La conclusion d’un avant-contrat sur un bien inaliénable

La Haute juridiction vient de nous délivrer un message : un immeuble, frappé d’une clause d’inaliénabilité peut faire l’objet d’une promesse de vente ; laquelle se réalisera une fois l’inaliénabilité du bien levé. Qu’on se le tienne pour dit : le promettant peut donc disposer de son bien sous réserve de son aliénabilité future.

En d’autres termes, un avant-contrat demeure valable et la vente qui s’ensuit réalisable, à partir du moment où l’interdiction de disposer qui frappait l’acte au départ, disparait.

Dans cette décision de la Troisième Chambre Civile du 30 janvier 2020, une vente ne pouvait se réaliser, en raison d’une donation consentie rendant le bien, objet de l’avant-contrat, indisponible. Mais c’est alors, qu’au cours de la promesse, cet empêchement et levé. Les juges du fond estiment alors la vente régularisable. Les juges de droit confirment cette position : le transfert de propriété aura bien lieu.

Il est aujourd’hui envisageable de disposer d’un bien inaliénable sous réserve de son aliénabilité future

L’acte en cause ne contenait aucune clause ni condition suspensive relative à la disparition de cette inaliénabilité.

Pour autant, les juges du fond et les juges de droit s’entendent : si l’obstacle juridique empêchant la réitération de la vente est levé, la volonté des parties prime et le processus contractuel doit aboutir. La promesse de vente a donc force obligatoire.

Point n’est besoin de suspendre conventionnellement la promesse a cet événement : de facto la Cour de cassation considère que les parties ont nécessairement entendu reporter l’exigibilité de l’obligation à la levée de l’inaliénabilité. Il s’agit d’un terme suspensif entré tacitement dans le champ contractuel : la régularisation de l’acte y est implicitement subordonné.

La rédaction d’une promesse de vente sur un bien indisponible entre dans le champ des possibles

Il est donc clairement concevable de rédiger des promesses de vente sous condition de la disponibilité future d’un bien.

La sécurité et la prévisibilité juridique commandent, cependant, d’aménager, dans nos actes, des clauses précises en ce sens. Et ce, même si la Cour de cassation a, en l’espèce, considéré que les parties avaient tacitement reporté la vente à la disparition de l’inaliénabilité. L’accomplissement de la promesse de vente devrait donc clairement être suspendue à la réalisation d’un terme constitué par la levée de l’indisponibilité du bien.

Le Conseil d’Etat a d’ailleurs ouvert une brèche sur ce sujet : rien ne fait obstacle à ce que un bien du domaine public fasse l’objet d’une promesse de vente sous condition suspensive de son déclassement – décision du CE du 15 novembre 2017, n° 409728. La Cour de cassation lui emboite le pas, par cette décision.

Le message est entendu.

Le relais est pris : il nous est permis de régulariser un acte de vente sur un bien indisponible, au jour de la signature de la promesse, et depuis, devenu aliénable. La date de la signature de l’acte de vente sera alors différée au jour de la levée de cet obstacle juridique.

Une voie est ainsi clairement ouverte : il ne reste plus qu’à l’emprunter avec quelques points d’ancrage…

L’acquéreur professionnel, par une clause conventionnelle acceptée par le vendeur, peut bénéficier des délais de rétractation ou de réflexion de l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation et ce, en dehors de son champ d’application légal.

Une question pratique mérite d’être posée : pourrions nous proposer à l’acquéreur au stade de l’avant-contrat ou, le cas échéant, au stade de la vente, de bénéficier d’un des délais prévus par l’article L.271-1 du Code de la Construction et de l’Habitation ? En effet, cette disposition légale, protectrice du consentement de l’acquéreur prévoit soit un délai de rétractation de 10 jours dès la signature d’une promesse de vente ou un délai de réflexion d’une durée identique si, l’acte de vente, n’est pas précédé d’un avant-contrat. Ce délai, exclusivement prévu par le texte, en faveur de l’acquéreur immobilier non professionnel et en présence d’un immeuble à usage d’habitation, s’applique d’ors et déjà, par des dispositions spéciales, à la vente d’un terrain à bâtir soumis à permis d’aménager ainsi que nous l’indique l’article L.442-8 du Code de l’urbanisme.

Si l’acte juridique est bien oeuvre de clauses et de conventions, les parties pourraient volontairement utiliser l’article L.271-1 du Code de la Construction et de l’Habitation, en tant que de besoin, dans des hypothèses autres que celles qui exigent un acquéreur non professionnel et un immeuble à usage d’habitation.

La Cour de cassation l’a d’ailleurs récemment indiqué dans une décision du 5 décembre 2019 : les juges de droit relèvent que l’acte juridique fait expressément référence à l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation et, qu’en conséquence l’acquéreur professionnel de l’immobilier, bénéficiait légitimement du délai de rétractation. Les vendeurs, eux, ne l’entendaient pas ainsi : analysant ce renvoi à l’article L.271-1 du Code de construction et de l’habitation comme une simple clause de style, ils en refusaient le bénéfice à l’acquéreur.

La haute juridiction ouvra alors le champ des possibles : le pourvoi des vendeurs est rejeté et il est donné effet à la clause de rétractation au bénéfice d’un acquéreur professionnel.

L’argumentation est la suivante : les vendeurs avaient accepté cette clause par la signature de l’acte et en avaient parfaitement connaissance puisque ils avaient donné mandat exprès au notaire de notifier ce droit de rétractation à l’acquéreur professionnel. Un tel mandat était bien le signe de l’existence d’une clause négociée et comprise. Ainsi, à aucun moment, il était permis de penser à une simple clause de style : peu importe la référence dans la clause à un « acquéreur non-professionnel » tel que visé dans l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation. Au cas présent, le fait pour la clause de se référer à la qualité de « non-professionnel » consiste à considérer l’acquéreur comme tel pour les besoins de l’acte, alors que sa véritable qualité de professionnel était connue des vendeurs.

Plus aucune hésitation est permise : l’article L.271-1 du Code de Construction et de l’Habitation s’utilise hors de son champ d’application et en faveur d’acquéreurs professionnels et/ou d’immeubles à usage autre que d’habitation – comme par exemple les contrats de vente en l’état futur d’achèvement en secteur libre. En ces temps troublés par une crise sanitaire, un tel délai pourrait s’avérer protecteur et utile.

Et, la Cour de cassation en profite pour nous livrer un message claire et précis: qu’on se le tienne pour dit, les clauses de nos actes font la loi des parties.

La technique contractuelle reflétée dans nos actes s’adapte donc aux besoins précis de nos clients dans les limites légales fixées par le législateur.



Le silence de l’administration, une fois le délai d’instruction terminé, peut valoir décision de rejet et non permis tacite

Le Code de l’urbanisme prévoit les différents cas où le silence de l’administration à la fin du délai d’instruction vaut décision implicite de rejet.

Ainsi, l’article R. 424-2 du Code de l”urbanisme indique les cas de rejet tacite de l’autorisation : les travaux sont soumis à l’autorisation du ministre de la défense ou à une autorisation au titre des sites classés ou en instance de classement ou des réserves naturelles ; le projet fait l’objet d’une évocation par le ministre chargé des sites ou par le ministre chargé de la protection des réserves naturelles ; le projet porte sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques ; le projet est soumis à enquête publique en application du code de l’environnement ; il y a lieu de consulter l’Assemblée de Corse ;  le projet est situé dans un espace ayant vocation à être classé dans un futur parc national dont la création a été prise en considération par les communes pour avis ou dans un parc national existant ; le projet est soumis à une autorisation cinématographique ou commerciale et la demande a fait l’objet soit d’un refus de la commission départementale ou nationale compétente soit d’un avis défavorable  ; la délivrance du permis est subordonnée, à l’obtention d’une dérogation pour l’isolement acoustique prévue par l’article L.111-4-1du code de la construction et de l’habitation et que cette dérogation a été refusée.

Dans une décision du 12 février 2020 Le Conseil d’État (N° 411949) en déduit que « le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la demande de permis de construire porte sur une démolition soumise à permis en site inscrit, y compris lorsque cette demande porte également sur une construction ».

Cette décision est logique et découle d’une application stricte de l’article L.424-2 du Code de l’urbanisme puisque le silence de l’administration vaut décision implicite de rejet lorsque le projet porte sur une démolition soumise à permis en site inscrit.

Dans cette affaire, le pétitionnaire construisait de nouveaux bâtiments et en détruisait d’autres. Il aurait du, en réalité, demander un permis de construire et un permis de démolir ; ce dernier étant obligatoire en site inscrit où se situait la démolition. Il n’a demandé qu’un permis de construire pour le tout et son autorisation est rejetée du seul fait du silence gardé par l’administration.