Lorsque nos modes de vie évoluent et donnent lieu à la création de nouveaux concepts tels que le “coliving” ou encore le “coworking”, les rédacteurs des plans locaux d’urbanisme sont appelés à réfléchir sur la manière d’appréhender ces notions pour les intégrer dans les différentes destinations des constructions autorisées, sur un territoire donné.
Les auteurs des PLU ont, en effet, toute latitude, dans le respect des règles nationales d’urbanisme, pour préciser l’affectation des sols – commerce, habitation – ou la nature des activités autorisées et/ou interdites; et, définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions.
Ils peuvent aussi préciser la destination et la sous-destination des bâtiments tel que définies par le Code de l’Urbanisme en ses articles R. 151-27 et R. 151-28.
Chaque destination principale – exploitation agricole et forestière ; habitation ; commerce et activités de service ; équipement d’intérêt collectif et services publics ; autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire- est subdivisée en « sous-destinations ».
L’article R. 151-28 du Code de l’Urbanisme indique ces 20 sous-destinations contenues dans les destinations précédentes.
Un arrêté du 10 novembre 2016, complété par une fiche technique élaborée par le ministère du Logement et de l’Habitat durable – Fiche technique n° 6, Réforme des destinations de construction, publiée en 2015 par le ministère du Logement et de l’Habitat durable- explicite le contenu des sous-destinations récemment modifié par un décret n° 2020-78 du 31 janvier 2020.
Les porteurs de projet sont tenus de prendre en compte l’ensemble de ces destinations et sous-destinations réglementées par les plans locaux d’urbanisme auxquels ils sont soumis.
Et, l’option faite par le constructeur, dans sa demande d’autorisation d’urbanisme d’une sous-destination précise n’est pas neutre notamment lorsqu’il s’agit de l’hébergement et du logement.
Très concrètement, la sous-destination hébergement, permet d’éviter des contraintes applicables uniquement aux logements telle que les servitudes de mixité sociale et l’obligation de création de places de stationnement.
La viabilité économique du projet de construction dépend donc aussi du choix de la destination et de la sous-destination de la construction dans le dépôt de l’autorisation initiale.
A ce titre, le choix de la sous-destination hébergement propre au “coliving” suppose de ne pas construire ou rénover de véritables logements.
Ainsi, si le principe du “vivre ensemble” est simple, il est néanmoins à la croisée des chemins d’une pluralité de règles et souvent, aux frontières, de notions existantes.
C’est dire que, confronté aux projets de “coliving”, le législateur doit concevoir pas à pas son cadre juridique.
Le droit positif lui emboîte néanmoins le pas : en témoigne une décision d’importance de la Cour d’Appel de Bordeaux du 6 juillet 2023 – n° 22BXO1135.
Dans cette affaire, le constructeur titulaire d’une autorisation pour bâtir du “coliving” construisit, en réalité, de véritables logements.
Les services de la mairie rendus sur place ont constaté dans le bâtiment l’existence de chambres équipées de salle d’eau et de toilettes individuelles étant entendu que leurs portes disposaient chacune d’une serrure et d’un œilleton.
Par ailleurs, les annonces pour la location de ces chambres sur le site internet « moncoliving.fr », précisaient leurs différentes éléments d’équipement et notamment la présence de réfrigérateurs, de plaques de cuisson amovibles ou même, parfois d’un lave-linge.
Les juges du fond considèrent alors que le bâtiment est constitué de logements neufs. En tant que tels, ces derniers ne respectent donc pas le nombre de place de stationnement requises dans le plan local d’urbanisme de Bordeaux métropole.
Cette décision en témoigne : les juges administratifs, pas à pas, face au silence du législateur, posent des critères factuels permettant de faire entrer ou non le “coliving” dans une des sous-destinations de la destination habitation de l’article R.151-27 du Code de l’Urbanisme.
Si les locataires de ces derniers, disposent, d’une totale autonomie et ne dépendent pas des services proposés dans les parties communes des bâtiments, il s’agit alors d’habitats indépendants dotés, en plus, d’espaces communs utilisables par tous.
Cet habitat sera intégré dans la sous-destination logement de l’article R.151-28 du Code de l’Urbanisme.
A l’inverse, si l’immeuble est doté d’espaces partagés et d’espaces privatifs, propres à chaque locataire mais, ne leur permettant pas de vivre en totale autonomie, il s’agit d’un “coliving”.
Le “coliving” quant à lui sera assimilé à la sous-destination hébergement. Il n’est pas un simple assemblage de logements indépendants mais une véritable structuration immobilière du “vivre ensemble”.
Il est donc temps que le législateur se saisisse de cette nouvelle notion : les défis juridiques sont nombreux tant le “coliving” offre des réalités diverses, inconnues jusqu’alors de l’immobilier résidentiel.
La difficulté réelle est donc de distinguer ce qui relève du logement ou de l’hébergement dans la destination habitation.
Rien n’est définitivement figé, autant que rien n’est complètement résolu et certaines questions restent en suspens.
Mais il est une certitude : les porteurs de projet ne peuvent faire passer des logements “classiques” pour du “coliving” pour augmenter le nombre de logements autorisés par le permis de construire. Les autorités administratives aidées par le droit positif ont aujourd’hui suffisamment de critères factuels pour détecter une telle tentative.