09 septembre 2025 Juridique

Vente d’un immeuble comportant un seul local commercial : exclusion du droit de préférence de l’article L.145-46-1 du Code de commerce

Focus sur les deux décisions de la troisième civile du 19 juin 2025 – n° 23-19.292 – n° 23-17.604

L’article 14 de la loi « Pinel » du 18 juin 2014 a inséré un article L.145-46-1 dans le Code de commerce, qui consacre un droit de préemption inspiré du droit de préférence du locataire qui existe en matière de bail d’habitation.

Cet article dispose aujourd’hui (dans sa version issue de l’article 118 de la loi n°2022-217 du 21 février 2022) :« Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Alors que ce droit de préférence, prévu au profit du preneur à bail commercial n’était auparavant stipulé que dans certains baux, au libre choix des parties, il constitue désormais une disposition d’ordre public (Cass. Civ. 3 ème, 28 juin 2018, n°17-14.605), qui s’applique à toute cession d’un local conclue depuis le 18 décembre 2014.

L’article L.146-45-1 du Code de commerce est donc d’application impérative et il est impossible d’y déroger tant que le droit n’est pas acquis et donc le bien mis en vente.

Dès lors, le propriétaire qui envisage de vendre le local commercial soumis à cette disposition légale doit adresser à son locataire une information sur les prix et conditions de la vente projetée, laquelle vaut offre de vente au profit du locataire.

La loi précise les modalités de cette notification obligatoire, ainsi que les délais d’acceptation par le locataire (un mois) et de réalisation de la vente au profit du locataire (deux ou quatre mois, selon que le preneur à bail a fait connaître son intention, ou non, de recourir à un prêt pour financer l’acquisition).

Si cette disposition est impérative, il n’en reste pas moins qu’elle comporte des exceptions importantes.

Le droit de préférence du locataire est ainsi exclu dans les cas suivants :

  • cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial ;
  • cession unique de locaux commerciaux distincts ;
  • cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial ;
  • cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ;
  • cession d’un local au conjoint du bailleur, à un ascendant ou à un descendant, ou au
    conjoint de celui-ci ;
  • exercice du droit de préemption du Code de l’urbanisme,

La jurisprudence est également venue préciser que le droit de préemption ne s’applique pas dans les hypothèses de ventes judiciaires  (Civ.3ème, 17mai 2018, n°17-16.113; Civ.,23 mars 2023, n°20-19.174).

La Cour de cassation a aussi rappelé que ce droit de préférence, qui vise « les locaux à usage commercial ou artisanal », ne s’applique pas aux locaux à usage industriel – lesquels sont définis comme « tout local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant » (Civ.3ème, 29 juin 2023, n°22-16.034 ; https://137notaires.com/le-droit-de-preference-de-larticle-l-146-45-1-du-code-de-commerce-ne-profite-pas-au-preneur-a-bail-commercial-dun-local-industriel/)

Ce droit de préférence peut en revanche concerner les locaux à usage de bureaux, dans la mesure où ils sont affectés à un usage commercial au sens de l’article L.110-1 du Code de commerce ; a contrario, le droit de préférence semble être écarté pour la vente de locaux à usage de bureaux lorsque ceux-ci sont affectés à un usage professionnel.

Si le locataire de locaux commerciaux bénéficie d’un droit de préférence en cas de vente du local dans lequel il exploite son fonds de commerce, ce droit est toutefois exclu dans certains cas, et notamment en cas de « cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux » – C. com. art. L 145-46-1, dernier al.

La vente globale d’un immeuble ne comprenant qu’un seul local commercial entre-t-elle dans le champ d’application de cette exception ?

La Cour de cassation répond par l’affirmative dans ces deux décisions du 19 juin 2025, jugeant que cette exception au droit de préférence, prévue pour la catégorie générique des locaux commerciaux, s’applique en cas de cession d’un immeuble comprenant un seul local commercial.

Le locataire ne bénéficie donc pas d’un droit de préférence lorsque le local loué ne constitue qu’une partie de l’immeuble vendu en totalité, même si celui-ci ne comprend qu’un seul local commercial.

Plusieurs réponses ministérielles s’étaient prononcées en faveur de l’application de l’exception – Rép. Massat : AN 12-4-2016 n° 95592 ; Rép. Quentin : AN 6-12-2016 n° 98594 ;  Rép. Marseille : Sén. 22-4-2021 n° 21155.Les juges du fond s’étaient aussi prononcés dans le même sens – CA Versailles 14-11-2019 n° 19/05033 ; CA Douai 23-3-2023 n° 20/05233.

Pour autant, en l’absence de décisions de la Haute Juridiction, les praticiens s’avéraient prudents sur cette question et hésitaient à passer des actes de vente d’immeubles sans purger le droit de préférence du locataire.

La Cour de cassation met définitivement fin au doute. Et, dans l’une des décisions du 19 juin – n° 23-19.292-, le droit de préférence est exclu alors même le bailleur n’était pas propriétaire de l’immeuble entier mais seulement de plusieurs lots qu’il avait tous mis en vente.  

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