inscrivant dans une logique de densification éolienne – voir en ce sens, CAA DOUAI, 18 juillet 2022, n°21DA00632.

Il est à craindre, que ce concept de “saturation visuelle” donne lieu à de nombreux contentieux.

Au surplus, chaque schéma de cohérence territorial devra l’intégrer dans sa partie réglementaire, au titre des orientations en matière de préservation des paysages – article L.141-1 du Code de l’Urbanisme.

Enfin, la loi crée des zones d’accélération des énergies renouvelables – article L. 141-5-3 du Code de l’Energie.

Une fois ces zones créées, chaque commune dispose d’un droit de véto sur son territoire pour s’y opposer. Certaines d’entre elles, défavorables à l’éolien pourraient l’exercer pour interdire ou freiner l’avancement des projets.

A la question, de savoir si cette loi est un réel coup d’accélérateur pour les projets éoliens, la réponse semble en demi-teinte : les mesures telles qu’elles sont annoncées vont certainement permettre de concilier plus aisément les intérêts environnementaux et ceux propres aux parcs éoliens.

Elles vont aussi probablement faciliter l’intégration et la compréhension des projets au niveau des territoires et des acteurs locaux.

Mais, la création de zones d’accélération ou la notion de saturation visuelle risquent à nouveau de les entraver..

En la matière, concilier tous les intérêts en présence n’est décidément pas chose facile !