Division primaire, lotissements, permis valant division : retour sur ces distinctions, à l’aune, de la décision du Conseil d’Etat du 12 novembre 2020

La faculté de diviser sa propriété et de parceller une unité foncière témoignent de la libre disposition de nos droits.

Pourtant, chacun de nous le sait : à chaque division foncière projetée dans nos dossiers, les règles d’urbanisme viennent la contrôler, lui donner un régime et nous obligent parfois à l’amender .

Au final, la maitrise de l’opération immobilière suppose d’avoir orchestré et choisi, la division foncière idoine, parmi celles proposées par le législateur. Le défi est donc de trouver laquelle correspondra le mieux à la finalité envisagée par l’aménageur.

Comme un écho, résonne alors cette équation : construire puis diviser ou diviser puis construire ?

La dichotomie est posée : diviser puis construire caractérise une division foncière constitutive d’une opération de lotissement au sens de l’article L.442-1 du Code de l’Urbanisme.

Cette opération suppose d’avoir obtenu “le permis de diviser ” en propriété ou en jouissance, avant toute construction.

Il se traduit par l’obtention d’une déclaration préalable ou d’un permis d’aménager – article L.442-4 du Code de l’Urbanisme -, étant entendu qu’aucune promesse de vente ne peut se signer sans détenir celui-ci. La prudence suppose d’ailleurs qu’il soit purger de tout recours et de tout retrait au jour de la signature de l’avant-contrat.

Réciproquement, construire puis diviser ne serait pas une opération de lotissement et ouvrirait à l’aménageur le champ des possibles.

Telle est l’idée du permis valant division institué par l’article R. 431-24 du Code de l’Urbanisme ou du permis appelant une division primaire résultant de l’article R.442-1 (a) du Code de l’Urbanisme.

Ces deux formes de divisions permettent d’obtenir, avant toute modification parcellaire, l’autorisation de construire.

L’une, suppose une demande de permis de construire, sur une ou plusieurs unité foncières contigues, sur lesquelles plusieurs bâtiments vont se construire.

La demande portant sur une telle opération est un permis de droit commun néanmoins complété par les pièces indiquées à l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme : le plan de division, pierre angulaire de l’opération, est un préalable indispensable à ce permis spécifique car, essentiel à son instruction. Et, en présence de voies et d’espaces communs, il est nécessaire aussi de transmettre aux services instructeurs, l’organisation envisagée pour ces derniers : association foncière urbaine, copropriété…

Pour le permis valant division,c’est de l’autorisation d’urbanisme initiale que nait la division

Cette division ne sera pas réalisée avant l’obtention du permis mais interviendra avant l’achèvement du projet : la division du terrain d’assiette suppose un projet de constructions inachevées. Mais, si celle-ci intervient après l’achèvement, le permis valant division devient un permis de droit commun – CAA, Lyon, 4 Juillet 2017, n° 15LY01615 – et la division aussi.

Celle-ci consistera alors à diviser une propriété bâtie et, en fonction du territoire sur laquelle elle est située, une autorisation sous forme de déclaration préalable -article L.115-3 du Code de l’Urbanisme – pourrait être requise pour parvenir à morceler cette unité foncière en plusieurs parcelles bâties.

A ce permis valant division, s’ajoute une catégorie de divisions foncières, dites “primaires, instituées par l’article R.442-1 (a) du Code de l’Urbanisme : l’autorisation de construire portera sur une partie de l’unité foncière alors même que la division de terrain sera réalisée plus tard, une fois le permis obtenu. Les constructions envisagées doivent être autres qu’une maison individuelle au sens de l’article L.231-1 du Code de construction et de l’Habitation.

Contrairement au permis valant division, les pièces requises pour cette demande de permis ne sont autres que celles d’un permis de droit commun. et aucun plan de division est exigé par le législateur.

Le permis de construire visé par l’article R.442-1 (a) est alors en tous points un permis de droit commun. 

Partant, celui-ci s’il est en cours de validité, peut alors faire l’objet d’un permis modificatif.

La division dite “primaire” ne constitue donc pas un préalable indispensable à l’obtention du permis. Et d’ailleurs, si tel était le cas, cette division relèverait de la procédure de lotissement.

Elles constituent donc une division foncière, non pas dispensée de permis d’aménager et de déclaration préalable propres aux lotissements mais, elle est, plus simplement, exclut du champ d’application de cette règlementation et n’est pas contrôlée en tant que telle.

C’est ainsi que le permis valant division primaire est autonome et se suffit à lui même : le service instructeur appréciera ce permis de manière isolée sans tenir compte d’aménagements éventuels liés à d’autres permis potentiels tandis que l’aménageur poursuit une opération d’ensemble révélée plus tard et à son terme. La technique des divisions primaires successives n’est pas prête de demeurer lettre morte…

Mais alors, la demande de permis liée à une « division primaire » peut elle faire l’objet d’un permis modificatif éventuel et doit elle être déposée sur l’assiette de la propriété ou sur la seule partie où le pétitionnaire sera habilité à réaliser l’opération immobilière envisagée ?

C’est à ces questions pratiques que nous répond le Conseil d’Etat, dans sa décision du 12 novembre 2020 – n° 421590.

Une division primaire s’opère, par définition, après l’obtention du permis de construire, lequel porte donc à sa date de délivrance sur une unité foncière non divisée.

Dès lors, le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, même si cette dernière est informée de la division à venir. 

Le service instructeur examine donc la demande initiale de permis à la date de la demande, abstraction faite de sa division future. Par conséquent, cette demande portera sur la totalité de l’assiette de la propriété et non sur la parcelle destinée à être bâtie.

Il en est de même du permis modificatif : ce permis sera apprécié, sans tenir compte, sur le terrain d’assiette de la division intervenue. Celui-ci pourrait donc porter en amont, sur la modification de l’assiette foncière du projet depuis le permis initial puisque celui-ci est délivré uniquement au regard de la totalité de la parcelle.

A l’exclusion des opérations de lotissement, on le voit, les divisions foncières ont encore de beaux jours devant elles.

Néanmoins, la prudence est de mise : la frontière est ténue entre diviser puis construire ou construire puis diviser.

Il nous faut veiller à ce que chacune de ces divisions ne puissent pas être requalifiées en opération de lotissement et partant en constituer une fraude.

Chaque utilisation de ces différentes techniques de division corresponde à une hypothèse précise dont nous sommes, en quelque sorte, les gardiens.


Changement de destination et urbanisme : tour d’horizon d’une question délicate.

Destination et usage sont des termes courants de notre pratique notariale d’où naissent certaines questions, pour le moins complexes.

En effet, l’immeuble au coeur de notre métier, est un bien pérenne et évolutif au fil du temps : construit pour de l’habitation, il va se transformer en un local professionnel, puis commercial puis redevenir partiellement d’habitation en abritant une profession libérale puis des locations touristiques de courte durée.

Son propriétaire, bien que titulaire d’un droit de propriété constitutionnel, ne peut faire abstraction de l’environnement de son bien.

Qu’il soit situé dans un centre ville historique, sur une zone commerciale, sur un territoire rural ou au bord du littoral, l’immeuble a un environnement qui va dicter sa destination actuelle et future.

Celle-ci est détachée de la matérialité du bien immobilier. Son propriétaire et, le cas échéant, l’occupant n’en ont pas la maitrise.

L’affectation et la destination de l’immeuble leur échappe car elles sont devenues, objet de réglementations contraignantes indépendantes les unes des autres.

L’usage ou l’affectation du bien est factuel : c’est une situation de fait qui reflète la manière d’utiliser le bien.

Mais certains changements d’usage font l’objet d’une réglementation particulière.

Tout changement, vers un usage autre que celui d’habitation est soumis aux articles L.631-7 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation. Ces normes ne concernent pas uniquement les villes de plus de 200.0000 habitants et celles du départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne car d’autres communes peuvent choisir de s’y soumettre – article L.631-9 du Code de la Construction et de l’Habitation.

Ainsi, il est toujours prudent de vérifier auprès de la commune concernée, s’il existe ou non, sur le territoire du lieu de situation de l’immeuble, une telle réglementation pouvant donner lieu à une autorisation administrative.

La destination est quant à elle une autre notion, indépendante de l’usage.

Elle est régie par le Code de l’urbanisme et notamment par les articles R.151-27 et R.151-28 de ce Code.

Elle est aussi distincte du sens qui pourrait lui être donné dans le cadre des règlements de copropriété.

Pour autant, le régime des changements de destination n’est pas sans lien avec celui qui s’applique aux changements d’usage ou à la copropriété mais l’obtention des uns ne garantit pas l’obtention des autres, de même que la légalité des uns n’est pas conditionnée par la légalité des autres, quand bien même ils relèveraient de la même autorité administrative

Mais, bien entendu, il est nécessaire de faire preuve de pragmatisme : la destination d’un bâtiment s’apprécie au regard de son usage principal. Et celui-ci résultera généralement du permis de construire en vertu duquel il a été édifié ou le cas échéant d’autorisations postérieures.

En leur absence ou en présence de bâtiments anciens, dépourvus à l’époque de toute autorisation ou dont la destination initiale s’est perdue ou n’a plus de sens, le praticien peut être amené à se poser la question suivante : faut-il se livrer à une étude historique de l’immeuble pour rechercher l’usage effectif qui en a été fait depuis sa construction ?

Qu’on se le tienne pour dit : le Conseil d’Etat nous en dispense. Lorsque l’affectation originelle s’est perdue du fait de son abandon depuis plusieurs années, il convient de se fonder sur les caractéristiques propres de l’immeuble pour en déduire sa destination actuelle – CE 5° et 6° ch.-r., 28 décembre 2018, n° 408743.

Néanmoins, toute construction doit avoir l’une des destinations énumérées à l’article R.151-27 du Code de l’Urbanisme et donc est soit de l’habitation, soit du commerce et activités de service, soit des équipements d’intérêt collectif et services publics, soit une exploitations agricole et forestière ou enfin d’ autres activités du secteur secondaire ou tertiaire ; étant entendu que chacune d’elles comprend des sous destinations énumérées à l’article R.521-8 du Code de l’Urbanisme.

Un changement de destination consiste donc à transformer la destination légale d’une surface plancher existante en une autre destination légale.

Il suppose non seulement une autorisation d’urbanisme mais aussi que les règles d’aménagement du territoire ne s’y opposent pas.

Ainsi, les changements de destination doivent être possibles sur le territoire du bien concerné.

Pour exemple, dans des zones naturelles et notamment en zone agricole, le changement de destination n’est pas de principe – article L. 111-4 du Code de l’urbanisme : en zone N, le document d’urbanisme en vigueur peut désigner des bâtiments qui seuls pourront faire l’objet d’un tel changement et, à condition que celui-ci ne compromette pas l’activité agricole ou paysagère du site. Il est aussi possible de les limiter en zone urbaine : ceux-ci peuvent être autorisés que s’ils créent de l’habitation ou à l’inverses des bureaux ou services…

Au delà, certains documents d’urbanisme les interdisent.

Dans certaines villes, d’importantes surfaces de locaux destinés à des activité commerciales sont vacants du fait de l’impossibilité d’en changer la destination et de les transformer en logement. Il est alors pertinent de proposer à la commune une révision simplifiée du document d’urbanisme pour permettre la réalisation d’un projet de rénovation permettant l’utilisation de tels espaces.

Ainsi s’il est possible au regard du document d’urbanisme applicable, ce changement de destination suppose l’obtention, a minima d’une déclaration préalable – article R.421-17 (b) du Code de l’urbanisme – et au maximum d’un permis de construire en fonction de l’importance des travaux – article R.421-14 (c) du Code de l’urbanisme.

Mais au delà, un tel changement se doit aussi d’être rendu possible par les ultimes “gardiens” de la destination de l’immeuble – article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965- puis du lot : le règlement de copropriété et l’assemblée générale des copropriétaires.

Un copropriétaire ne peut porter atteinte à la destination de l’immeuble par l’usage qu’il fait de son lot et celui-ci peut faire l’objet de restrictions d’affectations justifiées par la destination globale de l’immeuble.

Cette question est parfois épineuse dans nos dossiers.

Lorsque l’autorisation préalable de l’assemblée générale de la copropriété est requise pour changer la destination d’une partie privative; celà n’empêche pas le copropriétaire de solliciter l’autorisation exigée en droit de l’urbanisme et de l’obtenir – CE, 23 octobre 2020, n° 42547.

Mais, en pratique, en cas de refus de la copropriété, il ne pourra adopter la destination voulue et ce, même si l’autorité administrative lui a délivré son feu vert!

L’obtention d’un changement de destination peut s’avérer être un véritable périple. Il est donc judicieux de respecter une certaine chronologie dans l’obtention des différentes habilitations.

En présence d’un immeuble soumis au statut de la copropriété, il convient de s’assurer au préalable, auprès de celle-ci, de la possibilité d’un tel changement et ce, avant toute demande d’autorisation d’urbanisme. Si cette dernière s’accompagne d’une autorisation administrative, au titre de l’article L.631-7 du Code de Construction et de l’Habitation – car le changement de destination entraine changement d’usage-, il sera prudent, là encore, de l’obtenir avant l’autorisation d’urbanisme.

Le propriétaire n’est donc pas maître de la destination de l’immeuble : la fonction sociale de la propriété immobilière est une réalité.

Elle fait alors appel à notre analyse : il nous faut méthodiquement démêler ce lacis en apparence inextricable pour, au terme de ce périple, obtenir la satisfaction d’un changement de destination dans le respect des différentes réglementations.